Après avoir poussé les hauts cris pendant les premières semaines du gouvernement Marois, la communauté d'affaires québécoise se montre plutôt rassurée par le budget présenté aujourd'hui à Québec.

Le ministre des Finances et de l'Économie, Nicolas Marceau, prévoit plusieurs mesures visant à stimuler les investissements privés dans la province, dont deux qu'il qualifie de « coup de poing ».

Parmi ces mesures, on trouve un nouveau congé fiscal de 10 ans pour les investissements de plus de 300 millions de dollars réalisés dans certains secteurs ciblés, comme la transformation des ressources minières.

Québec prolonge en outre jusqu'à 2017 le crédit d'impôt à l'investissement qui permettra à 3000 entreprises de dépenser davantage en machinerie.

« Il y a une fenêtre qui s'ouvre pour les investissements privés au Québec », a commenté le ministre Marceau en conférence de presse après le dépôt du budget.

Françoise Bertrand, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), admet avoir poussé un « soupir de soulagement » à la lecture des documents budgétaires.

« Je pense que nos messages ont été entendus et que le gouvernement en tient compte », a indiqué à la Presse Affaires Mme Bertrand, dont l'organisation représente 155 chambres de commerce et 1200 entreprises.

La FCCQ salue par ailleurs la recherche d'un équilibre entre les revenus et les dépenses du gouvernement. Québec prévoit revenir au déficit zéro dès l'exercice 2013-2014, qui commence le 1er avril prochain.

«On est très satisfaits de voir que l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 2014 est une intention toujours ferme du gouvernement», a aussi souligné Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec.

Budget « aigre-doux »

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), qui représente 24 000 PME au Québec, a pour sa part accordé un «B» au budget de Nicolas Marceau.

Martine Hébert, vice-présidente, Québec, de la FCEI, le qualifie d'«aigre-doux ».

« L'impression que j'ai, c'est que c'est un budget de finances publiques, mais ce n'est pas un budget pro-PME », a-t-elle indiqué en entrevue.

Mme Hébert salue les fameuses mesures « coup de poing » annoncées par le ministre des Finances, mais elle souligne que celles-ci s'adressent en premier lieu aux grandes entreprises.

La dirigeante se dit malgré tout soulagée de l'abandon de certaines mesures controversées proposées en début de mandat par Nicolas Marceau, dont la hausse du taux d'imposition sur les dividendes.

« Ç'aurait été catastrophique, parce que les petits entrepreneurs se paient en dividendes », a-t-elle commenté.

Martine Hébert se dit enfin heureuse de la volonté exprimée par le gouvernement de réduire le fardeau réglementaire qui afflige les PME, dont les coûts sont évalués à 7 milliards par année.

Trop peu, dit l'opposition

Si les gens d'affaires se montrent assez satisfaits, les partis de l'opposition ont sans surprise rejeté en bloc le budget Marceau.

Raymond Bachand, député d'Outremont et porte-parole libéral en matière de finances, l'a qualifié de budget « forcé, décevant et incomplet », qui ne mettra pas fin à « de nombreuses incertitudes ».

François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, estime pour sa part que le budget Marceau est nettement insuffisant au plan de la création de richesse.

« Si on additionne toutes les mesures de développement économique, le plan du PQ n'est que de 61 millions de dollars, a-t-il affirmé. Ce n'est pas sérieux, il n'y a aucun effort pour augmenter le PIB du Québec. »

Québec solidaire a quant à lui trouvé ce budget trop à droite. Tous les partis de l'opposition ont indiqué qu'ils voteraient contre le budget du gouvernement péquiste minoritaire.

SURVOL DES MESURES



Voici un résumé des principales mesures économiques annoncées aujourd'hui :

> Fiscalité :

Le gouvernement Marois maintient sa promesse de puiser dans les poches des plus riches. Ensemble, les 4 % des contribuables les mieux nantis paieront 322 millions de plus en impôt et 80 millions supplémentaires en taxe santé en 2013.

Le taux d'imposition des contribuables dont le revenu imposable est de 100 000$ et plus passera de 24% à 25,75% le 1er janvier prochain. Cette augmentation de 1,75% du fardeau fiscal des plus riches fait passer leur taux combiné d'imposition fédéral-provincial à 49, 97%, soit pratiquement au seuil considéré comme critique.

> Ressources naturelles :

Le gouvernement a réaffirmé son engagement d'instaurer un nouveau régime de redevances plus exigeant, mais seulement après avoir consulté les acteurs de l'industrie et autres intervenants préoccupés par cette question. Le ministre Marceau a promis un plan précis « dans les prochains mois ».

Québec met l'accent sur la transformation locale des ressources. Le congé fiscal de 10 ans pour les grands projets d'investissement s'appliquera aux projets de transformation minérale de plus de 300 millions de dollars.

>Investissement :

Le gouvernement annonce un congé fiscal de 10 ans pour les investissements supérieurs à 300 millions et la prolongation du crédit d'impôt pour les investissements jusqu'en 2017.

Création de la Banque de développement économique du Québec, qui gérera le fonds de développement régionalisé doté d'une enveloppe annuelle de 500 millions.

>Sociétés d'État :

Le vérificateur général sera doté de pouvoirs accrus qui lui permettront d'enquêter sur les sociétés d'État à vocation commerciale, dont la SAQ, Loto-Québec et Hydro-Québec (mais pas la Caisse de dépôt).

Le budget prévoit une augmentation de la contribution des sociétés d'État au trésor public par des gains d'efficience. Le ministre Marceau estime cet effort à 290 millions en 2013-2014 et 330 millions l'année suivante.

Avec la collaboration d'Hélène Baril, André Dubuc et Hugo Fontaine