La faune est contaminée par les perfluorés à grande échelle, montre une nouvelle analyse américaine. Les auteurs du rapport ont calculé que la quantité de perfluorés dans un poisson d’eau douce équivaut à un mois de consommation d’eau du robinet.

« Il est renversant de voir le nombre d’espèces où des taux de contamination élevés ont été observés », explique l’un des auteurs du rapport de l’ONG américaine Environmental Working Group (EWG), David Andrews.

« On parle d’environ 10 000 parties par billion pour les poissons d’eau douce en Amérique du Nord. Ça signifie que manger un poisson équivaut à un mois de consommation d’eau potable selon les normes actuelles. Pour les grands prédateurs comme l’aigle ou le dauphin, c’est encore plus élevé. »

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB EWG.ORG

Cette carte de l’Environmental Working Group répertorie les différentes espèces animales contaminées aux perfluorés et l’endroit où elles ont été recensées en Amérique du Nord.

Les perfluorés sont des molécules utilisées depuis les années 1950 comme antitaches et antiadhésifs, par exemple dans le téflon, ainsi que dans les mousses d’incendie militaires et aéroportuaires.

Leur durabilité est leur principal atout, mais signifie qu’ils ne se dégradent pas et s’accumulent dans l’environnement et le corps. Cela leur donne un potentiel cancérigène et interfère avec le système immunitaire.

Le rapport d’EWG a permis de dresser une carte mondiale des endroits où a été mesurée la contamination dans la faune. Des milliers d’études ont été recensées sur un total de 330 espèces.

Sous-recensés au Canada

Il y a peu d’espèces du Canada sur la carte mondiale dressée par EWG : le loup, le caribou, l’ours polaire, le béluga et un oiseau de la côte Ouest appelé guillemot à cou blanc.

« Le Canada est en retard pour l’étude des perfluorés dans l’environnement », explique Marc-André Verner, toxicologiste de l’Université de Montréal qui, l’an dernier, a collaboré à un rapport des Académies des sciences des États-Unis sur les perfluorés. « On a très peu de sites contaminés recensés au Canada, par exemple. »

L’inventaire fédéral des sites contaminés, géré par le Conseil du Trésor sur la base de signalements des différents ministères, comprend 42 sites contaminés aux perfluorés, dont six au Québec, tous des aéroports. Ailleurs au pays, des sites sont identifiés près de bases militaires.

Par comparaison, EWG avait recensé l’an dernier une contamination à 2900 sites aux États-Unis. Et une étude de l’Université Northeastern, publiée l’automne dernier dans Environmental Science and Technology Letters, estimait à 58 000 le nombre de sites contaminés aux perfluorés aux États-Unis.

Les humains aussi contaminés

La paucité de données au Canada s’étend aussi à la surveillance de la population.

« Au Canada, on a des données nationales sur la présence de perfluorés dans le sang de la population, mais aux États-Unis, on a des données sur des sous-populations plus vulnérables, par exemple ceux qui habitent près des sites contaminés connus », dit M. Verner.

Ces données populationnelles montrent que le taux sanguin des quelques perfluorés qui ont été bannis diminue depuis une dizaine d’années, selon M. Andrews d’EWG.

« Ça signifie que si le gouvernement agit avec détermination, on peut s’attaquer au problème des perfluorés. » Santé Canada observe aussi une telle baisse.

En savoir plus
  • 1,3 microgramme par litre
    Quantité du perfluoré PFOA dans le sang des Canadiens en 2018-2019
    SOURCE : Santé Canada
    410 à 1125 microgrammes par litre
    Quantité du perfluoré PFOA dans le sang de travailleurs d’usines de perfluorés aux États-Unis
    SOURCE : Département de santé de l’État de New York