(Montréal) Une éclipse totale de Soleil est plus qu’un astre qui en cache un autre. C’est un spectacle en plusieurs actes, et si les conditions météo sont au rendez-vous, de multiples phénomènes, parfois étranges, peuvent être observés par l’œil averti.

Le 2 août 1133, une éclipse solaire totale survient en Angleterre. L’évènement coïnciderait, selon des récits anciens, avec la fuite du roi Henri 1er vers la Normandie. À partir de ce moment, le roi n’aurait plus remis les pieds en Angleterre et d’anciens textes racontent que l’éclipse était le présage du chaos social qui a mené à la guerre civile et la mort du roi.

Plusieurs sociétés du passé associaient les éclipses aux mauvais présages, aux malheurs, aux ténèbres. Il n’est pas difficile de s’imaginer la peur que pouvaient ressentir les humains des autres époques lorsque le Soleil disparaissait subitement. Il suffit de jeter un coup d’œil à certaines œuvres d’art anciennes, comme « Désolation des Péruviens pendant L’Éclipse de Lune », gravée par Bernard Picard en 1723, pour constater l’hystérie que pouvait provoquer l’ombre d’un corps céleste sur la Terre.

Si les éclipses créent autant d’émotions, c’est notamment en raison des différents phénomènes, parfois étranges, qu’on peut observer, tout autour de soi, pendant qu’un astre en cache un autre.

Chute de température et ombres volantes

Pendant la phase de l’éclipse totale, la température peut chuter d’une dizaine de degrés Celsius. Les éclipses solaires modifient également la manière dont l’air se déplace au niveau du sol, le vent peut donc changer de direction.

Également, certains nuages peuvent avoir tendance à se dissiper dans les minutes qui précèdent l’éclipse totale. Donc, si le 8 avril vous êtes découragé par les nuages qui obscurcissent le ciel, ne perdez pas complètement espoir, car il est possible que certains cumulus disparaissent juste avant l’éclipse et vous permettent ainsi de profiter du spectacle. Des chercheurs lient ce phénomène au refroidissement qui survient lorsque la Lune cache le Soleil.

La chute perceptible de la luminosité survient environ 20  minutes avant l’éclipse totale et juste avant la totalité, de 30  secondes à 1 minute, des ombres volantes peuvent être observées.

« C’est comme des vagues de lumières qui apparaissent au sol, un peu comme les vagues de lumières qu’on peut observer dans le fond d’une piscine au soleil, c’est une manifestation de la turbulence atmosphérique », a expliqué l’astronome Marc Jobin.

Pour bien observer ce phénomène, et aussi capter des images avec une caméra vidéo, l’astronome propose de placer un drap blanc au sol.

« C’est un phénomène inusité qu’on ne voit qu’à ce moment-là. »

Observer Vénus, Jupiter et d’autres planètes

L’éclipse totale de lundi pourrait être un excellent moment pour observer des planètes, comme Vénus et Jupiter, lorsque le ciel commence à s’assombrir. Il est préférable de se préparer en identifiant à l’avance à quel endroit dans le ciel se trouveront ces deux planètes lors de l’éclipse. Différentes applications, dont certaines gratuites comme Stellarium, indiquent les positions des étoiles et des planètes visibles à partir du lieu géographique où vous vous trouverez le 8 avril.

Pendant l’éclipse […] on va voir Vénus un petit peu en bas du Soleil éclipsé, puis Jupiter un petit peu au-dessus.

Marc Jobin, astronome

« Quand on approche de la totalité de l’éclipse, la luminosité du ciel décroît déjà et Vénus réussit à ressortir assez facilement et je soupçonne que Jupiter aussi pourrait devenir assez brillante, assez visible, pendant les phases partielles de l’éclipse, tôt, avant la totalité de l’éclipse », a précisé celui qui est décrit comme un « chasseur d’éclipses ». Marc Jobin a été témoin d’une dizaine d’éclipses totales de Soleil et il a passé près de 33 minutes dans l’ombre de la Lune.

Mercure peut également être observé à l’approche de l’éclipse totale ainsi que des étoiles brillantes, comme Sirius et Capella.

« On peut regarder le ciel pendant les phases partielles, sans regarder le Soleil » et « les lunettes servent à protéger les yeux lorsqu’on regarde en direction du Soleil, donc il n’y a pas de problème à regarder les planètes dans le ciel, sans les lunettes, avant la phase de totalité », a expliqué l’astronome en précisant « qu’il est impossible d’observer les planètes avec les lunettes ».

Il est toutefois très important de ne pas regarder en direction du Soleil sans les lunettes de protection, car le risque de lésions et de brûlures permanentes est bien réel.

La faune

Il existe peu d’études scientifiques sur le comportement des animaux lors des éclipses complètes, notamment en raison de la rareté de celles-ci ; la dernière éclipse totale visible à Montréal est survenue en 1932.

Il y a toutefois de nombreuses observations individuelles d’animaux au comportement bizarre.

Par exemple, l’Associated Press rapportait qu’il y a sept ans, les tortues de Galapagos du Jardin zoologique Riverbanks de Columbia, en Caroline du Sud, ont commencé à se reproduire au plus fort d’une éclipse. La cause de ce comportement n’est pas encore claire.

Lorsqu’il était dans les Antilles en 1998 pour observer une éclipse, Marc Jobin a constaté, « de façon anecdotique », un changement de comportement chez des coqs.

« Quand le jour est revenu, les coqs se sont mis à chanter », comme si c’était le matin, « c’est le genre d’observation qu’on peut faire lors d’une éclipse ». Sur son site internet, le Scientifique en chef du Québec indique que « les oiseaux sont nombreux à cesser de chanter et à se regrouper ou à retourner à leurs nids tandis que l’obscurité descend, des comportements similaires à ceux qu’ils adoptent à la tombée du jour ».

Les fermes et les jardins zoologiques sont donc des endroits intéressants, selon Marc Jobin, pour observer les changements de comportements des animaux.

D’ailleurs, le 8 avril, le Zoo de Granby pilotera une étude pour constater l’effet de l’éclipse sur ses pensionnaires. Les chercheurs étudieront le comportement de 12 espèces animales pendant l’éclipse, mais aussi le jour avant et le jour après celle-ci.

Perles et bague de diamants

Quelques secondes avant la totalité de l’éclipse et quelques secondes après, vous pouvez observer, avec les lunettes de protection, la Lune recouvrir presque complètement le Soleil, laissant quelques points lumineux de lumière brillante, parfois rose. C’est qu’on appelle les perles de Baily.

Ces perles, ou ces grains de lumière, sont causées par le relief de la Lune. Les montagnes et les cratères lunaires font apparaître les perles de Baily tout autour de la Lune juste avant l’éclipse totale.

« La bague à diamants » est le phénomène observable lorsqu’il reste un dernier point lumineux, avant la disparition complète du Soleil.

Les perles de Baily, la bague à diamants et l’éclipse totale sont observables uniquement dans la zone de totalité.

Lors de l’éclipse totale, la lumière ambiante chute rapidement et il est possible d’observer une couronne autour du Soleil. C’est également à ce moment que différentes planètes peuvent être observées à l’œil nu.

Après la totalité, il faut remettre les lunettes de protection et tout se répète, mais en ordre inverse.

Afin de vivre pleinement le phénomène de l’éclipse totale, selon Marc Jobin, il faut absolument se trouver à l’intérieur de la zone de totalité. Même tout juste à l’extérieur, le Soleil n’est pas complètement caché par la Lune, et la nuit en plein jour ne se produit pas.

« Une éclipse partielle à 99,99 % n’équivaut pas à 99,99 % de l’expérience » d’une éclipse totale, a indiqué Marc Jobin.

Plusieurs millions de Québécois habitent dans la zone de totalité de l’éclipse. Selon les estimations du Planétarium de Montréal, 55 % de la population de la Région métropolitaine de Montréal se trouve à l’intérieur de la bande de totalité.

À Montréal, la durée de la totalité devrait durer jusqu’à environ une minute et demie, dépendamment des lieux. Dans les secteurs au centre de la zone de totalité, comme au mont Mégantic, l’éclipse totale durera environ trois minutes et 28 secondes.