Quand Christine Beaulieu a appris mercredi que Sophie Brochu venait d’être nommée à la tête d’Hydro-Québec, elle s’est d’abord grandement réjouie, puis a pensé à son spectacle, J’aime Hydro, qui doit être de nouveau présenté à Montréal l’an prochain.

Soudainement, elle voyait apparaître un chapitre inédit à ajouter à sa pièce de théâtre documentaire autour de la société d’État.

Une première femme à la tête du géant de l’électricité. 

Et une femme d’affaires progressiste, « impressionnante », qui sort des sentiers battus du développement énergétique à coups de grands projets de construction et d’augmentation de production, à l’ancienne.

« J’aimerais vraiment la rencontrer, l’écouter, voir ce qu’elle a à nous dire », m’a confié la comédienne au téléphone mercredi après-midi. Prendre des notes, bien sûr.

Car cette nomination, et une telle conversation si elle arrive, ferait assurément un excellent nouvel épisode.

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Sophie Brochu

« Wow », a aussi maintes fois dit Christine Beaulieu durant notre conversation. « C’est une très bonne nouvelle. »

Parce qu’elle trouve Sophie Brochu « vraiment inspirante, vraiment intelligente », et que l’ancienne dirigeante d’Énergir a su démontrer, dans le passé, qu’elle avait la vision d’avenir attendue, nécessaire, pour faire avancer la société d’État dans la bonne direction.

La pièce de Christine Beaulieu, extraordinaire saga construite uniquement à partir de réelles conversations qu’a eues la comédienne avec différentes personnes liées au sujet d’Hydro-Québec, raconte la relation d’amour, mais aussi les questionnements qu’entretient la citoyenne derrière l’actrice avec cet immense moteur de développement.

Elle commence la pièce sans le moindre doute au sujet de la propreté de l’énergie électrique et des bonnes intentions du géant énergétique, pièce de charpente essentielle de l’économie de la Révolution tranquille, pour finir avec une multitude de questions. Notamment sur la suite des choses.

Hydro poursuit-elle sa route sur la bonne voie ? Ne devrait-on pas arrêter de construire des barrages pour penser plutôt à l’économie d’énergie ou à des méthodes qui touchent moins les milieux naturels, comme le solaire ou l’éolien ?

Or, Sophie Brochu, comme Éric Martel avant elle aussi, a montré par son travail passé, selon la comédienne, qu’elle véhiculait les valeurs de ce qui pourrait créer une suite porteuse. La quête d’une augmentation des surplus à vendre par l’entremise d’économies d’énergie plutôt que par la construction de nouveaux barrages et la diversification des moyens de production électrique, en utilisant des techniques moins envahissantes pour l’environnement et moins coûteuses que les traditionnels barrages. 

« Regarde ce qu’elle a fait avec Gaz Métro », dit la comédienne. D’une entreprise spécialisée en gaz naturel, c’est devenu Énergir, ouverte sur d’autres formes d’énergie, notamment justement le solaire, l’éolien ou même l’électricité produite à partir du fumier bovin.

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Christine Beaulieu

Beaulieu note aussi le travail accompli aux États-Unis, au Vermont, où Énergir a acheté le principal distributeur d’électricité, Green Mountain Power. « Elle est exactement ce dont Hydro a besoin », dit la comédienne. « J’ai hâte de voir comment elle va tourner la boîte vers de nouvelles idées. »

Elle ajoute aussi qu’elle a toujours été impressionnée par la façon dont Énergir, avec Sophie Brochu à sa tête, était proche de sa communauté dans l’est de Montréal. 

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Il faut aussi dire, maintenant, que Sophie Brochu arrive à la tête d’une société qui a longtemps été un levier de développement économique, alors qu’on est au cœur d’une crise gravissime où, justement, l’État aura un rôle important à jouer pour intervenir dans la relance de l’économie.

Hydro, donc, devra être proactive.

Cette société qui nous appartient à tous aura la responsabilité d’être un moteur de changement.

Une idée parmi plusieurs qui plaît à Christine Beaulieu ? Qu’Hydro saisisse l’occasion pour faire de l’électricité le cœur de la refonte de l’agriculture. 

« Après la pandémie, j’espère qu’on va vouloir produire davantage de produits essentiels sur notre territoire », dit la comédienne. « Pour qu’on puisse se nourrir chez nous. »

Or, si on offre des tarifs préférentiels aux alumineries, parce qu’elles sont créatrices d’emplois dans des régions qui en ont besoin, pourquoi ne le ferait-on pas pour les serres, histoire d’étirer notre période de production agricole ?

Le Québec a de la lumière pour faire pousser des légumes tard à l’automne et tôt au printemps. Mais il a besoin d’un tout petit peu de chaleur. 

Christine Beaulieu espère vraiment que le besoin de lancer des projets après la crise ne mènera pas le gouvernement vers de vieux réflexes de castors. Des barrages, encore des barrages. 

L’avenir, croit la comédienne, est ailleurs. Il est du côté du développement de systèmes intelligents de distribution et de gestion énergétiques, qui permettent des économies d’électricité. Il est dans des grilles de tarification plus raffinées. Dans le développement de nouvelles batteries. Il est du côté d’Hilo, une filiale d’Hydro-Québec qui développe des solutions d’énergie intelligente pour les entreprises et les maisons des particuliers. 

Notre électricité, c’est notre richesse.

Christine Beaulieu

C’est vrai.

Si on l’utilise à bon escient, elle peut de nouveau nous faire grandir, en apportant des revenus nécessaires à la collectivité, mais aussi en servant de plateforme, de moteur, pour inventer et innover, tant dans les laboratoires des écoles que sur le terrain.

Est-ce que Sophie Brochu est le bon pilote pour aller dans ce sens, pour faire de ce colosse une machine à avancer dans le temps ?

On a de très bonnes raisons de croire que oui.