Comme toutes les institutions culturelles, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) a été fortement touché par la pandémie, mais a réussi à passer au travers de la crise grâce à l’aide généreuse des gouvernements. Pour sa directrice générale, Lorraine Pintal, qui entame une 29année à la tête du théâtre situé dans le Quartier des spectacles, la nouvelle saison qui s’amorce devrait s’inscrire dans le mouvement de la relance économique du centre-ville montréalais.

Q. On a beaucoup entendu parler des effets désastreux que la COVID-19 a eus sur le monde des arts vivants, notamment avec la fermeture forcée des salles de spectacles durant une longue période. Comment vous en êtes-vous sortis, au TNM ?

R. Le premier constat, c’est qu’un théâtre fermé, c’est la chose la plus triste au monde. C’est pourquoi on s’est rapidement tournés vers les plateformes numériques pour continuer d’occuper les lieux. On a même réussi à monétiser nos webdiffusions avec notre public assidu, mais en élargissant aussi notre auditoire, ce qui nous a permis de générer des revenus pour financer en partie nos productions.

On a décidé de reporter toute notre saison 2020-2021 à 2022-2023 et de présenter de nouvelles créations, sauf pour les pièces L’avalée des avalés, de Réjean Ducharme, et 887, de Robert Lepage. On a fait des productions avec un auditoire et un nombre de comédiens restreints. Au final, on a présenté 10 productions, ce qui est beaucoup plus que les 6 ou 7 que l’on joue durant une saison habituelle. On a engagé plus d’artistes que durant une année normale…

Q. Et sur le plan financier, comment avez-vous fait pour garder la tête hors de l’eau ?

R. C’est l’aide gouvernementale qui nous a sauvés. Il y a d’abord eu la subvention salariale à l’emploi du gouvernement fédéral qui nous a permis de ne pas perdre tout notre monde. Puis la PCU a permis à nos artistes qui avaient perdu tous leurs contrats de passer au travers.

On doit aussi remercier les conseils des arts qui nous ont accordé des avances sur nos subventions et surtout l’intervention du ministère de la Culture qui nous a sauvés des eaux en mettant sur pied la subvention à la billetterie.

Q. Quelle a été la portée de cette subvention ?

R. Le gouvernement a compensé les pertes de toutes les salles de spectacles en se basant sur les entrées moyennes de l’année 2019-2020. Cette subvention va se poursuivre jusqu’en décembre et sera peut-être prolongée jusqu’à la fin de la saison en juin.

Il faut souligner par ailleurs le succès de notre opération Billet solidaire grâce à laquelle 55 % de nos abonnés ont accepté de ne pas se faire rembourser le prix des billets des spectacles qui ont été annulés. C’est un geste qui démontre le grand attachement et la solidarité de nos abonnés à l’endroit du TNM.

Q. Parlant de subventions, est-ce qu’elles représentent une source importante de vos revenus au cours d’une année normale ?

R. Les subventions des trois ordres de gouvernement représentent 25 % de notre budget, les dons de commanditaires sont de l’ordre de 12 % et le reste provient de nos revenus de billetterie. Le pourcentage des commandites a été inférieur l’an dernier en raison de l’impact que la pandémie a eu sur les entreprises, mais la situation est en train de revenir à la normale.

Q. Hydro-Québec, si je ne m’abuse, est un de vos commanditaires importants. C’est bien le cas ?

R. Absolument et cela fait longtemps qu’Hydro-Québec est associée avec le TNM. Hydro-Québec est en fait le propriétaire du théâtre alors ils ont intérêt à ce que nos affaires marchent (rires)…

Q. Vous êtes justement sur le point d’amorcer des travaux d’agrandissement au TNM. Est-ce que vos commanditaires ont participé au financement de ce projet important ?

R. Oui, bien sûr. Le projet de construire une deuxième salle de spectacles, la salle Réjean-Ducharme, à l’arrière du TNM, aurait dû démarrer l’an dernier et être terminé pour souligner le 70e anniversaire d’existence du théâtre. La pandémie a décalé d’un an sa réalisation qui doit débuter le mois prochain.

C’est un projet de 21 millions, dont 17 millions ont été financés par les gouvernements du Québec, d’Ottawa et de Montréal. Nos commanditaires ont participé avec une contribution de 2 millions et il nous reste à amasser les 2 millions restants d’ici l’automne prochain.

C’est un projet important pour le TNM qui va lui donner plus d’amplitude. La nouvelle salle va nous permettre de nous ouvrir à d’autres publics, d’accueillir des créateurs et des créations qui s’ouvrent à d’autres horizons.

Q. Vous êtes situés au cœur du Quartier des spectacles et vous êtes une partie prenante de son organisation. La pandémie a fait mal à l’ensemble de cette infrastructure culturelle, est-ce que vous croyez à une sortie de crise prochaine ?

R. J’ai participé à l’époque à la création du Quartier des spectacles et j’y suis encore active en tant que présidente du comité des salles. Et le TNM est effectivement au cœur de ce quartier. Les festivals ont un effet positif sur nos spectacles et nous avons un effet positif sur le quartier. On n’évolue pas en silo.

Quand on a rouvert le TNM après le premier confinement, en septembre 2020, on a tout de suite constaté une hausse de la fréquentation et de l’animation au centre-ville. Malheureusement, cela a duré un mois seulement.

Là, on a recommencé nos activités avec une capacité de 500 spectateurs plutôt que les 840 habituels, mais on sent que l’on génère une activité économique et une vie au centre-ville. Les entreprises culturelles comme la nôtre agissent comme un liant social. Les gens viennent au centre-ville, stationnent leur auto, vont au resto, prennent un verre après le spectacle, on contribue à la vitalité culturelle, sociale et économique.

Et c’est pourquoi je dis que la culture va être au cœur de la relance économique de Montréal.