D'ici quelques années, les ingénieurs civils pourraient avoir recours à la biotechnologie pour allonger la durabilité des routes. Une équipe de Polytechnique Montréal testera cet été en laboratoire une route-pilote pour voir la viabilité de cette technologie.

« L'idée est d'injecter dans le gravier et le sable qui forment l'assise d'une route des bactéries qui fabriquent des précipités de carbonate de calcium », explique Benoît Courcelles, ingénieur civil à Polytechnique Montréal, qui présentait jeudi l'un de ses projets de « biocalcification » au congrès de l'ACFAS. « Ces précipités forment des liens entre les particules de sable et de gravier qui résistent mieux à la pression des véhicules. Il y a moins de cisaillement et de rupture. »

À l'ACFAS, M. Courcelles a présenté les résultats d'un essai réalisé cet hiver qui a confirmé que les précipités sécrétés par ces bactéries résistent au froid. « On s'est demandé ce qui se passerait avec les calcites si l'eau gèle et gonfle. On a vu qu'il y a rupture de certains ponts calcites, mais pas tous, parce que le sol devient plus souple quand il y a moins de ponts calcites et que cette souplesse permet aux ponts calcites qui restent de résister aux variations de volume. »

Les bactéries en question ont été développées par des microbiologistes, généralement australiens et néerlandais, voilà une quinzaine d'années. Quand on les met en présence de sel de calcium, ces bactéries fabriquent autour d'elles une petite pellicule de calcite pour se protéger. Au bout d'un à trois jours, elles meurent, parce qu'elles sont séparées de leurs nutriments par la pellicule de calcite. Le procédé consiste à un épandage de solution bactérienne, puis un autre épandage d'une solution de sel de calcium.

« Les géotechniciens ont pris le relais il y a sept ou huit ans, dit M. Courcelles. Je travaillais moi-même dans le domaine, en France, avant d'enseigner à l'université. Je collabore toujours avec Geopac, la filiale québécoise de la compagnie où je travaillais en France. »

UTILE CONTRE LES NIDS-DE-POULE ?

L'objectif est d'avoir une solution bactérienne qui peut être étendue sur le gravier par un camion-citerne, sans qu'il soit nécessaire d'avoir des techniciens sur place. « Ça ne devrait pas augmenter beaucoup les coûts d'une route, dit M. Courcelles. En plus, il se peut que ça réduise la quantité de compactage nécessaire, ce qui serait une économie. Et la route pourrait permettre le passage de véhicules plus lourds. »

Le même procédé pourrait être utilisé pour solidifier des fondations, même d'immeubles déjà existants, et va réduire la profondeur des nids-de-poule. « Les très gros nids-de-poule qu'on voit sont dus à la dispersion du gravier sous l'asphalte, dit M. Courcelles. Si le gravier est solidifié par les calcites, il va mieux résister. »

Quand le procédé sera-t-il utilisé commercialement ? « Il y a des compagnies en France qui font des injections en saturé », dans des fissures d'ouvrages en béton, dit M. Courcelles.

Cette approche « autocicatrisante » a aussi été proposée pour les ponts. Le « biobéton », mis au point par l'Université de Delft aux Pays-Bas, contient des capsules de bactéries biocalcifiantes et de calcium. Quand l'eau s'infiltre dans le béton, les capsules se dissolvent et la bactérie biocalcifiante se retrouve en contact avec le calcium, ce qui la pousse à produire de la calcite.