Une autre tuile s’abat sur un producteur indien d’énergie renouvelable soutenu à hauteur d’environ un demi-milliard par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) – un investissement qui a fondu comme neige au soleil. Le risque de défaillance chez Azure Power Global est désormais élevé, estiment deux des principales agences de notation.

Cette récente mise en garde de Moody’s et de Fitch Ratings s’accompagne d’une décote à l’endroit de la société, une décision qui fait grimper ses coûts d’emprunt. Une série d’irrégularités en matière de gouvernance ont éclaboussé Azure l’été dernier, ce qui a provoqué une dégringolade de son action à la Bourse de New York.

« La décote reflète nos inquiétudes en matière de gouvernance en raison de l’incapacité de la direction à divulguer de l’information financière dans les délais, observe Fitch. Il existe toujours un flou sur les contrôles internes non résolus chez Azure […] sur sa performance globale et la flexibilité financière de ses entités. »

Selon Fitch, une note de crédit de « BB » – qui a été attribuée à Azure – signifie une « vulnérabilité élevée au risque de défaillance », particulièrement si le contexte économique continue à se détériorer. À court terme, la société est en principe capable de faire face à ses engagements financiers.

Principal actionnaire d’Azure avec une participation de 53,4 %, le bas de laine des Québécois n’est pas le seul à souffrir de la débâcle du producteur d’énergie renouvelable fondé en 2008 et qui développe notamment une plateforme d’énergie solaire en Inde. Le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS), deuxième actionnaire en importance (21,5 %), a aussi des centaines de millions en jeu. Les deux institutions comptent chacune un représentant au conseil d’administration.

Squelettes dans le placard

La débâcle boursière d’Azure a pris de l’ampleur le 29 août dernier avec un plongeon de 44 %. Le départ surprise du président-directeur général – qui n’était en poste que depuis deux mois – avait été annoncé dans des circonstances toujours nébuleuses. La société avait aussi révélé avoir reçu, quelques mois auparavant, une plainte d’un lanceur d’alerte à propos de potentielles irrégularités et inconduites de la part de certains employés.

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On ignore toujours le fond de l’histoire, qui a néanmoins provoqué une dégringolade du titre sur Wall Street. Au cours actuel de l’action (4,15 $ US), le placement de la CDPQ ne vaut plus que 189 millions US. À son sommet en janvier 2021, le titre de l’entreprise valait plus de 50 $ US sur Wall Street.

Après une analyse qui s’est amorcée fin août, Moody’s a également décidé d’abaisser, la semaine dernière, les notes de crédit des entités d’Azure, qui varient entre Ba2 et Ba3 – une catégorie jugée très spéculative par l’agence new-yorkaise. Celle-ci partage les inquiétudes de Fitch.

« Les risques de gouvernance pèsent lourd dans la balance, écrit Moody’s. La décote […] est attribuable à des problèmes de gouvernance interne qui ont retardé le dépôt des états financiers audités, à des plaintes qui n’ont pas été traitées et à du roulement de personnel chez les cadres supérieurs. »

Par courriel, la CDPQ n’a pas voulu commenter, mardi, les rapports de Moody’s et de Fitch concernant Azure puisqu’il s’agit d’une société cotée en Bourse. OMERS n’avait pas répondu aux questions de La Presse envoyées par courriel.

À vendre

Il n’y a pas plus d’enthousiasme du côté des analystes financiers. Maheep Mandloi, de Credit Suisse, est l’un des rares à suivre les activités d’Azure. Dans un rapport envoyé à ses clients le 13 janvier dernier, ce dernier recommande toujours de larguer le titre et abaisse son cours cible à 4 $ US sur un horizon de 12 mois.

« Ma recommandation demeure inchangée alors que l’entreprise n’a toujours pas publié son rapport annuel de l’an passé, répliqué à la plainte d’un lanceur d’alerte et nommé un nouveau PDG de façon permanente », souligne-t-il.

M. Mandloi ajoute qu’Azure a encore jusqu’en août prochain pour produire le rapport et répondre aux exigences de la Securities & Exchange Commission – le gendarme boursier aux États-Unis – afin de lever des capitaux par l’entremise du marché boursier. L’analyste prévient qu’un délai au-delà du troisième trimestre cette année mettra en péril la croissance et les projets de développement de l’entreprise.

Le placement dans Azure est précisément le type d’investissement qui cadre avec les objectifs de la stratégie climatique de la CDPQ, notamment de détenir 54 milliards de dollars en actifs verts d’ici 2025 pour contribuer activement à une économie plus durable.

En savoir plus
  • 267 millions US
    Valeur boursière d’Azure au 24 janvier. Elle atteignait 670 millions US avant le dévoilement des irrégularités le 29 août dernier.
    new york stock exchange