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Pourquoi les boîtes noires des avions ne sont-elles pas transférées directement sur l’internet ?

Jean-Pierre Corbeil

La faisabilité de cette approche a été prouvée par Boeing et la PME canadienne Flyht en 2015, mais elle n’a pas encore été adoptée à cause de son coût.

« On a beaucoup parlé de mettre les données des boîtes noires sur le nuage (cloud) après l’accident du vol 447 d’Air France », dit la capitaine Mary McMillan, présidente du C.A. de Flyht, l’entreprise albertaine qui a fait la preuve de concept avec Boeing en 2015. Le vol AF447 s’est abîmé en mer en 2009, après le départ de l’Airbus 330 de Rio. Des problèmes de givrage ont faussé la lecture de certains instruments et 228 personnes sont mortes dans l’accident.

« On savait exactement où le crash avait eu lieu, mais il a fallu deux ans pour localiser les boîtes noires au fond de l’océan. C’était la seule manière de savoir les causes de l’accident », souligne Mme McMillan.

« Et il y a 10 ans, il y a aussi eu le vol MH370 de la Malaysia Airlines. Les boîtes noires n’ont jamais été retrouvées malgré des recherches qui ont coûté des centaines de millions », ajoute-t-elle. Le Boeing 777 de MH370, un vol de Kuala Lumpur à Pékin, avait fait des changements de trajectoire inexplicables avant de disparaître en 2014. La cause de l’accident, qui a fait 239 morts, n’a jamais été arrêtée.

Boeing a effectué des tests avec Flyht et la capitaine McMillan, qui travaillait alors pour l’entreprise de télécommunications par satellite Inmarsat, après une longue carrière de pilote chez United. « Ça faisait partie des programmes de recherches en vol ecoDemonstrator de Boeing », explique Kent Jacobs, PDG de la firme de Calgary, en entrevue en marge d’une réunion avec des investisseurs à Montréal à la mi-mai.

Les résultats ont été excellents, mais le coût aurait été dix fois supérieur à celui des boîtes noires actuelles, selon M. Jacobs.

Je suis persuadé qu’un jour, les données des boîtes noires seront transférées en temps réel sur l’internet, pour qu’on puisse y avoir accès s’il y a un problème catastrophique. Mais ce n’est pas encore le moment.

Kent Jacobs, PDG de Flyht

La capitaine McMillan rappelle aussi que l’avion est le « moyen de transport le plus complexe et le plus sécuritaire jamais inventé ».

Flyht a été créée à Calgary il y a 20 ans pour tirer profit des données des boîtes noires indépendamment des accidents, pour améliorer la performance des avions. Des systèmes lancés ces dernières années par Flyht améliorent aussi les rotations au sol des avions, pour limiter les retards dans les réparations d’urgences et le traitement des bagages, par exemple.

Éviter les risques de piratage

Est-ce que l’arrivée de l’internet satellite à bas coût, par exemple avec Starlink, pourra diminuer assez les coûts pour que les boîtes noires infonuagiques deviennent réalité ? Non, parce que les certifications des communications aériennes satellites sont très sévères, pour limiter les risques de piratage, selon la capitaine McMillan. Elle ne pense pas que la technologie de Starlink pourrait être certifiée pour les communications de sécurité aérospatiale.

Il ne s’agit pas d’une question de quantité de données, selon M. Jacobs : les données des boîtes noires équivalent à un peu plus d’un mégaoctet par seconde. Starlink affiche des résultats allant de 5 à 260 mégabits par seconde, selon un article de 2023 de PC Mag.

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