(Ottawa ) Les sanctions économiques imposées à la Russie par les pays occidentaux à la suite de l’invasion de l’Ukraine ont des effets néfastes sur certaines entreprises canadiennes. Et à moins d’un coup de pouce financier du gouvernement fédéral, certaines d’entre elles pourraient être forcées de faire des mises à pied.

C’est le cas de STAS, entreprise de Saguenay qui fournit des équipements et des solutions de haute technologie à des géants de l’industrie de l’aluminium.

Cette entreprise, qui brasse des affaires dans 40 pays, est en voie de perdre 10 millions de dollars de revenus cette année. Un de ses clients, Rusal, l’un des plus importants producteurs d’aluminium au monde, ne peut s’acquitter de ses factures qui totalisent actuellement 2,5 millions pour des travaux déjà réalisés parce que les institutions bancaires de la Russie ont été exclues du système de transactions SWIFT dans les premiers jours de la guerre en Ukraine.

SWIFT est un système interbancaire qui est devenu un rouage essentiel de la finance mondiale. Il permet notamment de communiquer rapidement et de manière sécurisée sur les transactions.

Rusal a les moyens d’honorer ses obligations financières, mais l’entreprise ne peut le faire sans passer par SWIFT.

Et les projets qui étaient en cours en Russie, qui s’étalent normalement sur une période de 18 à 24 mois, ont été stoppés. Résultat : les pertes de revenus friseront les 10 millions cette année. Cette somme constitue le tiers du chiffre d’affaires actuel de STAS et pourrait mettre en danger l’avenir même de l’entreprise, selon son PDG, Louis Bouchard, qui s’est confié à La Presse.

La pandémie de COVID-19 avait déjà affecté les revenus de l’entreprise, qui sont passés de 60 millions avant la crise sanitaire à 35 millions aujourd’hui. Le nombre d’employés est quant à lui passé de 220 à 125.

Crises simultanées

« On doit affronter plusieurs crises simultanées : la crise de la main-d’œuvre, la crise économique, la guerre et la pandémie. Durant la pandémie, tout le monde a arrêté ses projets d’investissements, sauf les Russes. Ils ont continué les gros projets qui étaient en marche. Rusal s’est avéré notre client le plus stable durant la pandémie », a expliqué M. Bouchard.

« Mais la guerre a éclaté et le gouvernement canadien a décidé d’imposer des sanctions contre les banques russes », a-t-il ajouté.

PHOTO MICHEL TREMBLAY, ARCHIVES LE QUOTIDIEN

Louis Bouchard, PDG de STAS

On se retrouve maintenant dans un tourbillon. On ne peut plus rien envoyer en Russie et on ne peut plus rien recevoir de la Russie. Et en plus, le client n’est plus capable de nous payer à cause des sanctions. Cela fait trois mois que l’on tente de trouver une solution.

Louis Bouchard, PDG de STAS

La situation est critique à un point tel que STAS a entrepris des démarches pour fermer sa filiale française au cours des dernières semaines. Une quarantaine d’emplois pourraient ainsi disparaître.

« Si rien n’est fait, il va falloir mettre des gens à pied, il va falloir se restructurer, il va falloir essayer de recapitaliser l’entreprise. Notre filiale française va probablement tomber au combat. En soi, c’est une perte de 5 millions », a-t-il dit.

Voilà trois mois que la guerre en Ukraine a éclaté. Et rien n’indique que le conflit est sur le point de prendre fin. M. Bouchard affirme que les démocraties devaient réagir à l’agression russe. Mais il faut aussi analyser les retombées économiques au pays, a-t-il dit.

PHOTO MICHEL TREMBLAY, ARCHIVES LE QUOTIDIEN

Usine de STAS à Saguenay

Aide fédérale

M. Bouchard plaide pour que le gouvernement fédéral mette sur pied un programme d’aide ciblé afin de maintenir à flot les entreprises comme la sienne qui sont touchées par les sanctions économiques imposées à la Russie.

Nous croyons que l’impact de cette crise sur la main-d’œuvre et sur la production se fera sentir sur notre entreprise pendant deux à trois ans. C’est donc une crise très importante.

Louis Bouchard, PDG de STAS

Joint par La Presse, le député du Bloc québécois Mario Simard a affirmé qu’Ottawa devait donner un coup de pouce à des entreprises qui se retrouvent en difficulté en raison des sanctions économiques.

« Il faut donner un accès à des liquidités à des entreprises comme STAS. C’est une entreprise qui a une expertise dans le secteur de l’aluminium qu’on ne retrouve pas partout. Perdre l’expertise de STAS, ce serait catastrophique », a-t-il dit. STAS a pignon sur rue dans sa circonscription de Jonquière.

Le gouvernement Trudeau semble toutefois peu enclin à délier les cordons de la bourse. « Notre gouvernement apprécie le soutien démontré envers les Ukrainiens par de nombreuses compagnies et par les Canadiens puisqu’ils savent qu’il s’agit de la bonne chose à faire. Nous allons continuer de soutenir l’Ukraine face à l’invasion injustifiée et illégale du régime de Vladimir Poutine », a indiqué Laurie Bouchard, porte-parole du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne.