On dit souvent que les Québécois ont des liens privilégiés avec la communauté haïtienne. Chose certaine, du côté des ingénieurs québécois, les relations sont très présentes. Le séisme du 12 janvier l'a illustré.

SM International continue malgré le deuil

L'ancien ministre libéral Serge Marcil, décédé lors du tremblement de terre en Haïti, était vice-président du Groupe S.M. International, une firme d'ingénierie québécoise. Malgré le deuil, l'entreprise poursuit ses travaux.

Le Groupe S.M. International avait été très actif en Haïti il y a une dizaine d'années, mais les activités avaient beaucoup diminué récemment. M. Marcil avait toutefois l'intention de relancer de nombreux projets au pays.

«Il avait une grande expérience en coopération internationale au Sénégal et il voulait la transposer aux besoins d'Haïti. D'ailleurs, il n'était pas le seul. Les choses allaient de mieux en mieux dans le pays avant le tremblement de terre et il était possible de commencer à croire à une relève», explique Bernard Poulin, président et chef de la direction du Groupe S.M. International.

Avant le tremblement de terre, la firme travaillait déjà sur quelques projets en Haïti. «Nous avons un projet d'approvisionnement en eau à Ouanaminthe, au nord du pays. Il a été interrompu avec le séisme, mais il continuera», affirme M. Poulin.

La firme surveille également les travaux de construction sur une base maritime à Les Cayes, dans le sud-ouest du pays. «Le projet n'a pas subi de dégâts, mais le tremblement de terre a ralenti les opérations», ajoute-t-il.

Signe que l'entreprise a l'intention de demeurer à long terme au pays: elle travaille à ouvrir un bureau permanent à Port-au-Prince. «Il y a énormément de travail à faire et il y a beaucoup de secteurs dans lesquels nous pourrions être impliqués, que ce soit dans le domaine de l'approvisionnement en eau, des installations maritimes, des routes, etc. Nous voulons aussi apporter notre expertise dans le domaine du bâtiment.»

Le Groupe S.M. International compte une vingtaine de bureaux dans le monde et compte plus de 1000 professionnels et spécialistes.

SNC-Lavalin est actif

Le bureau du géant SNC-Lavalin à Pétionville, en Haïti, n'a pas subi de dommages lors du séisme, ce qui a permis aux équipes de retourner au boulot rapidement.

«Au début, les activités ont été suspendues et nos employés ont été déployés pour aider la population», indique Leslie Quinton, vice-présidente, communications mondiales d'entreprise chez SNC-Lavalin. Par la suite, les travaux ont repris. On leur a donné plus d'ampleur ou on a revu leurs priorités.

Étrange coïncidence: quelques jours avant le séisme, la firme a commencé à travailler sur la révision du Code du bâtiment. Elle devra finalement préparer en plus un guide d'application.

À la suite du tremblement de terre, SNC-Lavalin a également décroché un nouveau contrat avec L'Électricité d'Haïti pour évaluer tous ses immeubles.

«Le travail à faire est énorme. Nous avons envoyé 10 personnes supplémentaires à Haïti pour travailler sur l'évaluation des bâtiments. Il y a beaucoup de pression et il faut faire vite», précise Mme Quinton.

La firme s'est également fait confier, il y a quelques jours, le mandat d'approvisionnement et de livraison de 7500 tentes pour le 1er juin.

SNC-Lavalin a pu compter sur l'appui de ses différents bureaux après le séisme.

«Notre bureau de République dominicaine a beaucoup aidé pour la logistique, notamment en nous fournissant des voitures. Du travail a aussi été coordonné de notre bureau de Montréal. La réponse a vraiment été globale», ajoute-t-elle.

Pour le moment, SNC-Lavalin est engagée dans des travaux d'études en Haïti, mais il n'est pas exclu qu'éventuellement, la firme se lance dans les projets de construction. SNC-Lavalin est en Haïti depuis plus de 30 ans et compte près de 90 employés à son bureau de Pétionville.

AECOM Tecsult: Haïti est une priorité

Haïti est un pays important pour AECOM Tecsult qui mène de nombreux projets dans la région depuis plusieurs années. En ce moment, les équipes travaillent à évaluer les dommages et à revoir les projets, et ce, malgré le deuil.

«Nous avons un projet de supervision de route en Haïti et Richard Proteau, qui était notre chef de mission là-bas, était dans l'Hôtel Montana lors du séisme», indique Jean-François Vinet, vice-président international chez AECOM Tecsult.

Le projet est tout de même en train d'être réactivé. D'autres attendent l'arrivée d'équipes de spécialistes pour évaluer les dommages, les besoins et les priorités. Il est notamment question de projets d'approvisionnement en eau potable, d'irrigation, de pont et d'énergie.

Pourquoi AECOM Tecsult a-t-elle autant de projets en Haïti?

«Nous sommes très proches de la diaspora et nous avons plusieurs employés d'origine haïtienne. De plus, depuis une quinzaine d'années, nous pouvons compter sur un bon réseau de partenaires en Haïti. Nous sommes également habitués de travailler avec de grands bailleurs de fonds comme l'ACDI, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement», explique M. Vinet.

De plus, grâce à des contrats que pourrait obtenir la maison mère américaine, le bureau montréalais pourrait participer à davantage de projets.

«Comme nous partageons la langue avec les Haïtiens et que nous avons déjà de nombreux contacts au pays, la maison mère a intérêt à venir nous chercher pour ses projets», ajoute-t-il.

Presque deux mois après le tremblement de terre, il semble que la situation demeure très difficile pour les travailleurs en Haïti, notamment au niveau logistique.

«C'est encore très chaotique, affirme M. Vinet. Nous envoyons donc nos travailleurs les plus expérimentés dans ce genre de conditions, les plus débrouillards, ceux qui parlent créole et ceux qui ont un très bon réseau là-bas parce qu'il faut être très autonome en ce moment pour arriver à travailler.»

Haïti est une priorité pour AECOM Tecsult qui compte y être présente pour les 15 prochaines années.

Ingénieurs sans frontières Québec en mission

Il n'y a pas que les firmes d'ingénierie qui réalisent des projets en Haïti. Certains ingénieurs décident d'y aller de leur propre chef, bénévolement, avec Ingénieurs sans frontières Québec (ISFQ).

«Nous réalisons des projets de petite envergure qui sont tout de même très importants pour les communautés visées. Nous pouvons travailler par exemple sur l'accès à l'eau, l'hygiène et l'énergie», affirme Gilles Bellemare, président du conseil d'administration d'ISFQ.

En ce moment, l'organisme sans but lucratif a mandaté une firme locale pour identifier un projet intéressant qu'elle pourrait réaliser. «Nous souhaitons également que ce soit un projet qui règle un problème qu'on retrouve de façon récurrente dans les villages, comme ça, on pourrait répéter l'expérience plusieurs fois», ajoute-t-il.

ISFQ a travaillé récemment en Haïti sur un projet d'approvisionnement en eau et en énergie d'une école construite par l'organisme québécois Action canadienne internationale de bienfaisance (ACIB).

Puisque le puits est à sec depuis le tremblement de terre, ISFQ s'est engagé à trouver une nouvelle solution d'approvisionnement en eau, mais aussi, à fournir une assistance technique dans le domaine de l'eau et de l'énergie à l'ACIB qui s'occupera de reloger les quelque 200 personnes qui se sont réfugiées dans l'école depuis le séisme.

Créé en 1994, ISFQ compte environ 300 membres.

BBA: près de 40 000$ en dons

Il y a différentes façons de participer à la reconstruction d'Haïti et la firme BBA a décidé de le faire en menant une collecte de fonds: en deux semaines seulement, près de 40 000$ ont été amassés.

«Nous n'avions pas de projets en cours en Haïti lors du tremblement de terre, mais nous en avions il y a quelques années. Certains de nos employés y ont séjourné à l'époque, alors des liens importants ont été créés avec la communauté haïtienne», indique Manon St-Arnaud, directrice marketing et communication chez BBA.

Un employé de la firme est également marié à une femme d'origine haïtienne qui a de la famille sur place. «Nous sommes une entreprise de 400 employés, alors tout le monde se connaît. Un mouvement de solidarité s'est donc créé et on a tout de suite mis sur pied une collecte de fonds», explique-t-elle. La direction de l'entreprise a décidé de donner un dollar pour chaque dollar versé par les employés. Au total, 39 280$ ont finalement été versés à la Croix-Rouge canadienne, Division du Québec.

Active principalement dans les domaines des mines et de l'énergie, BBA a son siège social à Mont-Saint-Hilaire et des bureaux à Montréal, Vancouver et au Labrador.