Pendant que les avocats du Québec regardent les matchs de foot à la télé, leurs collègues sud-africains sont débordés de boulot. Une Coupe du monde payante pour les avocats!

Nicolas Morin est un «maniaque» de soccer, qu'il pratique depuis l'âge de 4 ans et qu'il regarde bien sûr à la télé. Le mois dernier, ce jeune avocat de 33 ans a même représenté le Barreau du Québec, en Turquie, à l'occasion du Mundiavocat, un tournoi qui réunit les meilleurs footballeurs-avocats de la planète. Son équipe a terminé 36e.

Vendredi, autant dire qu'il était rivé au petit écran pour le début de la «vraie» Coupe du monde, tout comme d'ailleurs une dizaine de ses collègues d'Heenan Blaikie, venus faire un petit tour dans le Lawyers lounge du cabinet durant le match France-Uruguay.

«Si je n'ai pas de rendez-vous, j'essaie d'organiser mon horaire en fonction des matchs, quitte à rester plus tard au bureau pour terminer mon travail», dit ce spécialiste en fusions et acquisitions, qui prédit la victoire finale du Brésil ou de l'Espagne, même si son coeur est avec l'Argentine.

Tous les avocats n'ont pas cette chance de regarder les matchs à la télé. Ceux de l'Afrique du Sud, soit dit en passant, n'ont probablement pas trop de temps ces jours-ci à consacrer au ballon rond, même si l'événement se déroule chez eux. Car depuis que la FIFA a annoncé en 2004 que la Coupe du monde aurait lieu dans leur pays, les cabinets d'avocats sud-africains sont débordés. Pour eux, ce tournoi représente une occasion unique de montrer qu'ils existent et qu'ils sont capables de gérer de gros dossiers.

Un cabinet canadien dans la cité de l'or!

Pour certains cabinets, la Coupe du monde sert carrément de vitrine sur le monde.

«Pour nous, c'est l'occasion de promouvoir la nature et la spécificité de nos services», dit Al Gourley. Cet avocat est l'associé directeur de Fasken Martineau à Johannesburg, où le cabinet d'avocats pancanadien a ouvert un bureau en 2003 pour élargir sa pratique en droit minier international. Le bureau compte aujourd'hui sept avocats. Ils font essentiellement des fusions et acquisitions et du financement pour des clients nord-américains, européens et sud-africains qui travaillent dans les secteurs des ressources, des mines, de l'énergie et des télécommunications.

Pour ce premier week-end du tournoi, le cabinet a ainsi invité une vingtaine de ses clients, des banquiers et entrepreneurs pour la plupart. À part le billet d'avion, tous les frais étaient assumés par Fasken: l'hôtel, la bouffe, les billets pour le foot, même une petite excursion safari!

«Ce qu'on voulait, c'est leur montrer à quel point on peut bien s'occuper de leurs affaires en Afrique», explique Al Gourley.

La propriété intellectuelle a la cote

Pour les cabinets plus locaux, ce sont surtout les secteurs des télécommunications, de la construction et de l'énergie qui ont jusqu'à présent tenu les juristes occupés. Et l'augmentation de 0,5 point de pourcentage de la croissance du PIB jumelée à la hausse attendue du tourisme devraient assurer un flux de dossiers pour encore quelques années.

Un des plus grands cabinets du pays, Edward Nathan Sonnenbergs, de Johannesburg, qui compte 360 avocats, conseille la FIFA en matière de protection de la propriété intellectuelle, un secteur chaud et en pleine croissance. Les avocats sud-africains sont inondés de dossiers alors que le gros de la valeur commerciale liée au tournoi dépend de ses marques de commerce. La FIFA a enregistré des dizaines de marques en Afrique du Sud, accordant même à ses partenaires le monopole d'utiliser les mots World Cup, et les symboles de l'événement.

Beaucoup de marchands et de petits malfrats qui ont vendu des produits sans se soumettre aux lois ont d'ailleurs été accusés de publicité trompeuse (ambush marketing) et sont obligés aujourd'hui de consulter des avocats criminalistes ou spécialistes en propriété intellectuelle. Il faut dire que la contrefaçon a pris des proportions gigantesques. Déjà, en 2006, en Allemagne, la situation était préoccupante, mais rien comparativement aux 50 000 plaintes qui ont été rapportées jusqu'ici aux autorités sud-africaines.

Un autre domaine de droit qui est au premier plan est celui de la concurrence, particulièrement dans l'industrie aérienne. Il a en effet été allégué que des transporteurs se seraient consultés pour gonfler leurs tarifs durant la Coupe du monde. Six entreprises font présentement l'objet d'une enquête pour collusion - dont South African Airways -, ce qui, conséquemment, tient plusieurs avocats occupés.

Les avocats en litige risquent de ne pas trop chômer non plus. Grâce notamment aux entreprises affectées par les zones d'exclusion qui entourent les stades où les matchs ont lieu. Ces microentreprises, pour la plupart, s'estiment lésées et espèrent compensation.

Les avocats comptent également sur l'arrivée des 3 millions de touristes; cela devrait faire augmenter la criminalité et provoquer une hausse de réclamations d'assurance. Un cabinet local a même décidé de se spécialiser en donnant des conseils sur des réclamations potentielles de spectateurs souffrant de troubles auditifs... résultat du bruit des vuvuzelas!

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