Le coronavirus qui paralyse la deuxième économie mondiale ralentira la croissance économique partout sur la planète, y compris au Canada et au Québec.

« L’épidémie a des impacts au niveau mondial, explique François Dupuis, vice-président et économiste en chef de Desjardins. Tous les pays du monde vont en subir les effets, au moins au premier trimestre de 2020. »

L’importance de ce ralentissement dépendra de la durée de la crise, ajoute-t-il. Si elle ne dure pas, l’économie chinoise pourra rattraper le terrain perdu dans le reste de l’année, comme ça avait été le cas lors de la crise du SRAS en 2003.

L’économie canadienne s’était ressentie de la crise du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère). Selon Statistique Canada, la croissance économique était passée de 3,3 % en 2002 à 1,7 % en 2003, en partie à cause de cet événement. C’est le secteur du tourisme qui avait le plus souffert, même si la guerre en Irak et la remontée du dollar canadien avaient aussi eu un rôle dans la baisse du nombre de visiteurs étrangers. En fin de compte, la croissance de l’économie canadienne avait été amputée de 0,1 %.

L’impact global de la crise du coronavirus sera plus important que celui du SRAS, prévoient déjà plusieurs économistes.

Ça reste à voir, estime pour sa part Stéfane Marion, économiste en chef et stratégiste de la Banque Nationale. « L’impact du coronavirus ne peut pas être estimé avec précision avant d’avoir une meilleure idée de l’évolution de l’épidémie », affirme-t-il.

Selon lui, toutefois, le coronavirus est potentiellement plus dangereux que ne l’était le SRAS pour l’économie mondiale.

La Chine d’aujourd’hui n’est pas celle de 2003, soulignent les économistes de Desjardins et de la Banque Nationale. « L’économie chinoise représentait 8 % de l’économie mondiale en 2003 et cette proportion est de 20 % aujourd’hui », souligne Stéfane Marion.

Aujourd’hui, la Chine a remplacé les États-Unis comme principal partenaire commercial de la plupart des pays. Les usines à l’arrêt, les événements et les voyages annulés, de même que les dépenses importantes du Nouvel An lunaire qui n’ont pas eu lieu amputeront la croissance du pays et, par ricochet, celle de tous ses partenaires commerciaux.

D’abord les ressources

Les pays voisins de la Chine, comme la Corée du Sud et le Viêtnam, sont particulièrement vulnérables aux soubresauts de l’économie chinoise, selon les estimations de Bloomberg.

Ceux qui approvisionnement le géant chinois en matières premières seront aussi les premiers touchés. Le Canada, mais aussi l’Australie et le Brésil, sont donc en première ligne.

Déjà, le prix du pétrole sur les marchés reflète la baisse de la demande prévisible en Chine.

Le prix du brut a fléchi de 20 % depuis le début de la crise du coronavirus. Le prix du pétrole canadien, qui se vend déjà moins cher que le brut de référence, a plongé en même temps, ce qui signifie que l’Alberta pourrait avoir encore plus de mal à retrouver le chemin de la prospérité.

Le prix des métaux subit aussi les contrecoups appréhendés de la crise du coronavirus. Les exportateurs québécois de fer, d’aluminium, de cuivre et de zinc ont des raisons d’être inquiets. Comme les marchés anticipent les événements, il faudra attendre avant de voir si la baisse prévisible de la demande chinoise se concrétisera et si elle pourra se rattraper une fois que la situation sera maîtrisée.

Les chaînes d’approvisionnement des manufacturiers, le tourisme et les échanges commerciaux en général seront aussi sérieusement touchés si la crise perdure. La Chine est le plus important centre manufacturier du monde, souligne Stéfane Marion, qui souligne qu’Apple a déjà prévenu que le coronavirus affecterait sa chaîne d’approvisionnement et sa production.

Hyundai a aussi annoncé sa décision d’annuler toute sa production en Corée du Sud en raison de problèmes d’approvisionnement liés au coronavirus.

S’il est trop tôt pour mesurer avec précision l’impact de la crise, les récents développements forcent les prévisionnistes à retourner à leurs chiffriers. « Ça remet en question les scénarios que nous avons pour 2020 », confirme François Dupuis.

Des exportateurs démoralisés

La crise du coronavirus n’augure rien de bon pour les exportateurs canadiens, qui ont déjà le moral au plus bas. La confiance des entreprises canadiennes qui exportent est à un creux de 10 ans, révèle un sondage d’Exportation et Développement Canada (EDC). « Le protectionnisme et la conjoncture économique mondiale sont les principales sources d’inquiétude des exportateurs canadiens », précise l’économiste en chef adjoint d’EDC, Stephen Tapp. Le sondage mené auprès de 1000 exportateurs canadiens avant le début de la crise du coronavirus indique que 90 % d’entre eux s’attendent à ce que le protectionnisme perdure ou s’intensifie en 2020. C’est un signe que « le protectionnisme marqué pourrait devenir la nouvelle normalité », selon EDC.

En bref

Les achats chinois retardés

Le coronavirus va retarder les achats massifs de produits américains prévus par la Chine dans le cadre de l’accord commercial préliminaire signé le 15 janvier entre les deux pays, a prévenu mardi le conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow. La Chine s’est engagée à acheter au cours des deux prochaines années pour 200 milliards de dollars de produits américains supplémentaires, notamment agricoles et manufacturiers. Néanmoins, Washington table sur « un impact minimal » de ce nouveau coronavirus sur son économie. 

L’OPEP veut freiner la chute des cours

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et son allié russe ont discuté mardi à Vienne de la possibilité d’accentuer leurs baisses de production pour tenter de stopper la chute des cours provoquée par les inquiétudes liées à l’épidémie du coronavirus. Invité exceptionnel, l’ambassadeur de Chine auprès des organisations internationales à Vienne a fait le point sur la crise qui fait craindre des conséquences sur la croissance et la demande de pétrole.

Avertissement de la Banque mondiale

La prévision de croissance mondiale va être revue à la baisse en raison du coronavirus, a prévenu mardi le président de la Banque mondiale, pointant en particulier l’impact de l’épidémie sur les chaînes d’approvisionnement. « La projection va être abaissée au moins pour la première moitié de 2020, en partie en raison de la Chine », a déclaré David Malpass. L’institution de Washington avait annoncé au début de janvier qu’elle s’attendait à un rebond de la croissance mondiale en 2020, tablant sur 2,5 % après 2,4 % l’an dernier.

Impact direct en Suisse

Face à l’épidémie de coronavirus, l’horloger suisse Swatch Group a décidé mardi d’annuler son salon horloger à Zurich où plusieurs de ses marques de luxe, dont Omega, Breguet et Blancpain, devaient présenter en mars leurs nouvelles collections. La Chine est le moteur de la croissance du groupe suisse, connu pour ses montres en plastique multicolore, mais également propriétaire d’un vaste portefeuille de grandes marques.

— Agence France-Presse