Cette semaine, Vincent Fortin, président et associé de l’agence de publicité Republik, certifiée B Corp (Beneficial Corporation), qui offre à ses employés un chalet-bureau dans les Laurentides, répond à nos questions sur le leadership.

Q. Vous offrez de façon permanente un endroit où travailler dans la nature de Tremblant. Comment les entreprises doivent-elles repenser travail, télétravail et travail hybride au sortir de la pandémie ?

R. Bizarrement, avant la pandémie, je n’étais pas un adepte du télétravail. Je trouvais que notre défi était de bâtir une culture d’entreprise forte et que, pour ce faire, nous devions être en présentiel. Pandémie oblige, j’ai changé mon fusil d’épaule, mais je demeure convaincu que le télétravail à 100 % n’est pas fait pour tous ni pour toutes les industries. Ce n’est pas le fait de travailler devant un écran toute la journée qui séduit les gens, mais bien plus les avantages d’être à la maison : tâches ménagères, possibilité de travailler hors de la ville, de rapidement passer du travail à une activité sportive, temps en famille. Ainsi, les entreprises doivent maintenant réfléchir à la façon de procurer ces avantages même en mode hybride. Un chalet-bureau est une solution parmi d’autres. C’est aux entreprises d’adapter leurs avantages en fonction de leurs talents et intérêts.

Cela dit, je suis persuadé que le télétravail exige une meilleure connaissance de soi pour le maintien de l’équilibre mental. Pour des personnes qui tirent leur énergie des autres, ça peut être difficile de rester chez soi. Pour d’autres, le télétravail apporte des enjeux de communication. La tendance est à la personnalisation. Les entreprises doivent non seulement être flexibles, mais aussi composer avec les réalités personnelles de leurs talents.

Q. Pourquoi était-ce important pour Republik d’être certifiée B Corp ?

R. Nous avons été la première agence au Québec qui s’est certifiée B Corp, en 2015. Depuis, le mouvement ne fait que grandir et c’est une bonne nouvelle. En gros, la certification B Corp est aux entreprises ce que LEED est aux bâtiments : elle vient attester que l’entreprise répond aux plus hautes exigences de responsabilité sociale. Les entreprises ont la possibilité de se démarquer dans différentes composantes de la RSE pour obtenir la certification. Une entreprise pourrait offrir des conditions de travail extraordinaires, s’impliquer de façon notable dans sa communauté tout en ayant des pratiques environnementales en dessous des exigences et quand même obtenir la certification.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Vincent Fortin pose dans le chalet-bureau de Republik, à Tremblant, avec les employées de l’agence Justine Laurier et Jenève Gervais.

Aujourd’hui, la certification a fait sa place dans des grandes comme des petites entreprises, de la BDC à Republik. Pour moi, le plus grand bénéfice de la certification n’est pas la certification en soi, mais le canevas de travail qui se dessine lorsque tu remplis le questionnaire, et la communauté qui l’entoure. Je crois profondément que les entreprises ont un rôle à jouer dans les enjeux planétaires. L’urgence climatique, les inégalités sociales et la santé mentale en entreprise, pour ne nommer qu’eux, ne vont pas se régler seules. Les citoyens et les gouvernements doivent agir, mais les entreprises ont la capacité d’innovation, la rapidité et les fonds pour créer des changements importants. Les écoles nous ont appris comment faire du profit. Cette notion a été assimilée et il est maintenant le temps de conjuguer profits avec environnement et société.

Q. Comment le dirigeant d’une PME doit-il mener ou revoir son rôle de leader devant des employés jeunes qui ont le choix des postes en pénurie de main-d’œuvre ?

R. C’est une bonne et difficile question. Premièrement, la pénurie de main-d’œuvre étant une situation difficile à combattre, nous devons la contourner. Une des façons de le faire est d’adopter un modèle d’affaires qui permet aux talents de travailler avec passion et conviction. Évidemment, le salaire et les avantages doivent être compétitifs, mais en fin de compte, c’est le travail et les collègues qui attirent et gardent les gens chez toi. Plus que jamais, les entreprises doivent avoir une mission forte, des valeurs solides et des personnes inspirantes.

Le rôle d’un ou d’une leader est donc de faire confiance à des jeunes qui représentent les valeurs de l’entreprise et qui sont en mesure d’inspirer d’autres talents à se joindre à l’entreprise et à y rester. Il faut se défaire de nos biais cognitifs en lien avec le nombre d’années d’expérience et les antécédents nécessaires pour faire confiance à des gens qui ont le potentiel de bien accomplir le travail. Finalement, les entreprises doivent absolument investir dans des programmes de formation afin d’agrandir leur bassin de candidats potentiels en engageant des personnes qui n’ont pas l’expérience requise, mais qui présentent les aptitudes nécessaires et qui, une fois formées, deviendront tout aussi efficaces.