Des « sacrifices » seront inévitables pour limiter les dégâts pendant les trois années où le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine sera partiellement fermé, prévient le président-directeur général de l’Administration portuaire de Montréal (APM), Martin Imbleau. La solution miracle pour décongestionner l’accès routier au site n’existe pas.

Après avoir exprimé de l’inquiétude pour les « biens et commodités essentiels du Québec et de l’Ontario », lundi, à l’occasion d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal, le principal intéressé a tenté de se montrer rassurant : le chantier ne minera pas la compétitivité du port de Montréal, et personne n’est resté les bras croisés.

« L’inquiétude va être amenuisée par les solutions qui vont être apportées », a dit M. Imbleau, en entrevue avec La Presse, en marge de l’évènement. « Je pense que tout le monde va devoir y mettre du sien. Il n’y aura pas de solution parfaite. »

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Martin Imbleau, président-directeur général de l’Administration portuaire de Montréal

Jusqu’à 2500 camions se rendent quotidiennement au port de Montréal – le deuxième port en importance au pays – pour venir y cueillir un conteneur ou livrer une boîte métallique.

Entre 35 et 40 % de ce volume emprunte le tunnel. L’APM mise actuellement sur deux grandes mesures pour apaiser l’industrie du camionnage. La première est un outil destiné aux transporteurs visant à évaluer les temps d’attente et à offrir des itinéraires de rechange. L’autre consiste à « écraser la courbe » de fréquentation au port et à stimuler l’achalandage en dehors des heures de pointe, soit après 17 h – une proposition dont les limites ont déjà été identifiées, selon l’Association du camionnage du Québec (ACQ).

En raison de la pénurie de main-d’œuvre, le président-directeur général de l’ACQ, Marc Cadieux, voit difficilement comment les compagnies de transport pourront convaincre des chauffeurs de travailler en soirée.

Après avoir assisté au discours du président de l’APM, M. Cadieux a estimé que ce dernier devrait plutôt « chercher à optimiser les heures du matin ».

« Ils passent leur temps à vouloir me ramener vers le soir, a déploré le dirigeant de l’ACQ à La Presse. Si on pouvait entrer au port à quatre ou cinq heures du matin, nous pourrions en sortir avant l’heure de pointe et nos clients seraient ouverts. Allez vous promener dans un parc industriel le soir et trouvez-moi des compagnies prêtes à recevoir de la marchandise pour voir. »

Plus d’outils demandés

Le président de l’ACQ espère que son industrie bénéficiera de permissions spéciales de la part des autorités gouvernementales. Il cite en exemple une utilisation à plus grande échelle des trains routiers – des tracteurs équipés de plusieurs remorques – pour déplacer une plus grande quantité de conteneurs avec moins de camions et de personnel.

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Marc Cadieux, président-directeur général de l’Association du camionnage du Québec

Tout le monde devra mettre de l’eau dans son vin, estime pour sa part M. Imbleau. Sans les nommer, il affirme que « certains membres de la chaîne logistique » devront faire des « sacrifices ». De plus, il ne faut pas oublier qu’environ la moitié des conteneurs qui transitent par le port sont acheminés par les transporteurs ferroviaires, ajoute-t-il.

Sur la moitié [des conteneurs] qui arrivent et partent par camion, il y en a peut-être 30 % qui seront touchés par la fermeture du tunnel. Il ne faut pas amplifier la chose pour l’industrie du camionnage qui vient au port de Montréal.

Martin Imbleau, président-directeur général de l’Administration portuaire de Montréal

N’empêche, Jean-Paul Rodrigue, expert en transport maritime et professeur à l’Université Hofstra, à New York, croit que les travaux dans le tunnel risquent de faire grimper les coûts de transport.

« Imaginez un camionneur qui effectue quotidiennement trois tournées au port de Montréal et qui doit descendre à deux à cause du chantier, souligne l’expert. Il risque d’augmenter ses frais pour contrebalancer sa perte de revenus. Pour les gens qui dépendent du camionnage, les coûts augmentent. »

M. Rodrigue estime qu’il est encore trop tôt pour dire si les travaux de réfection du tunnel mineront la compétitivité du port de Montréal. Les travaux doivent s’échelonner sur trois ans, mais si le chantier accuse plusieurs années de retard et qu’il est difficile d’avoir accès au port, certaines compagnies maritimes pourraient être tentées de réfléchir.

Trois voies du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine sur six seront fermées jusqu’en 2025.

Une évaluation qui s’étire pour le projet Contrecœur

Le président-directeur général de l’Administration portuaire de Montréal (APM), Martin Imbleau, espère avoir obtenu toutes les autorisations d’ici le printemps dans le dossier du projet de terminal portuaire de Contrecœur. Ottawa a donné son feu vert au projet, mais l’Administration doit obtenir un permis de Pêches et Océans Canada en ce qui a trait à son plan de contingence pour la protection du chevalier cuivré. Le chantier doit empiéter partiellement sur l’habitat de ce poisson menacé de disparition. La facture du projet Contrecœur devrait osciller entre 750 et 950 millions. « C’est sûr que de construire en 2023, ça va coûter plus cher que de construire en 2019 », a répondu M. Imbleau, lorsqu’interrogé sur les coûts du projet et l’inflation. « On effectue une mise à jour de l’estimation chaque année. »

En savoir plus
  • 1,7 million
    C’est la quantité de conteneurs qui ont été manutentionnés au port de Montréal en 2021.
    Source : administration portuaire de Montréal