Dans la dernière année, des normes plus strictes pour les perfluorés ont été proposées en Amérique du Nord et en Europe. Elles ont été suscitées par des études montrant que ces molécules couramment utilisées par l’industrie ont des effets sur la santé à des concentrations beaucoup plus basses que prévu. Une nouvelle étude confirme cet impact sur l’efficacité des vaccins.

« L’augmentation du risque de cancer avec les perfluorés avait lieu dans des environnements particulièrement contaminés », explique Sébastien Sauvé, un chimiste à l’Université de Montréal qui vient de publier une autre étude sur la présence de perfluorés dans l’eau potable au Québec. « Avec les études sur les vaccins, on parle de taux de perfluorés qu’on retrouve très souvent. »

Découverts dans les années 1940, les perfluorés sont très résistants, ce qui est positif pour des aspects industriels, mais leur permet de s’accumuler dans l’environnement et les organismes vivants sans être dégradés. Ils sont notamment utilisés dans les antitaches, les antiadhésifs et les mousses anti-incendie de haute performance.

La méta-analyse de 14 études sur l’impact des perfluorés sur l’efficacité des vaccins montre que si on double la concentration de perfluorés dans le sang humain, l’efficacité de certains vaccins diminue de 5 %. Publiée en février dans la revue Environment International, elle a été réalisée par des chercheurs des secteurs public et privé pour le compte de la société 3M, qui vient d’annoncer qu’elle cesserait d’ici 2026 d’utiliser des perfluorés.

Cette baisse de 5 % concerne la présence de lymphocytes T, les soldats du système immunitaire. Est-ce qu’elle peut avoir un effet clinique ?

Si on voit un impact sur une molécule, avec seulement un doublement de la concentration sanguine de perfluorés, ça veut dire qu’il y a probablement un impact dans d’autres parties du système immunitaire.

Sébastien Sauvé, chimiste à l’Université de Montréal

David Andrews, un biologiste de l’ONG américaine Environmental Working Group qui vient de publier un rapport sur les perfluorés dans la faune, ajoute que plusieurs études ont confirmé que ces molécules affectent le système immunitaire des animaux, sans toutefois montrer un effet clinique.

Parkersburg

La concentration sanguine en perfluorés dépend beaucoup de la contamination environnante. L’étude C8, qui suit la santé de populations affectées par des déversements de perfluorés près d’une usine de Parkersburg, en Virginie-Occidentale, rapporte des taux sanguins de 10 à 100 fois plus élevés que dans la moyenne de la population. Cette contamination a inspiré le film Dark Waters avec Mark Ruffalo.

La nouvelle étude d’Environment International est importante parce que les premières études sur l’effet des perfluorés ont été faites dans les îles danoises Féroé. « Il y a beaucoup de consommation de poissons, notamment de dauphins-pilotes, chez qui il y a de la bioaccumulation de substances toxiques parce que ce sont des prédateurs », dit Marc-André Verner, un toxicologue de l’Université de Montréal qui étudie les perfluorés.

Alors une méta-analyse regroupant plusieurs études sur les vaccins confirme que c’est un effet réel.

Marc-André Verner, toxicologue à l’Université de Montréal

Les études des îles Féroé rapportaient un effet quatre fois plus élevé des perfluorés sur l’efficacité vaccinale.

Eau potable

L’étude de M. Sauvé, publiée à la mi-février dans la revue Water Research, illustre elle aussi la grande variabilité de l’exposition aux perfluorés. Ainsi, 5 des 376 municipalités étudiées avaient des taux de perfluorés dépassant une norme proposée au Canada pour l’eau potable, 30 nanogrammes par litre. Il y avait des pics dépassant 100 ng/L à Val-d’Or et 60 ng/L à Saint-Donat.

Val-d’Or a d’ailleurs cessé de s’approvisionner à un puits particulièrement problématique, selon M. Sauvé.

Mais si on prend une norme de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) du gouvernement américain, qui propose une valeur inférieure à 1 ng/L pour éviter tout risque pour la santé, seulement 5 % des municipalités québécoises étudiées passent le test, note M. Sauvé.

Le chimiste montréalais a d’ailleurs décidé de se munir d’un filtre domestique enlevant les perfluorés de l’eau du robinet, après avoir constaté que l’eau de Montréal contient des perfluorés à hauteur de 13 ng/L. Même l’eau en bouteille n’est pas exempte de perfluorés : une étude publiée en 2018 dans Science of the Total Environment par M. Sauvé montrait que les taux pouvaient aller jusqu’à 5 ng/L.

En savoir plus
  • 15 000
    Nombre de produits contenant des perfluorés sur une liste déposée par 3M dans l’État du Maine
    SOURCE : Université Northeastern