La crise budgétaire américaine s'est imposée jeudi comme le principal sujet de débat des grands argentiers du globe réunis à Washington, où ils ont pressé les États-Unis de lever l'incertitude qu'ils font peser sur l'économie mondiale.

«Quand les États-Unis éternuent, tout le monde attrape une pneumonie», a rappelé le gouverneur de la Banque centrale indienne, Raguram Rajan, lors d'un débat dans la capitale américaine.

Les leaders économiques mondiaux sont notamment réunis à Washington pour les assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) et un G20 Finances.

«Ici, on va beaucoup parler du "shutdown" (la paralysie budgétaire), du "debt ceiling" (le plafond de la dette américaine, ndlr) et de la sortie» de crise, a résumé lors d'une conférence de presse le ministre français de l'Économie Pierre Moscovici, saluant l'avancée des négociations entre démocrates et républicains américains.

Depuis 10 jours, l'incapacité des deux camps à trouver un accord sur le budget a conduit l'Etat fédéral à fermer ses services non essentiels.

Ce conflit politique menace également le relèvement par les parlementaires du plafond légal de la dette américaine nécessaire d'ici au 17 octobre pour éviter un défaut de paiement, dont les conséquences seraient lourdes pour l'économie mondiale.

La Chine, premier détenteur au monde de dette américaine, veut une solution «aussi vite que possible», a déclaré le gouverneur adjoint de la Banque centrale chinoise, Gang Yi.

Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a déclaré depuis New York que «le monde ne croit toujours pas que les États-Unis ne vont pas trouver une sortie» de l'impasse. Si toutefois elle se prolongeait «pendant plusieurs mois ou plusieurs semaines», elle pourrait «causer de graves dommages à l'économie américaine et mondiale», a-t-il averti.

«Une perte de temps»

«J'espère que dans quelques semaines nous regarderons en arrière en nous disant: "ce débat a été une perte de temps"», a espéré de son côté la directrice générale du FMI Christine Lagarde, mettant en garde une nouvelle fois contre des conséquences «très graves» si aucune solution n'était trouvée à temps.

Son homologue de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a plus spécifiquement mis en garde contre «le grave impact» qu'un défaut américain aurait sur les pays émergents: cela aurait «un effet très concret sur les populations des pays en développement».

Une solution temporaire a commencé à émerger jeudi afin d'éviter un défaut de paiement catastrophique aux États-Unis, mais les élus ne sont toujours pas d'accord sur la façon de résoudre la crise budgétaire.

L'ouverture a été saluée par Mme Lagarde, qui a toutefois appelé à une solution pérenne.

Les États-Unis sont également au centre de l'attention en raison de la politique monétaire de Washington.

Les marchés financiers, sous perfusion d'argent facile fourni par la Fed, vivent depuis plusieurs semaines dans l'expectative, s'interrogeant sur le moment où la Banque centrale américaine asséchera le flux de liquidités.

Ces incertitudes ont eu un impact important sur les pays émergents qui ont vu leurs monnaies plonger, leurs indices boursiers chahutés et leurs coûts de financement augmenter, après que nombre d'investisseurs eurent anticipé la décision de la Fed en rapatriant des fonds vers les États-Unis.

Plus généralement, leur croissance économique a fortement ralenti, même si elle reste élevée.

Gang Yi a appelé la Fed à agir de manière «ordonnée» et en communiquant d'une manière adéquate.

«J'ai toute confiance dans le fait que la Fed, y compris sa nouvelle direction (qui sera assurée fin janvier par Janet Yellen, désignée mercredi pour succéder à Ben Bernanke, ndlr) sera très attentive» à son opération de réduction des rachats d'actifs, a déclaré Mme Lagarde.

Le groupement des pays émergents du G24 s'est dit jeudi dans son communiqué final «préoccupé» par la volatilité des marchés alimentée par le changement de cap de la Fed: «Nous appelons les économies avancées à être conscientes des effets négatifs et à clairement communiquer leurs stratégies».

Reste qu'au final, il serait étonnant que les États-Unis acceptent d'être pointés du doigt vendredi dans le communiqué final du G20, qui devrait se contenter de déclarations générales ne citant aucun pays spécifiquement.