(Villeroy) Le Centre-du-Québec est devenu en 40 ans un important lieu de production et de transformation de la canneberge, le fruit emblématique du temps des Fêtes qui a pris d’assaut les centres de table de plusieurs réveillons québécois. Martin Le Moine, cofondateur de Fruit d’Or, nous raconte comment la canneberge qu’il voulait cultiver de façon artisanale comme projet de retraite s’est rapidement imposée pour devenir le cœur de son univers.

Difficile d’y échapper, la canneberge semble devenir omniprésente durant la période des Fêtes au Québec et de Thanksgiving aux États-Unis, mais on la retrouve maintenant à longueur d’année sous toutes les formes et toutes les moutures : en jus, séchée, congelée, dans les collations, salades, barres tendres, bonbons, muffins, etc.

« Quand j’ai débuté la canneberge en 1993 avec mon associé Marcel Pilote, on était la 4e ferme de la région à le faire. Je voyais ça comme un projet de retraite. On a débuté la production sur 15 acres et deux ans plus tard, on s’est converti dans la canneberge bio », relate Martin Le Moine.

Lui qui avait été jusque-là éleveur de porcs et cofondateur avec son frère Stéphane de l’entreprise Prorec, spécialisée dans la récupération de produits végétaux solides, s’est subitement fait absorber par la culture et la transformation de la canneberge.

« C’est Marc Bieler qui a été le pionnier au début des années 1980 de la production de canneberge à plus grande échelle dans la région en créant l’entreprise Atoka et en construisant le premier centre de transformation à Manseau », précise Martin Le Moine.

En 1998, Martin Le Moine s’associe à l’agroéconomiste Sylvain Dufour et à Mario Carrier, qui exploitait un séchoir à légumes à Saint-Eugène-de-Grantham, et ils décident de réaliser eux-mêmes la distribution de leurs récoltes via l’entreprise Fruit d’Or plutôt que de la vendre à la coopérative américaine Ocean Spray.

Expansion et planification

En 2000, Fruit d’Or ouvre une première usine de transformation à Notre-Dame-de-Lourdes, où on sèche et on congèle les fruits récoltés. On décide d’investir dans la construction de nouveaux entrepôts à Villeroy et de se lancer dans la production de bleuets congelés.

« De 2000 à 2008, on affichait une croissance annuelle supérieure à 50 %. C’était fou jusqu’à ce qu’on frappe un mur en 2008-2009 dans la foulée de la crise financière et de la récession. On s’est mis sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et on a pris trois ans pour se restructurer », rappelle Martin Le Moine.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Les installations de l’entreprise à Villeroy

Parallèlement, l’entreprise entreprend une planification stratégique qui l’amènera à reprendre une croissance mieux articulée, moins effrénée.

À la suite d’un incendie qui rase l’usine de Notre-Dame-de-Lourdes, en 2015, Fruit d’Or reconstruit en neuf mois une nouvelle usine à Plessisville à la fine pointe de la technologie, ce qui lui permet de doubler la capacité de production.

« On produisait et on transformait la canneberge et les bleuets pour les revendre aux grands transformateurs alimentaires, pour la production de jus, de yogourts, de barres tendres », explique Martin Le Moine.

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Martin Le Moine

En 2016, on a entrepris de fabriquer et vendre des produits directement aux consommateurs en développant notre propre marque Patience.

Martin Le Moine

Au début du mois de décembre, Fruit d’Or a annoncé des investissements de près de 50 millions pour automatiser davantage la production de l’usine de Plessisville.

« On optimise la production pour faire de la grande transformation. On transforme plus de 180 millions de livres de petits fruits, dont 70 millions qui servent à la fabrication de jus.

« Les ventes aux consommateurs et pour les produits nutraceutiques – de la poudre de canneberge pour les suppléments alimentaires – représentent aujourd’hui 15 % de nos 300 millions de revenus annuels », détaille le président exécutif du conseil de Fruit d’Or.

Le tiers de la production de l’entreprise est vendu aux États-Unis, 30 %, en Europe, 5 %, au Québec, 10 %, au Canada et 20 %, dans le reste du monde.

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Les installations de l’entreprise à Villeroy

Le groupe a acquis en 2018 l’usine de transformation de Bleuets Mistassini et a fait une percée du côté américain en réalisant en 2020 l’acquisition de l’usine de transformation de canneberges Decas dans le Massachusetts, d’une capacité de production de 50 millions de livres.

Cela nous permet d’écouler nos canneberges chez les transformateurs alimentaires américains qui veulent acheter made in USA.

Martin Le Moine

Les vertus et la popularité de la canneberge

Personne ne peut résister à garnir généreusement de sauce de canneberges son traditionnel plat de dinde. Une dinde sans canneberge serait un outrage fait à l’oiseau tant aimé.

« C’est dans le Massachusetts que la canneberge – qui était déjà bien appréciée chez nous des Hurons et des Iroquois qui l’appelaient Atoka – est devenue populaire. On la transportait par barils de 100 livres dans les bateaux du port de Boston pour donner aux marins des vitamines durant leur voyage et éviter qu’ils attrapent le scorbut. »

« C’est le fruit symbolique de Thanksgiving aux États-Unis et de Noël et du jour de l’An chez nous, mais il a aussi des vertus diurétiques contre les infections urinaires et assure une meilleure santé du système digestif. Il a un effet bénéfique sur le microbiote », synthétise le PDG de Fruit d’Or.

Le Québec est une terre propice pour la culture de la canneberge en raison de nos conditions climatiques.

Si on en fait la culture aux États-Unis dans le Wisconsin, au New Jersey ou au Massachusetts, c’est au Québec que l’on obtient les meilleurs rendements en Amérique, explique Martin Le Moine.

« On a un climat bien adapté, ça prend des hivers froids. On est moins victime des fongicides et on utilise moins de pesticides que les producteurs américains, ce qui nous avantage sur le marché européen », observe-t-il.

Il y a 30 ans, lorsque Fruit d’Or a commencé ses activités, il y avait 4 fermes de canneberges en exploitation au Québec qui cultivaient une superficie de moins de 500 acres. Il y en a plus de 80 aujourd’hui qui couvrent 12 000 acres de superficie, dont 85 % sont concentrées dans le Centre-du-Québec.

Fait à souligner, depuis l’entrée en vigueur il y a cinq ans de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe, la canneberge est le produit québécois qui a enregistré la plus fulgurante hausse de ses exportations avec une progression de 288 % !