Alors qu’une entreprise canadienne a l’intention d’extraire des minéraux dans le fond de l’océan Pacifique dans les prochains mois, une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications montre comment les sédiments issus de l’exploitation minière dans le plancher océanique pourraient être nocifs pour la vie marine.

Helena Hauss fait partie d’une équipe de chercheurs qui s’est penchée sur l’impact que les mines en eau profonde pourraient avoir sur les organismes marins, particulièrement sur les méduses, et les résultats de l’étude inquiètent la chercheuse.

Les nuages de sédiments provoqués par l’exploitation minière causent un niveau de stress qui « pourrait affecter la croissance et le taux de reproduction » de ces animaux marins qui « pourraient également mourir de faim », a expliqué la coauteure de l’étude à La Presse Canadienne.

Son équipe a exposé des méduses à des nuages de sédiments collectés à 4000 mètres de profondeur dans l’océan Atlantique, afin de reproduire les effets de l’exploitation minière dans les fonds marins.

« C’est une expérience simple et directe. On a pris l’animal, on l’a exposé à un stress et on a mesuré sa réponse », a expliqué Helena Hauss.

« Les méduses ont activé des gènes liés à la cicatrisation de plaies, à l’immunité innée et à la respiration », et leur réponse « demandait beaucoup d’énergie, même si les méduses n’étaient pas en train de mourir », a précisé la directrice de la recherche en écologie marine du Centre norvégien de recherche.

« On pouvait également voir à l’œil nu que pour se débarrasser des sédiments, les méduses produisaient beaucoup de mucus, ce qui est un mécanisme de défense. »

La quantité d’énergie déployée par les méduses pour se défaire des sédiments indique qu’elles auront probablement besoin de se nourrir davantage, mais « c’est inquiétant, car les fonds marins sont un environnement limité en nourriture », a mentionné Mme Hauss.

La chercheuse a expliqué qu’à sa connaissance, il s’agit de la première étude qui s’intéresse à l’impact des futures activités minières sur des organismes pélagiques, donc les espèces comme les méduses, qui vivent entre la surface de l’eau et les profondeurs de l’océan.

Les connaissances scientifiques de l’impact des mines sur les organismes pélagiques sont très limitées, mais selon Helena Hauss, « on sait que les mines auront des conséquences destructrices sur les benthos ».

Les benthos sont les invertébrés qui peuplent les fonds marins.

Pour accéder aux minéraux dans le fond des océans, les minières devront creuser dans l’habitat de ces créatures.

« Une fois détruit, leur habitat ne va pas se recréer, ce sont des habitats qui ont pris des millions d’années à se former », a expliqué Mme Hauss.

« Selon mon opinion personnelle, qui ne reflète pas nécessairement celles des gens dans mon organisation », a ajouté la scientifique, « nous n’avons pas suffisamment de connaissance pour aller de l’avant avec l’exploitation minière dans les océans ».

Un code minier qui n’existe pas encore

L’océan profond, qui commence à 200 mètres de la surface, est le plus grand habitat du monde et couvre plus de la moitié de la surface de la Terre.

La plupart des espèces qui y vivent sont encore inconnues des scientifiques et l’organisation « Deep-Ocean Stewardship Initiative » estime qu’il pourrait y avoir jusqu’à 2 millions d’espèces marines et plus de 500 milliards de types différents de micro-organismes dans l’océan profond.

Cet habitat, essentiel à la régulation du climat mondial, car il garde en réserve le dioxyde de carbone et la chaleur et maintient la biodiversité, suscite la convoitise des minières, car il contiendrait beaucoup de minéraux utiles dans la fabrication de batteries de véhicules électriques, du cuivre, du cobalt et du nickel notamment.

Dans les eaux internationales, c’est l’Autorité internationale des fonds marins, dont fait partie le Canada, qui est chargée d’établir des règles pour l’exploitation minière.

Mais le code minier des océans fait encore l’objet de discussions et il est prévu qu’il soit adopté d’ici 2025.

Même en l’absence de règles claires, la minière canadienne The Metals Company (TMC), établie à Vancouver, et le Nauru, un petit État insulaire d’Océanie, ont indiqué qu’ils avaient l’intention d’exploiter des mines dans le plancher de l’océan Pacifique dès 2024.

Moins dommageable que les mines terrestres, selon TMC.

Récemment, le président de TMC a écrit une « lettre ouverte » qui s’adresse aux « organisations de conservation des océans ».

Dans sa missive, Gerard Barron soutient que pour les métaux critiques comme le lithium, le nickel, le cobalt et le cuivre, près de 500 nouvelles mines devront ouvrir au cours des 5 à 10 prochaines années pour répondre à la transition énergétique.

« Cela signifie que nous devrons extraire plus de ces métaux au cours des 30 prochaines années que nous n’en avons extrait dans toute l’histoire de l’humanité », a-t-il écrit.

Il a également expliqué, dans sa lettre, que si son entreprise a choisi de se concentrer sur l’extraction des nodules polymétalliques, des minéraux qui reposent sur le lit océanique, c’est parce que ceux-ci ont de nombreux avantages que les minéraux terrestres n’ont pas.

« Un seul projet de nodules peut produire quatre métaux : le nickel, le cuivre, le cobalt et le manganèse, ce qui nécessiterait trois nouvelles mines distinctes sur terre », a fait valoir Gerard Barron.

Selon lui, l’exploitation minière dans le fond de l’océan « perturbera moins la vie, tant en termes de biomasse que de quantité d’espèces vivantes » que l’exploitation de mines terrestres.

Il a aussi affirmé que la compréhension de son entreprise des écosystèmes marins progresse rapidement.

À ceux qui croient que « les connaissances actuelles sont insuffisantes pour une gestion efficace du milieu marin », il répond que « cette évaluation est antérieure à l’ensemble de données collectées » par son entreprise.

Jusqu’à présent, l’Autorité internationale des fonds marins a délivré plus de 30 licences d’exploration minière dans les océans, mais aucune licence d’exploitation.

Les explorations se déroulent dans une zone de 4,5 millions de kilomètres carrés entre Hawaii et le Mexique, à des profondeurs allant jusqu’à 6000 mètres.