Le 7 mars 1970, une éclipse ayant un itinéraire presque identique à celui de l’éclipse du 8 avril a eu lieu un peu plus à l’est. Elle a traversé le sud du Mexique, puis la Floride et la côte Est des États-Unis jusqu’aux Maritimes.

Ce n’est pas un hasard : les éclipses suivent un cycle de 54 ans et 33 jours appelé « exeligmos ». « Il n’y a pas deux éclipses parfaitement identiques », explique l’astrophysicienne Auriane Egal, du Planétarium de Montréal. « Mais le retour d’éclipses semblables survient de manière cyclique. »

Les éclipses totales dépendent d’un ballet compliqué entre la Terre, le Soleil et la Lune. Tout d’abord, la Terre a une orbite légèrement elliptique autour du Soleil, tout comme la Lune autour de la Terre. La Terre est donc plus ou moins loin du Soleil, et la Lune plus ou moins loin de la Terre.

Ensuite, l’orbite lunaire n’est pas sur le même plan que le couple Terre-Soleil. La Lune est donc parfois plus basse que le plan formé par l’orbite de la Terre autour du Soleil, et parfois au-dessus. On appelle « nœuds » les points où la Lune croise le plan de l’orbite de la Terre autour du Soleil.

Pour qu’il y ait une éclipse totale ou annulaire (une éclipse est annulaire quand la Lune est située exactement entre la Terre et le Soleil mais ne cache pas totalement le Soleil), il faut que ce « nœud » soit entre la Terre et le Soleil.

Cette situation survient tous les 173 jours, de sorte qu’il y a une éclipse totale ou annulaire au moins deux fois par année quelque part sur la planète, explique Mme Egal.

Selon que la Lune traverse le plan de l’orbite solaire de la Terre par le dessus ou par le dessous, la trajectoire de l’éclipse totale se fera du Nord vers le Sud, ou du Sud vers le Nord. Les trois dernières éclipses totales visibles du Québec, en 1932, 1963 et 1972, allaient de l’Alaska jusqu’à la Nouvelle-Angleterre. Celle du 8 avril va au contraire du Sud vers le Nord, du Mexique jusqu’aux Maritimes.

L’exeligmos équivaut en fait à trois cycles de 223 mois lunaires, appelés « saros », dont la civilisation chaldéenne de la Mésopotamie a reconnu l’existence il y a près de 3000 ans. À chaque saros, une éclipse similaire aura lieu à un endroit situé à un tiers de la circonférence terrestre. Le 29 mars 2006, par exemple, une éclipse totale similaire à celle du 8 avril a eu lieu en Afrique, et le 18 mars 1988, une autre à l’est de l’Asie.

Vitesse de rotation

Pour compliquer le tout, la vitesse de rotation de la Terre ralentit au fil des ans. C’est ce qui explique que les éclipses similaires tous les 54 ans ne sont pas exactement au même endroit.

Les premières civilisations qui ont compris que les éclipses suivaient un cycle pouvaient prédire le moment d’une éclipse, mais pas leur lieu.

Auriane Egal, astrophysicienne au Planétarium de Montréal

Il a fallu attendre l’astronome anglais Edmond Halley pour prédire relativement exactement le lieu d’une éclipse, en 1715.

Le ralentissement de la Terre s’accompagne d’une augmentation de la vitesse de rotation de la Lune, qui la fait s’éloigner de nous de 3,8 cm par an. Cela signifie que dans quelques centaines de millions d’années, il n’y aura plus du tout d’éclipses totales. « La Lune sera trop loin pour cacher totalement le Soleil, il n’y aura plus que des éclipses annulaires », dit Mme Egal.

Regardez l’orbite lunaire en fonction du plan orbital de la Terre autour du Soleil (en anglais)
En savoir plus
  • 30 km
    Erreur d’Edmond Halley lors de sa prédiction de la bande de totalité de l’éclipse du 3 mai 1715 en Angleterre
    Source : encyclopédie Britannica