Pressé de reprendre la main face à la crise de la dette, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a adopté un ton inhabituellement offensif mercredi en s'en prenant de front à la tentation de Paris et Berlin de conduire seuls les affaires européennes.

«La réalité c'est que la coopération intergouvernementale n'est pas suffisante pour sortir l'Europe de cette crise», a lancé M. Barroso dans un message implicite aux deux capitales européennes devant le Parlement européen.

«Tout au contraire, un certain intergouvernementalisme risque de mener à la renationalisation, à la fragmentation. Un certain intergouvernementalisme pourrait être la mort de l'Europe unie telle que nous la voulons», a-t-il insisté dans un discours sur «l'état de l'Union».

Ses propos ont reçu les applaudissements nourris d'une majorité de parlementaires, de droite comme de gauche, qui s'inquiètent eux aussi de la velléité du président français Nicolas Sarkozy et de la chancelière allemande Angela Merkel de régenter les affaires européennes au détriment des institutions européennes.

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont proposé en août que le président de l'UE, Herman Van Rompuy, représentant des 27 gouvernements européens à Bruxelles, devienne aussi une sorte de «Monsieur euro» à la tête d'un «gouvernement économique» de l'Union monétaire.

Idée rejetée par M. Barroso, dans la mesure où cette main mise risque de marginaliser ses troupes, censées incarner l'intérêt général européen : «La Commission (européenne) est le gouvernement économique de l'Union, pour cela nous n'avons assurément pas besoin de davantage d'institutions».

«Nous avons besoin plus que jamais de l'autorité indépendante de la Commission. Les gouvernements ne peuvent le faire seuls», a-t-il insisté. La Commission plaide pour que l'un des siens prenne ainsi la présidence de l'Eurogroupe des ministres des Finances de la zone euro, poste qui pourrait revenir aussi à M. Van Rompuy.

«Si l'Allemagne ou la France cherchent à promouvoir M. Van Rompuy aux dépens de M. Barroso, c'est parce que le président de la Commission n'est pas la marionnette des États, contrairement au portrait qui est parfois fait de lui, et qu'il résiste justement aux capitales», assure un membre de l'entourage du président de la Commission.

M. Barroso a cherché à répondre à l'attente de nombreux eurodéputés qui l'ont beaucoup critiqué jusqu'ici en le jugeant trop passif face à la crise de la dette et aux grands pays.

L'hypothèse d'une «motion de défiance» contre l'ancien chef du gouvernement portugais a même été évoquée à plusieurs reprises, y compris par des parlementaires de sa famille politique conservatrice.

Conscient de cette grogne, M. Barroso, qui a affiché sa «fierté» d'être Européen, a fait preuve d'une rare pugnacité. Le soutien des parlementaires n'a pas été toutefois sans bémols : certains d'entre eux se sont demandé s'ils pouvaient «lui faire confiance» après avoir vu leurs espoirs déçus au cours de ses sept ans écoulés de mandats.

Pour les amadouer, le président de la Commission a également pris le contre-pied de Berlin en se disant favorable à la création d'euro-obligations à terme dans la zone euro.

L'Allemagne s'oppose à un tel système de mutualisation des dettes des pays de la zone euro, y voyant un encouragement au laxisme budgétaire.

M. Barroso a encore taclé Berlin sur la question de l'aide aux démunis en Europe en pressant l'Allemagne d'accepter des propositions de la Commission visant à maintenir un programme européen d'aide aux pauvres, menacé à défaut d'être nettement réduit l'an prochain.

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