Kayak, ponton ou pédalo, cet été, tout ce qui flotte a la cote. L’impossibilité de voyager, qui se conjugue aux périodes de canicule à répétition, a fait exploser les ventes d’embarcations de plaisance au Québec.

De nombreux détaillants n’ont plus rien à vendre, même si la demande ne faiblit pas. C’est le cas de Lapointe Sports à Joliette, qui a vendu ses motomarines deux fois plus vite que d’habitude quand il a pu rouvrir ses portes. « Tout le monde s’est garroché », résume Martin Gagnon, directeur de ce détaillant concessionnaire BRP.

Les Québécois confinés ont choisi de reporter leur budget voyage sur des loisirs qu’ils peuvent pratiquer chez eux. Comme pour les piscines et les vélos, les ventes d’embarcations ont aussi été dopées par des températures estivales exceptionnellement chaudes.

Bien des détaillants connaîtront cette année leur meilleure saison à vie. Dominique Vallée, qui fabrique des planches à pagaie à Trois-Rivières, a commencé par s’inquiéter des effets de la pandémie sur l’entreprise qu’elle a fondée, parce que les détaillants qui vendent ses produits n’en ont pas commandé comme d’habitude en mars et en avril. « Mais c’est parti en folie dès la réouverture », dit la propriétaire de Do Sport, dont les livraisons sont maintenant rendues à la fin de septembre.

En plus du beau temps et de l’obligation de rester au Québec, Do Sport a profité de l’intérêt croissant pour l’achat local. « C’est un autre facteur qui a joué en notre faveur, estime Dominique Vallée, parce que nous sommes les seuls à concevoir et à fabriquer localement. »

Sept semaines perdues

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

L’année de la pandémie sera une bonne année pour le fabricant de bateaux Princecraft.

Princecraft fabrique des bateaux au Québec depuis 60 ans. L’année de la pandémie sera sans aucun doute une bonne année pour le fabricant de Princeville, mais probablement pas sa meilleure, selon Jean-Philippe Martin-Dubois, directeur du marketing et de l’expérience-client.

Les activités de fabrication ont cessé le 13 mars dans les installations de Princecraft, qui emploie plus de 200 personnes directement et en fait travailler un égal nombre chez ses fournisseurs. « On a dû fermer sept semaines et on a donc perdu sept semaines de production », explique-t-il. Le fabricant ne peut donc pas vendre ce qu’il n’a pas produit, même si la demande est là.

Quand le Québec au complet a été mis sur pause, il était difficile de prévoir de quoi serait faite la saison estivale, ajoute-t-il. L’incertitude était grande. « On se demandait où on s’en allait et si les gens auraient les moyens de s’acheter un bateau. »

Le premier signal positif est venu du réseau des concessionnaires qui vendent les produits Princecraft. « Ils nous ont dit : “On vend par internet, les gens achètent des bateaux sans les avoir vus.” »

Les gens qui pensaient mettre 10 000 $ sur un voyage en famille se sont retournés de bord et se sont dit, on achète un bateau.

Jean-Philippe Martin-Dubois, directeur du marketing et de l’expérience-client chez Princecraft

« On met le paquet »

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Pelican a vu ses ventes augmenter dans toutes les catégories de produits.

Chez le fabricant Pelican, à Laval, on a eu la même inquiétude au début de la pandémie. Les consommateurs auraient-ils les moyens d’acheter des kayaks et des planches à pagaie cette année ? L’entreprise, qui exporte 80 % de ses produits aux États-Unis, n’a pas attendu la réponse très longtemps. « Dès la fin de mars, nos ventes aux États-Unis ont explosé, raconte Frédéric Guay, vice-président du marketing. Le Canada a suivi. »

L’entreprise, qui s’attendait à une bonne saison 2020, avait relevé son niveau de production. Ça l’a aidée, mais « les stocks ont disparu dans le temps de le dire ». Frédéric Guay qualifie la saison d’exceptionnelle, mais il souligne lui aussi que Pelican a dû cesser ses activités pendant six semaines et a perdu de précieux jours de production au pire moment. L’entreprise essaie de récupérer cette perte de production en travaillant actuellement 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

« On met le paquet », dit le vice-président. La pause annuelle de deux semaines, qui arrive d’habitude à la fin de la saison de production, en juillet, a été reportée.

Pelican voit ses ventes augmenter dans toutes les catégories de produits. « Tout se vend, assure Frédéric Guay, de l’entrée de gamme aux produits plus chers. »

Chez Princecraft, les produits les plus demandés restent le ponton, la vedette de tous les plans d’eau « à la grandeur de la province », indique Jean-Philippe Martin-Dubois. Les Québécois semblent aussi avoir un intérêt renouvelé pour la pêche, note-t-il. « Les ventes de bateaux de pêche sont très bonnes. »

Un coup de sonde auprès du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs indique qu’il a déjà délivré cette année quelque 6000 permis de pêche de plus que l’an dernier à des résidants du Québec. C’est une augmentation de 1 %, alors que la délivrance des permis stagnait depuis un certain temps. Et la saison n’est pas finie.

Pénurie de motomarines

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

L’Alliance de l’industrie nautique du Québec le confirme : il n’y a plus de motomarine neuve à vendre au Canada.

Les ventes sont en hausse dans toutes les catégories d’embarcations, confirme Sylvain Deschênes, directeur général de l’Alliance de l’industrie nautique du Québec. « Pour tout ce qui est petite embarcation, planche à pagaie, canot ou kayak, il y a des problèmes de livraison », observe-t-il.

Dans le cas des motomarines, c’est carrément la pénurie. « Il n’y a pas une seule motomarine neuve à vendre au Canada, c’est la première fois que ça arrive à la mi-juillet. »

Selon lui, la pandémie fait découvrir les plaisirs nautiques à une toute nouvelle clientèle, et fait revenir les anciens navigateurs, qui avaient délaissé ce loisir.