Fondée il y a 25 ans pour soutenir financièrement et faire émerger l’entrepreneuriat féminin dans toutes les régions du Québec, l’organisation Femmessor a élargi en 2021 son champ d’action tout en changeant son nom pour Evol. L’organisation finance aujourd’hui les entreprises à propriété diversifiée et inclusive qui ont un impact positif sur le plan humain et environnemental, nous explique sa PDG Sévrine Labelle.

Femmessor est née sur la Côte-Nord en 1995, avec la création par un groupe d’entrepreneures d’un premier fonds d’investissement de 50 000 $ pour soutenir les femmes qui voulaient lancer ou faire progresser leur entreprise.

L’initiative a rapidement été répliquée sur l’ensemble des 17 régions du Québec tout en étant appuyée financièrement par le ministère du Développement économique.

En 2016, Femmessor a mis sur pied un premier fonds d’investissement de 19 millions grâce à la participation financière d’Investissement Québec et de Fondaction de la CSN qui ont investi 8 millions chacun.

« En 2018, on a entrepris une réflexion stratégique après avoir constaté qu’il y avait beaucoup de catégories d’entrepreneurs qui étaient sous-représentées comme les femmes l’ont été », explique Sévrine Labelle, PDG d’Evol depuis 2017.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sévrine Labelle, PDG d’Evol, alors que l’entreprise s’appelait Femmessor, en 2018.

On a décidé d’élargir notre mandat et de soutenir les entrepreneurs de la diversité, qu’il s’agisse de personnes racisées, immigrantes, autochtones, handicapées ou de la communauté LGBTQ2+.

Sévrine Labelle, PDG d’Evol

« On a aussi décidé de soutenir les entreprises dont les actions sont alignées sur les objectifs de développement durable de l’ONU », précise Mme Labelle.

Cette nouvelle stratégie a été implantée en septembre 2021 lorsque Femmessor s’est transformée en Evol, tout juste après avoir lancé un nouveau fonds d’impact de 52,5 millions grâce à l’ajout de nouveaux partenaires qui se sont greffés à Investissement Québec et Fondaction.

Le Fonds de solidarité FTQ, la Banque Nationale et la BDC ont participé à la mise sur pied de ce nouveau fonds qui va permettre le financement de multiples projets au cours des cinq prochaines années.

Une économie plus inclusive

« De 2016 à 2021, nous avons réalisé avec le fonds de 19 millions plus de 300 financements d’entreprises qui étaient détenues à au moins 25 % par des femmes, détaille Sévrine Labelle. Du financement pour accompagner des start-up, pour générer de la croissance ou réaliser une acquisition. »

« Nos prêts ont été de 58 000 $ en moyenne, mais pouvaient atteindre un maximum de 150 000 $. Et 80 % des entreprises qu’on a soutenues sont toujours en activité, ce qui est plus élevé que la moyenne nationale qui est de 65 % », souligne la PDG d’Evol.

Avec sa nouvelle stratégie d’ouverture plus large aux groupes minoritaires, Evol s’associe à des entreprises qui ont l’intention d’avoir un impact positif dans la société et qui sont écoresponsables.

Evol a financé des entreprises comme OLA Bamboo, qui faisait des brosses à dents et d’autres objets à partir de bambou et qui utilise maintenant des résidus d’érable obtenus d’une entreprise qui usine des guitares, ou encore malterre, qui fabrique des craquelins à partir des drêches de bière artisanale.

Evol a aussi financé les résidences Latour, qui veulent se spécialiser dans l’hébergement de personnes âgées de la communauté LGBTQ2+.

« On est un agent de changement, on a une mission sociale et économique, et on a trouvé des partenaires financiers qui veulent aussi transformer la société. Créer des entreprises pour créer des entreprises, ce n’est plus utile aujourd’hui. Il faut bâtir des modèles différents qui tiennent compte des critères sociaux, environnementaux et de saine gouvernance », expose Sévrine Labelle.

Cette théorie d’investissement n’a pas écarté pour autant le mandat initial de l’organisme sans but lucratif qui était de favoriser l’émergence des femmes entrepreneures et de viser la parité.

« La nouvelle génération est de plus en plus paritaire, comme l’a démontré Réseau Mentorat dans une étude récente, et on continue de participer à l’arrivée des femmes comme cheffes d’entreprise puisque 90 % des projets qu’on a financés en 2021 comptaient des femmes dans leur actionnariat », signale la PDG d’Evol.

Des projets et des partenaires

Déjà, un an après le lancement du nouveau fonds d’impact de 52,5 millions, Evol a réalisé en 2022 pour 9,2 millions de dollars de financements dans plus d’une soixantaine d’entreprises, dont 30 % des propriétaires provenaient des minorités autochtones, immigrantes ou handicapées.

Le montant des prêts accordés aux entreprises est maintenant plus élevé puisqu’il peut varier entre 50 000 $ et 450 000 $. Les entreprises types qui postulent pour de l’aide financière comptent de 5 à 20 employés et sont principalement actives dans les services, la fabrication, le tourisme et la restauration.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Sévrine Labelle

On a présentement 150 projets dans le pipeline et on est associés avec 40 grands partenaires nationaux, que ce soit des groupes autochtones ou des minorités racisées comme le Groupe 3737 à Montréal-Nord. Nos fonds sont ouverts à cette diversité.

Sévrine Labelle, PDG d’Evol

« Ce qu’il faut préciser, c’est qu’on ne fait pas que du financement, souligne Mme Labelle. Pour chacune de nos interventions, on assure un accompagnement aux entreprises avec lesquelles on intervient. »

« On fait même de l’accompagnement préfinancement, notamment auprès des start-up pour aider les entrepreneurs à monter leur plan d’affaires grâce à l’appui du ministère du Développement économique et de l’Innovation », explique Sévrine Labelle.

Le groupe Evol compte sur une équipe de quelque 75 professionnels et dispose de bureaux dans les 17 régions administratives du Québec. L’organisation est complètement décentralisée et n’a pas de siège social comme tel, toutes les fonctions étant réparties dans les différents bureaux régionaux.

« On était décentralisé avant la pandémie, ça n’a donc pas été un choc pour nous, le télétravail », affirme la PDG.

La prochaine étape dans le déploiement d’Evol sera de réaliser d’ici cinq ans du financement par équité, en prenant des participations au capital des entreprises qui souhaitent ce type de partenariat. « Ça va être du capital patient. On ne cherche pas le rendement, mais à faire la différence », précise Sévrine Labelle.

Une première version de ce texte indiquait que l'organisme accordait des prêts de valeurs allant entre 100 000 $ et 5 millions de dollars, plutôt qu'entre 50 000 $ et 450 000 $.