Notre secteur de la santé est malade. Tous les acteurs, gouvernements, manufacturiers et patients peinent à s’y retrouver. Le système échoue à développer une solution de rechange réelle aux urgences pour les problèmes de santé mineurs tandis que l’industrie pharmaceutique peine à rétablir des chaînes d’approvisionnement mondiales en fort mauvais état, en plus de résister devant les tensions liées aux prix des médicaments d’origine et génériques face aux gouvernements⁠1.

Ces derniers sont avides de médicaments à bas prix, sans qu’on ait encore vu les bénéfices tangibles de ces économies sur l’efficacité de notre système de santé. Pire, ça ne semble régler en rien les problèmes fondamentaux d’un système où le parcours du patient commence trop souvent par une visite interminable aux urgences pour se terminer par une consultation médicale expéditive de 10 minutes et une ordonnance.

Pour le grand public, les solutions de rechange aux urgences débordantes sont trop rares, et on remarque depuis longtemps des déficiences notables dans le triage et l’orientation du patient vers le service approprié. De plus, on note des carences chroniques sur le plan de la disponibilité de traitements et de médicaments pour des problèmes de santé mineurs et des soins de base. Et ça se complique lors de pénuries comme la plus récente, celle de médicaments pour enfants bien utiles aux parents tentant de soigner leurs enfants à la maison.

Pourtant, des solutions pour désengorger le système de santé, bien que partielles, existent et sont implantées ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Une de ces solutions consiste à favoriser une plus grande disponibilité de médicaments en vente libre en pharmacie.

Des études et initiatives récentes témoignent de cette solution pour tenir des patients aux prises avec des maux mineurs loin des urgences. Il s’agit essentiellement de travailler en collaboration avec l’industrie pharmaceutique pour faire passer certains produits du comptoir Rx (nécessitant une ordonnance) aux tablettes de pharmacie où les médicaments sont distribués et accessibles aux patients.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

« Un autre chantier pour désobstruer notre système de santé consiste à donner plus de latitude au pharmacien dans la prescription de médicaments », affirme l’auteur.

Une étude souvent citée, celle du Conference Board of Canada⁠2, présente les bienfaits de ces décisions pour le patient et notre système de santé, et spécialement dans le domaine de la santé digestive. Évidemment, chaque initiative mettant un médicament en vente libre doit être préalablement accompagnée d’études rigoureuses quant à l’éducation requise pour gérer les risques pour le patient ainsi que pour la juste répartition des bénéfices économiques entre les acteurs (gouvernement, assurances privées, pharmaciens, patient, industrie pharmaceutique).

Toutefois, et contrairement à ses voisins, le Québec adopte une position relativement froide face à cette possibilité de favoriser la responsabilisation des patients/citoyens avec un désengorgement conséquent du système de santé.

C’est ainsi que des produits comme le Nexium, les produits Gravol et d’autres produits comme Nasacort et Flonase sont en vente libre en Ontario alors qu’ils sont gardés derrière le comptoir au Québec, difficiles d’accès et loin des yeux du patient consommateur. Au sud, les États-Unis sont même plus avancés à plusieurs égards, n’hésitant pas à faire face à la controverse en autorisant la distribution de la pilule abortive en pharmacie⁠3.

N’est-il pas curieux que notre gouvernement provincial monopolise la vente de cannabis et de produits d’alcool, avec un sans-gêne menant même à un programme de loyauté stimulant la consommation par l’entremise de « SAQ inspire », alors qu’il adopte une approche si timide lorsqu’il s’agit de rendre disponibles des médicaments pour des problèmes de santé temporaires et mineurs ?

Dans la même veine, un autre chantier pour désobstruer notre système de santé consiste à donner plus de latitude au pharmacien dans la prescription de médicaments. L’Ontario vient d’innover à ce chapitre⁠4 et autorise le pharmacien à prescrire des médicaments couvrant un large spectre de malaises communs, mais demandant un traitement rapide, comme l’impétigo, les infections urinaires, la rhinite, les conjonctivites et les dermatites. La Colombie-Britannique et l’Alberta ont également pris des décisions semblables.

Et le Québec ? À quand une approche concertée et éclairée pour permettre aux citoyens de s’occuper de leurs petits bobos de façon autonome ou avec l’aide de leur pharmacien du coin, à qui on donnerait l’autorité et les ressources nécessaires pour assumer ces services ? Il ne suffit pas de crier « évitez les urgences ». Il faut proposer des options concrètes, démontrer du leadership en sollicitant l’apport de tous les acteurs clés du milieu.

1. Lisez l’article « Médicaments génériques : l’industrie plaide pour une hausse des prix »

2. Isabelle Gagnon-Arpin, Value of Consumer Health Products : The Impact of Switching Prescription Medications to Over-the-Counter, Ottawa : The Conference Board of Canada, 2017

3. Lisez l’article « Les États-Unis vont autoriser la vente de pilules abortives en pharmacie » 4. Lisez un article de la CBC à ce sujet (en anglais)