La crise du logement abordable et la forte inflation comptent maintenant parmi les principaux facteurs avec lesquels les organismes sociocommunautaires doivent composer pour soulager la détresse des gens les plus vulnérables de la grande région de Montréal. C’est le constat que fait Claude Pinard, PDG de Centraide du Grand Montréal, qui souhaite une conversation nationale pour lutter contre la pauvreté.

Claude Pinard est devenu PDG de Centraide au mois de juillet 2021 alors que les mesures financières d’urgence pour atténuer les impacts de la pandémie, notamment la Prestation canadienne de la relance économique, arrivaient à leur terme.

« Depuis un an, on voyait venir une fatigue communautaire, postpandémique. La fin des programmes d’aide, conjuguée à la forte inflation, a donné lieu à l’apparition de nouvelles clientèles pour les organismes sociocommunautaires qui en ont eu beaucoup sur les bras.

Les gens se lèvent tous les matins pour aller travailler et ils ne sont pas capables de prendre soin de leur famille dans la dignité la plus élémentaire.

Claude Pinard

« Plutôt que d’avoir recours aux banques alimentaires le 25 du mois, les personnes s’y rendent maintenant le 15. Les besoins arrivent plus vite même si elles travaillent. Malgré la forte inflation, l’économie va bien, mais la détresse, elle va en accélérant », constate le PDG de Centraide.

C’est la raison pour laquelle Claude Pinard a entrepris de mieux mesurer les effets de la pauvreté et de se donner des outils de mesure et des indicateurs de performance.

« On vient de créer, avec Léger, le premier indice d’anxiété financière pour mesurer le stress économique au fil du temps. Le premier relevé démontre que 85 % des Québécois vivent de l’anxiété financière, mais 42 % jugent que leur niveau de stress se situe de modéré à extrême. Couvrir les dépenses essentielles est un enjeu pour plusieurs d’entre eux », souligne Claude Pinard.

Le logement, un enjeu central

Si l’augmentation du coût du panier d’épicerie contribue à fragiliser la situation financière des ménages à Montréal, à Laval et sur la Rive-Sud, c’est le coût du logement qui reste le principal vecteur d’appauvrissement de la population la plus vulnérable.

« Ça n’a pas de sens qu’un ménage consacre plus de 50 % de ses revenus nets pour se loger. Le taux d’inoccupation des logements dans le Grand Montréal est correct, c’est le taux d’adéquation entre le revenu et le coût qui n’a aucun sens.

« Les gens qui gagnent moins de 40 000 $ par année, les chefs de familles monoparentales, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles et les jeunes sous-diplômés sont les premières victimes », expose Claude Pinard.

Le PDG de Centraide souhaite que l’organisme qui finance en partie les activités de 350 groupes et projets sociocommunautaires soit plus visible sur la scène montréalaise.

On organise un sommet du logement abordable pour le printemps prochain. Il faut que tous s’impliquent, les groupes communautaires, les promoteurs, les propriétaires immobiliers, les gouvernements et même les banques.

Claude Pinard

Le PDG de Centraide donne en exemple la Ville de Vienne qui est propriétaire de 220 000 logements subventionnés, ce qui représente 60 % du parc immobilier de la ville. À Montréal, 89 % des logements appartiennent à des intérêts privés.

« Il y a quatre grandes banques qui accepteraient d’accorder du financement à taux réduit si le gouvernement garantissait des prêts pour des projets de logements sociaux », souligne Claude Pinard.

Il faut en finir avec les festivals de la crise du logement qui se répètent tous les 1er juillet ou avec celle que l’on observera dans trois semaines avec les logements chauffés qu’il faut trouver pour les sans-abri durant l’hiver.

Campagne annuelle

Centraide du Grand Montréal donnera bientôt un blitz pour sa campagne de financement de la prochaine année et espère récolter 63 millions, soit à peu près le même total que les 62,9 millions perçus l’an dernier.

« On est le deuxième investisseur sociocommunautaire après le gouvernement du Québec. On assure le financement des organismes sur un horizon de trois ans », explique le PDG.

Avec une inflation de 7 %, les besoins en financement de ces organismes ne devraient-ils pas être du même ordre, pour qu’ils puissent répondre à la demande ?

« Idéalement, oui. Mais les Montréalais sont déjà très généreux. On a une base de 98 000 donateurs et plus de 760 grands donateurs qui font des dons annuels de plus de 10 000 $. On agit sur un bassin de 4 millions de citoyens et on estime que 800 000 personnes bénéficient de notre soutien », résume Claude Pinard.

Avant de se joindre à Centraide, Claude Pinard a occupé différents postes au sein du transformateur laitier Saputo avant d’occuper durant neuf ans la fonction de directeur exécutif de la fondation Mirella et Lino Saputo, où il a développé son expertise en philanthropie et où il a bien connu Centraide.

« Quand le poste de PDG de Centraide s’est ouvert en juillet 2021, j’ai décidé à 55 ans qu’il fallait postuler. C’est le plus gros job en philanthropie à Montréal. Centraide est un organisme très efficace, qui a une présence et une connaissance du communautaire incroyable ainsi qu’une grande force d’analyse.

« On a toute une équipe et on veut continuer d’avoir un impact, la grande région métropolitaine en a besoin. Je souhaite que l’on développe une approche philanthropique entrepreneuriale pour être plus efficace encore », projette le PDG.