L’écart de prix entre le cannabis sur le marché noir et le cannabis légal s’est accru en 2019, en faveur du cannabis illégal, moins cher. Au Québec, l’écart s’est aussi creusé, mais moins que la moyenne canadienne, selon de nouvelles données publiées jeudi par Statistique Canada. Et c’est toujours le Québec qui concurrence le mieux le marché noir en termes de prix.

À la fin de 2019, le gramme de cannabis illégal au Québec se vendait en moyenne 2,80 $ de moins que celui offert à la Société québécoise du cannabis. Un an plus tôt, cet écart était de 2,33 $, selon des données supplémentaires fournies par Statistique Canada à La Presse.

Globalement, au Canada, l’écart de prix a bondi de 1,32 $ le gramme par rapport à l’an dernier, pour atteindre 4,54 $. Le Nouveau-Brunswick affiche pour sa part la plus grande disparité : le gramme coûte 6,46 $ de moins sur le marché noir.

Les statistiques du dernier trimestre de 2019 révèlent aussi que c’est au Québec que le gramme de cannabis légal se vend le moins cher, à 7,88 $, suivi par la Colombie-Britannique, avec 9,32 $. Le Nouveau-Brunswick affiche le prix le plus élevé au pays avec une moyenne de 11,36 $ le gramme.

Statistique Canada appuie ses données sur les devis recueillis à l’aide de son application d’approche participative StatsCannabis. Pendant la période visée, 248 soumissions sur 291 ont été jugées plausibles.

Des approches différentes selon les provinces

C’est grâce à son modèle d’affaires que la Société québécoise du cannabis (SQDC) affirme réussir à offrir les prix les plus bas.

« On n’a pas d’entrepôt à gérer, le produit est livré directement dans les succursales par les producteurs, explique Fabrice Giguère, porte-parole de la SQDC. Il y a aussi la négociation des prix qu’on fait avec les producteurs. On a des marges plus petites. Au siège social, on est moins de 30 employés. Tout ça se reflète dans les prix. »

Pour inciter les consommateurs de cannabis illégal à visiter la SQDC, Fabrice Giguère rappelle que plusieurs produits sont offerts à moins de 6 $ le gramme et qu’un produit est même vendu 4,49 $ le gramme.

Michael Armstrong, professeur en recherche opérationnelle à la Goodman School of Business de l’Université Brock, en Ontario, suit de près le marché du cannabis depuis la légalisation. Il note une énorme différence entre les marges de profit des différentes provinces.

Au cours des six premiers mois du cannabis légal, la SQDC a facturé des prix de détail qui n’étaient supérieurs que de 23 % en moyenne à ce qu’elle avait payé aux producteurs. C’est beaucoup moins que la marge sur l’alcool de la SAQ. La SAQ facture aux consommateurs plus du double de ce qu’elle paie aux producteurs, 103 %.

Michael Armstrong

Selon les données du chercheur, la marge de profit du Nouveau-Brunswick est de 55 %, celle de l’Ontario de 78 %, tandis que celle de Terre-Neuve-et-Labrador grimpe à 90 %.

« Les autres agences provinciales du cannabis sont moins concurrentielles avec les marchés noirs, mais génèrent plus de revenus par vente. Le Nouveau-Brunswick essaie probablement de couvrir ses coûts. Il exploite de nombreux magasins autonomes pour une petite population rurale. Pendant ce temps, Terre-Neuve-et-Labrador essaie de générer des revenus avec le cannabis comme toutes les provinces le font avec l’alcool, mais n’offre pas beaucoup de concurrence contre les marchés noirs. »

Nous avons tenté de savoir quel était le modèle d’affaires de Cannabis NB, le seul détaillant légal de cannabis à des fins récréatives pour la province du Nouveau-Brunswick. Nos demandes d’entrevues sont restées sans réponse.

Combler l’écart

Il peut être difficile de réduire le prix du cannabis légal pour égaler les taux illégaux, mais c’est possible, a estimé M. Armstrong. Les serres qui cultivent du cannabis sont exigeantes en main-d’œuvre, car elles nécessitent souvent le déplacement, la taille et la récolte des plantes, mais l’automatisation et l’amélioration des plans d’étage peuvent aider.

Les grossistes et les détaillants provinciaux ont aussi du pain sur la planche.

« Pendant la première année, l’efficacité n’était pas vraiment un gros problème parce qu’il y avait une pénurie de produits, alors il était possible de vendre au prix de 10 $ et de vider ses stocks […], mais à l’avenir, le prix va être un problème », a souligné M. Armstrong.

— Avec La Presse canadienne