Jacques Mombleau, PDG du fabricant de pièces d’automobiles Spectra Premium de Boucherville, n’a pas attendu le plan de relance de l’économie du ministre Fitzgibbon pour orchestrer, il y a un mois, le retour progressif de ses activités manufacturières jugées essentielles. La reprise des activités normales du groupe qu’il avait planifiée est en tous points conforme aux directives émises mardi par le gouvernement Legault.

Visiblement, les groupes de travail qui se sont concertés pour produire le plan de relance de l’activité économique du secteur manufacturier québécois ont bien intégré la réalité de nos entreprises industrielles.

Lorsque le gouvernement a décidé pour des raisons de sécurité publique de mettre l’économie québécoise en pause, Spectra Premium – comme toutes les entreprises industrielles – a répondu à l’appel en cessant toutes ses activités manufacturières.

« Bien que l’on fabrique des pièces de première nécessité pour le marché de la réparation, le 13 mars, on a fermé complètement nos usines de Laval et de Boucherville parce qu’on avait des pièces en inventaire que l’on pouvait écouler.

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Jacques Mombleau, PDG du fabricant de pièces d’automobiles Spectra Premium

« Durant deux semaines, nos spécialistes de la santé et de la sécurité au travail en ont profité pour mettre sur pied des protocoles et modifier des lignes d’assemblage pour permettre la reprise partielle de nos activités en respectant les normes d’hygiène et de distanciation physique », me raconte Jacques Mombleau, PDG de Spectra Premium, sur le plancher de l’usine de Boucherville.

C’est exactement ce délai de deux semaines dont pourront profiter les entreprises manufacturières pour préparer le retour progressif de leurs premiers employés, le 11 mai, selon le protocole de relance économique prévu par le ministre Fitzgibbon.

Au début du mois d’avril, quelques employés de Spectra Premium ont recommencé à usiner des pièces et ils sont aujourd’hui une cinquantaine à Boucherville et une trentaine à Laval à fabriquer des équipements jugés essentiels dans la chaîne d’approvisionnement des ateliers de réparation.

Ces effectifs étaient nécessaires pour assurer les services essentiels, mais Spectra Premium se préparait aussi à la reprise des activités des grands manufacturiers de l’auto en Amérique du Nord, qui devrait arriver sous peu.

« On prévoyait reprendre une centaine d’employés à Boucherville pour fabriquer des réservoirs à essence et fournir les chaînes d’assemblage de nos grands clients, et on devrait être en mesure de le faire le 11 mai, à la date prévue par le gouvernement », se réjouissait mardi après-midi Jacques Mombleau.

Encore là, Spectra Premium sera toujours en mode de reprise graduelle et fera travailler seulement une fraction de ses effectifs habituels de 400 employés d’usine à Boucherville et de 125 travailleurs à Laval.

« Sur nos 700 employés de Boucherville, on avait 250 personnes dans les bureaux, dont une cinquantaine d’ingénieurs. On a aujourd’hui 170 personnes qui sont en télétravail et qui vont continuer de travailler de la maison pour libérer les espaces de travail à l’usine », souligne le PDG.

Vivre avec les séquelles de la crise

Si le gouvernement québécois a décrété une reprise progressive des activités industrielles essentiellement pour des raisons de santé publique – pour éviter les risques de contagion d’une trop grande concentration de travailleurs au même endroit en même temps –, cette limitation permettra aussi aux entreprises de reprendre graduellement leur carnet de commandes.

« On ne pourrait pas reprendre tous nos travailleurs d’usine qui fabriquent des pièces d’origine parce que les grands manufacturiers vont limiter leur production en raison du ralentissement économique. La reprise va se faire graduellement dans ce secteur-là comme dans plusieurs autres sphères industrielles », note l’entrepreneur.

De la même façon, Spectra Premium, qui est d’abord un fabricant de pièces automobiles pour le marché de remplacement, ne prévoit pas une forte demande dans ce secteur avant quelques mois.

« Les gens n’utilisent plus leur véhicule automobile, il y a donc moins d’usure et moins de besoins de remplacement de pièces. Ça va prendre un bon bout de temps avant que le marché revienne comme avant », anticipe le manufacturier.

On peut penser que ce sera aussi le cas dans le secteur aéronautique, où les commandes d’avions se feront rares au cours des prochains mois – et même des prochaines années.

Pour Spectra Premium, qui venait de se placer au début du mois de mars sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la crise générée par la pandémie de coronavirus a été plus facile à absorber.

« C’est une catastrophe, mais nous, on était déjà en mode de préservation de notre capital et en réduction majeure de nos dépenses pour préparer notre redressement.

« On en train de se départir de toutes nos activités de distribution de pièces de remplacement qui venaient de la Chine et où on agissait seulement comme intermédiaire et qui ont été frappées par les tarifs américains. Là, on se concentre sur notre métier de manufacturier et on va s’en sortir de façon graduelle », prévoit aujourd’hui Jacques Mombleau.