Vent d’espoir pour une industrie aéronautique malmenée depuis plusieurs années, le Québec aura droit à 1,8 milliard en investissements pour un ambitieux projet de satellites, Lightspeed.

L’architecte de ce projet, la firme ontarienne Télésat, construira une demi-douzaine d’installations à Gatineau, notamment pour la gestion et la surveillance des opérations. Son sous-traitant ontarien MDA agrandira son usine de Sainte-Anne-de-Bellevue pour produire des antennes, la pièce centrale des 298 satellites en orbite basse qu’on veut lancer à partir de 2023.

On prévoit la création de 600 emplois, répartis à parts égales entre les deux entreprises ontariennes. Le gouvernement Legault a confirmé ce jeudi sa participation de 450 millions de dollars, 250 en prêts et 200 en actions privilégiées. La constellation de satellites annoncée par Télésat vise à offrir l’internet haute vitesse et la connectivité cellulaire dans des régions éloignées, dans un premier temps au Québec et au Canada, ensuite dans le reste du monde.

Des emplois « à 100 000 $ »

Le projet dans son ensemble, pour lequel on a également retenu les services de la firme franco-italienne Thales Alenia Space, est évalué à 6,5 milliards. Le Québec en aura donc obtenu près de 27 %. Même si Thales a hérité de la fabrication des satellites, la conception et l’assemblage final auront lieu au Québec, a-t-on précisé chez Télésat.

« Peu de projets de cette trempe nous permettent de nous positionner dans un domaine aussi prometteur, s’est réjoui en point de presse Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation. Il s’agit d’un des projets les plus importants et les plus structurants depuis le début de notre mandat. »

Le premier ministre François Legault s’est montré particulièrement ravi d’annoncer « des emplois payants dans un secteur d’avenir comme l’aérospatiale, des emplois à 100 000 $ ». Il n’était pas acquis que Télésat choisirait le Québec pour aller de l’avant avec son projet de satellites, a-t-il précisé. « Pierre [Fitzgibbon] a réussi parce que c’est un excellent deal maker. C’est un timing qui est parfait pour l’industrie aérospatiale : avec la pandémie, il va se vendre moins d’avions, c’est un moment difficile, c’est le moment parfait pour aller dans un secteur d’avenir comme celui des satellites. »

D’Anik au bras canadien

Télésat n’est pas tout à fait un nouveau venu dans le domaine de l’aérospatiale. Fondée en 1969 par le gouvernement fédéral, elle a lancé le premier satellite de communications Anik A1 trois ans plus tard et a mis sur pied la première couverture internet pour les fournisseurs en 1996, avant d’être vendue à Bell Canada en 1998. Quant à MDA, d’abord connue sous le nom de Spar Aerospace, elle a fait ses armes dès 1974 alors qu’elle a participé à la conception du bras canadien.

Depuis 2018, Télésat explore la possibilité d’utiliser des satellites en orbite basse (LEO) pour envoyer des signaux internet et cellulaires à des tours de retransmission au sol. Contrairement au projet Starlink d’Elon Musk, ces signaux sont ensuite réacheminés par des fournisseurs de service internet et cellulaire, et non directement envoyés aux consommateurs et entreprises eux-mêmes.

La flotte de 298 satellites, dans un premier temps, sera lancée à des altitudes variant entre 1015 et 1325 km.

Expertise et sous gouvernementaux

Il a fallu près de trois ans pour trouver le partenaire de ce projet, en l’occurrence Thales Alenia Space, qui n’a finalement été annoncé que début février 2021.

PHOTO FOURNIE PAR TÉLÉSAT

Dan Goldberg, PDG de Télésat

« C’est clairement le plus grand projet dans lequel nous ayons jamais embarqué, affirme en entrevue Dan Goldberg, PDG de Télésat. Nous avons choisi le Québec parce que la capacité de manufacture avancée de composantes était là, que MDA a déjà les installations pour les produire. »

Autre argument en faveur du Québec, la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée en aéronautique. Le coup de pouce du gouvernement Legault, qui se chiffre à 400 millions pour Télésat et à 50 millions pour MDA, a fait le reste.

Même s’il reconnaît que le montage financier de ce gigantesque projet n’est pas entièrement bouclé, il assure que ce sera chose faite « dans les prochains mois ». Sur les 6,5 milliards, environ la moitié proviennent de prêts, tandis que 2 milliards seront plutôt sous la forme de participation au capital. « Télésat a un montant significatif de liquidités, près d’un milliard, et nous continuons de générer un bon flux de trésorerie. » La firme ontarienne a reçu la confirmation en novembre dernier d’une subvention de 600 millions sur dix ans d’Ottawa pour la couverture des régions éloignées, mais cette somme ne fait pas partie du montage financier de Lightspeed, précise le PDG.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a salué cette annonce par communiqué. « La connexion internet à large bande par satellite peut représenter une alternative intéressante pour les communautés les plus petites et les plus éloignées, a déclaré son PDG, Charles Milliard. Il faut maintenant s’assurer que les communautés québécoises trop isolées pour être branchées au réseau de fibre optique puissent être admissibles au déploiement à coût raisonnable du réseau internet. »