L’an dernier, le Fonds de solidarité FTQ a réalisé des investissements records de 1,4 milliard pour permettre à ses entreprises partenaires de passer à travers la crise qui frappait fort. À la suite d’une ronde de souscription inégalée de 1,2 milliard, le Fonds devrait être en mesure de terminer sous peu son année financière avec de nouveaux investissements de plus de 1 milliard. Rencontre avec Janie Béïque, nouvelle présidente et cheffe de la direction du Fonds, en poste depuis le début du mois.

Vous avez succédé à Gaétan Morin comme nouvelle PDG du Fonds de solidarité FTQ le 1er avril alors que vous étiez première vice-présidente aux investissements depuis 2018. Est-ce que vous vous prépariez à cette nomination ?

Cela fait un certain temps que Gaétan Morin faisait en sorte que j’aie une meilleure vision, une compréhension plus globale du Fonds. La préparation de la relève est une préoccupation pour la direction du Fonds, et Gaétan a été le mentor de beaucoup de monde.

Avant de me joindre au Fonds en 2000, j’étais associée chez McCarthy Tétrault dans le secteur des fusions, acquisitions et valeurs mobilières. J’ai débuté aux affaires juridiques et, six mois plus tard, je m’occupais des affaires corporatives. En 2008, on m’a demandé de rejoindre l’équipe d’investissements et de prendre en charge l’équipe de capital de risque puis, en 2011, l’équipe des investissements industriels, de biens de consommation et de divertissement.

Vous débutez dans vos nouvelles fonctions après une année particulièrement chargée. Comment évaluez-vous le contexte d’aujourd’hui ?

La crise nous a forcés à agir rapidement alors qu’on a tout de suite décidé de hausser de 400 millions nos investissements, au printemps dernier, et de les faire passer de 1 à 1,4 milliard, pour répondre à la situation.

On a aussi immédiatement accordé à toutes nos entreprises partenaires un moratoire de six mois sur le remboursement de leur capital. On les a épaulées avec nos équipes d’experts pour qu’elles puissent traverser la crise. La crise a été un contexte qui nous a demandé de prendre du recul.

Le printemps a été dur, mais dès l’été, on a senti un revirement de situation. Notre portefeuille de placements privés en entreprise a très bien fait, et on a aussi profité du redressement des marchés boursiers.

Vous avez tout même frappé certains écueils, notamment avec le Cirque du Soleil et Transat, non ?

Oui, mais il faut préciser que Transat, ce n’est pas fini… Pour ce qui est du Cirque du Soleil, c’est ça, la réalité du monde de l’investissement. On peut obtenir des rendements exceptionnels avec certaines entreprises et on peut investir dans des entreprises qui rencontrent plus de difficultés.

Pour ce qui est de Transat, on n’a pas entendu votre position sur l’option que vous privilégiez pour son avenir immédiat. Est-ce que vous seriez prêts à réinvestir pour participer à son redémarrage ?

On n’a pas pris position publiquement parce que Transat est une société publique, cotée à la Bourse. Nous, ce qu’on dit, c’est que Transat est un fleuron et que c’est important qu’elle demeure un joueur actif dans l’économie du Québec.

C’est un secteur d’activité difficile, mais ils ont une bonne équipe de gestion et à la sortie de la pandémie, les gens vont vouloir recommencer à voyager, à se mettre les pieds dans le sable…

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les bureaux du Fonds de solidarité FTQ

Au cours des dernières années, vous avez aussi réalisé de beaux coups avec vos investissements, notamment dans Camso (Camoplast) ou Nuvei. Avez-vous encaissé des gains importants ?

Oui, c’est vrai qu’on a fait de bons gains financiers avec Camso comme on vient de faire de très bons rendements avec notre placement dans Nuvei.

Mais les gains importants que l’on peut faire lorsqu’on vend une participation nous permettent de prendre des risques en réalisant d’autres investissements. Les plus gros gains que l’on a enregistrés de notre histoire lors de la vente de BioChem nous ont permis de mettre sur pied notre portefeuille des Sciences de la vie et de bâtir une équipe importante et crédible.

On est aujourd’hui l’un des plus gros investisseurs canadiens dans ce secteur, comme on est le plus gros investisseur dans les fonds de capital de risque.

À titre de grande responsable des investissements, comment avez-vous réussi à garder vos troupes mobilisées durant la crise ?

On a 140 personnes qui travaillent aux investissements et dès le début de la crise, j’ai entrepris de faire une réunion virtuelle chaque vendredi après-midi où je faisais le point sur tous les dossiers. Même si la réunion était enregistrée, on avait un taux de participation de 85 %.

Les gens ont baptisé cette rencontre l’« Investi-Show », et on le fait encore.

Comment entrevoyez-vous votre prochain exercice financier qui va débuter le 1er juin ? Vous êtes optimiste ?

On a demandé au gouvernement de pouvoir lever cette année 1,2 milliard en souscription publique parce qu’on prévoit une autre année forte en investissements. On a fait 1,4 milliard l’an dernier et on va terminer l’année avec 1 milliard.

Les besoins des entreprises deviennent plus importants, et le taux d’épargne des épargnants-investisseurs est bon alors qu’on a récolté l’an dernier 830 millions avec les seuls prélèvements automatiques sur la paie des employés.

On veut continuer d’être un investisseur d’impact. Depuis la création du Fonds, on a toujours cherché à dégager des rendements financiers et des rendements sociaux. Cela fait partie de notre ADN, on n’a pas attendu la mode de l’investissement socialement responsable pour le faire.