La conseillère scientifique en chef du Canada reconnaît que sa première année en poste ne ressemblait pas exactement à quoi elle s'était attendue.

« J'ai survécu ! lance Mona Nemer en riant. Ce fut une année passionnante. Beaucoup de choses à apprendre. À bien des égards, c'était une offre d'emploi merveilleuse, car elle ne contenait aucune liste de tâches. Tout était assez large pour permettre de définir soi-même le poste. »

Son rôle n'est pas d'être une lobbyiste, précise-t-elle. Elle n'est pas là pour dire aux politiciens ou aux fonctionnaires quoi penser et quelles décisions prendre. Depuis septembre 2017, son travail consiste à les aider à trouver les preuves scientifiques dont ils ont besoin pour prendre des décisions.

Mais avant tout, raconte Mme Nemer, elle a dû comprendre comment les décisions se prennent.

Mona Nemer, âgée de 61 ans, parle d'une voix douce, dans un anglais précis, mais légèrement teinté d'un accent. Née et élevée au Liban, elle a déménagé au Kansas pour mener des études universitaires. Un parcours qui l'a conduite jusqu'à l'Université McGill, à Montréal, il y a plus de 30 ans.

Assise dans la salle de conférence de l'espace de bureaux attribuée à son équipe de 15 personnes, Mme Nemer tient une tasse de café blanche qui porte l'inscription : « Je suis une scientifique. Quel est votre superpouvoir ? »

Titulaire d'un doctorat en chimie bio-organique, elle a travaillé en laboratoire comme spécialiste des causes génétiques liées aux maladies cardiaques. Elle a aidé à isoler les gènes qui contribuent à certaines maladies cardiaques. Son travail a aussi permis de développer des tests diagnostiques pour la détection de l'insuffisance cardiaque et des maladies cardiaques congénitales.

Elle a été titulaire d'une chaire de recherche du Canada et a été vice-rectrice de la recherche à l'Université d'Ottawa pendant plus de 10 ans.

Mais elle n'avait jamais passé beaucoup de temps au sein d'un gouvernement.

« De manière simpliste, je pensais qu'il y aurait simplement un endroit où j'aurais à donner mon avis et à m'assurer que les choses se fassent, mais c'est en réalité beaucoup plus complexe que cela, confie-t-elle. Il s'est avéré que mon mandat général et certaines des tâches précises qu'on m'a confiées étaient beaucoup plus faciles à dire qu'à faire. »

Le Canada n'avait plus de conseiller scientifique depuis près d'une décennie. L'ancien poste de conseiller scientifique existait entre 2004 et 2008, mais a été aboli quand Stephen Harper est devenu premier ministre. Le bureau de la Dre Nemer a donc dû partir à zéro.

Néanmoins, elle affirme voir déjà des preuves que ses rencontres informelles avec des ministres et des sous-ministres ainsi que les questions auxquelles elle répond lors de ses visites des laboratoires des chercheurs du gouvernement produisent des résultats.

« Je peux certainement dire qu'ils ont écouté », assure-t-elle.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, l'a consultée sur le budget fédéral de 2018. Le gouvernement avait qualifié l'exercice de « budget scientifique », avec plusieurs milliards de dollars répartis au cours des prochaines années pour financer des recherches, améliorer les laboratoires fédéraux, rétablir le financement du Conseil national de recherches et renforcer les ressources scientifiques du gouvernement fédéral.

Une collaboration avec la ministre de l'Environnement, Catherine McKenna, a permis la création d'un comité coprésidé par Mona Nemer et le sous-ministre des sciences de l'environnement, qui a récemment identifié des lacunes dans la climatologie au Canada et pris des mesures pour combler les besoins de recherche.

La Dre Nemer prévoit également nommer des conseillers scientifiques dans divers ministères.

La ministre des Sciences, Kirsty Duncan, se dit ravie de la première année de travail de Mme Nemer, mais cette dernière ne peut pas être la seule personne à conseiller l'ensemble du gouvernement à intégrer des preuves scientifiques dans ses décisions.

Pour Mme Duncan, cinq ou six conseillers scientifiques de ministère seront nommés au cours des prochains mois, notamment en environnement, dans les pêcheries et aux ressources naturelles.

« La Dre Nemer fait un travail formidable, mais une personne seule ne peut pas transformer un système, explique Kirsty Duncan. Elle a besoin de soutien, elle a besoin d'un réseau de conseils sur lequel s'appuyer. »

Mehrdad Hariri, PDG du Centre canadien de la politique scientifique, à Toronto, est convaincu, sans aucun doute, que Mona Nemer a déjà eu un impact sur le gouvernement.

« Elle veille à ce que la culture de prise de décision fondée sur des preuves soit respectée », a-t-il déclaré.

Il affirme que le milieu de la recherche scientifique estime de plus en plus qu'elle dispose d'un accès au gouvernement afin de partager leurs connaissances et que les fonctionnaires sont plus à l'aise de se référer à la recherche lorsque cela est nécessaire.