Qu'est-ce qui a bien pu pousser Mylène Paquette à se lancer le défi de parcourir 5000 km à la rame en haute mer? Ou inciter l'explorateur Mike Horn à entreprendre plus d'un projet délirant, comme traverser le globe en suivant le cercle polaire?

Intrigués par ce qui motive certains individus à emprunter des voies hors du commun, des chercheurs ont fouillé le génome humain pour tenter de décrypter ce qui façonne notre personnalité. La revue National Geographic a même consacré plusieurs pages à ce sujet récemment, relançant un débat qui divise toujours le milieu scientifique: existe-t-il un gène de l'aventure?

Plusieurs études menées en Europe et aux États-Unis braquent les projecteurs sur le gène DRD4, un récepteur de la dopamine qui joue un rôle important dans des fonctions neurologiques comme la mémoire, l'apprentissage, la créativité, l'innovation, la motivation. Mais c'est une variante du DRD4, l'allèle 7R, qui est particulièrement pointée du doigt dans les publications abordant la possible existence d'un gène de l'aventure.

Dans un article du Medical Science Monitor publié en 2011, deux médecins de la Charles University de Prague et leur collègue américain du Neuroscience Research Institute font le point sur les différents traits de personnalité attribués à l'allèle 7R. Leurs conclusions sont sans équivoque: des liens significatifs ont été établis à plusieurs reprises entre l'allèle 7R et le goût du risque, une forte attirance pour la nouveauté, des capacités marquées pour la résolution de problèmes et une tolérance élevée au stress. Des traits de personnalité qui pousseraient les porteurs de cet allèle, selon les chercheurs, à rechercher l'aventure et les sensations fortes.

Les symptômes de cette variante génétique ne seraient pas les seuls, en revanche. Des travaux du Dr Stephen V. Faraone, de l'Upstate Medical University de l'État de New York, montrent des liens entre l'allèle 7R et le trouble du déficit de l'attention, quoique assez minces, précise-t-il, alors que d'autres études établissent une corrélation entre le 7R et les dépendances, entre autres à l'alcool et à la nicotine.

«Cette mutation du gène DRD4 est effectivement connue pour son association avec la recherche de la nouveauté, affirme le Dr Philip Awadalla, professeur de génétique à l'Université de Montréal et directeur du projet Cartagène de l'hôpital Sainte-Justine. Mais elle a aussi été associée, dans d'autres cas, à la schizophrénie, aux troubles bipolaires et à la maladie de Parkinson. En fait, il y a tellement de facteurs qui peuvent influencer un trait de personnalité, notamment des facteurs environnementaux et sociaux, que je trouve difficile de croire qu'un seul gène puisse être responsable du caractère aventurier de certains individus. Une simple corrélation ne prouve pas la causalité.»

À l'instar du Dr Awadalla, plusieurs sceptiques doutent du rôle exclusif d'un seul gène dans la détermination d'un tel trait de caractère. Le Dr Deepak Kamnasaran, professeur assistant et chercheur au département de pédiatrie de l'Université Laval, évoque de son côté la possibilité que plusieurs variantes d'un même gène soient impliquées. «D'autres allèles pourraient contribuer collectivement à établir la personnalité d'un individu et jouer un rôle similaire à celui du 7R», note-t-il. Une étude britannique de l'Université de Bristol, au Royaume-Uni, a d'ailleurs montré qu'une autre variante du DRD4, le C-521T, est elle aussi associée à la recherche de nouveauté et à l'impulsivité, ajoute le chercheur.

Plus fréquent dans certaines populations

La prévalence de l'allèle 7R chez certaines populations (48 % en Amérique contre 2 % en Asie) témoigne toutefois de son rôle indéniable dans des traits de personnalité liés à l'aventure, poursuit le Dr Kamnasaran. Cette variante serait beaucoup plus présente dans les peuples aux origines étroitement liées aux migrations, comme en Amérique. Les «fondateurs» de l'allèle 7R pourraient même être les ancêtres des populations issues de l'immigration coloniale, qui ont pris le risque de se déplacer vers de nouveaux territoires, avance-t-il.

Les porteurs de cette variante du gène DRD4 auraient ainsi eu un avantage de survie sur les autres grâce à leurs capacités à s'adapter à la nouveauté, à explorer de nouvelles idées, à innover et à affronter les défis d'une vie rude sur de nouveaux continents.

Le 7R et la longévité

En janvier 2013, trois chercheurs américains publiaient dans le Journal of Neuroscience une étude montrant une association entre l'allèle 7R et une plus grande longévité. Dans le groupe des 300 participants âgés de plus de 90 ans, ils étaient 66 % de plus que dans celui des 7 à 45 ans à porter cette variante du gène DRD4.

Le Dr Kamansaran n'est pas surpris: les porteurs du 7R sont naturellement plus actifs physiquement, notamment en raison de leur aversion innée pour la sédentarité et la routine, ce qui pourrait facilement expliquer selon lui une telle corrélation.