(Québec) Les mini-hôpitaux gériatriques privés promis par le gouvernement Legault inquiètent l’Association des médecins gériatres du Québec (AMGQ), qui déplore l’ajout d’une « nouvelle voie d’accès » qui viendra « accentuer les problèmes » et « vampiriser » les ressources du réseau.

Les médecins gériatres émettent des réserves à propos du nouveau modèle que souhaite développer Québec.

La Coalition avenir Québec a promis en campagne électorale deux mini-hôpitaux privés pour désengorger la première ligne. Il a été révélé ce printemps que les futures installations prendront plutôt la forme « plus nichée » de centres ambulatoires gériatriques1. Un sera aménagé à Lévis et l’autre, dans l’est de Montréal.

« Bien que nous saluons votre volonté d’investir des sommes importantes dans l’amélioration des soins aux personnes âgées, nous croyons que cette approche va accentuer les problèmes en allouant des ressources au mauvais endroit », écrit l’AMGQ dans une lettre adressée au ministre de la Santé.

La Société québécoise de gériatrie, le professeur titulaire à l’École de sciences infirmières de l’Université de Victoria Damien Contandriopoulos et Mylaine Breton, de la Chaire de recherche du Canada sur la gouvernance clinique des services de première ligne, cosignent la missive publiée ce lundi dans La Presse.

Selon les signataires, ces « mini-hôpitaux ne seront qu’une nouvelle voie d’accès dans un réseau engorgé et complexe à naviguer ». Ils sont particulièrement inquiets de la « sécurité des soins et des patients » alors que les maladies se présentent « souvent de façon atypique » chez les personnes âgées.

« Prenons par exemple la chute. Elle peut être la conséquence d’un banal accident, mais peut aussi cacher un problème médical. Comment pouvons-nous nous assurer que les patients dirigés vers ces ‟mini-hôpitaux” le seront de façon sécuritaire ? Auront-ils accès au plateau technique et aux consultations en médecine spécialisée si besoin ? Qu’arrivera-t-il au patient qui aura été mal orienté au départ ou qui présentera une détérioration médicale ? Le transférerons-nous à l’urgence ? », écrivent-ils.

Par ailleurs, ils soulignent que les personnes âgées qui se présentent pour des urgences mineures « sont plus susceptibles de requérir une hospitalisation ».

Selon eux, « diriger cette clientèle vers une clinique ambulatoire risque de ne pas répondre aux besoins, et même potentiellement nuire aux patients en allongeant les délais et en multipliant les transferts ».

« Enfin, retenons l’absence apparente de données probantes soutenant ce projet et le risque de vampiriser les ressources humaines du système public déjà largement insuffisantes », ajoutent les signataires, qui demandent à rencontrer le ministre Christian Dubé. « Nous désirons faire partie de la solution », assurent-ils.

Un projet revu

Lors de son engagement électoral, le gouvernement Legault disait vouloir que le mini-hôpital privé de Montréal comporte une clinique externe en gériatrie et celui de Québec, en pédiatrie. Or, après avoir consulté le milieu et les promoteurs intéressés (il y a eu deux appels d’intérêt), Québec a revu son concept.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre de la Santé, Christian Dubé

« L’enjeu, c’est l’augmentation du volume de la population aux urgences », une population vieillissante, a expliqué le ministre de la Santé lors de l’étude des crédits budgétaires, en avril. Christian Dubé a alors évoqué le scénario « plus niché » de « mini-urgences » qui seraient « beaucoup plus orientées vers les besoins d’une clientèle vieillissante ».

C’est d’ailleurs parce que les services gériatriques sont bien organisés dans la Capitale-Nationale que le projet a été déplacé dans Chaudière-Appalaches, a indiqué mercredi dernier le député Youri Chassin, qui pilote le dossier2. L’appel d’offres a été publié la semaine dernière. Celui de Montréal doit l’être d’ici peu.

« Ce qu’on a actuellement, ce n’est pas un projet qui est bien défini », déplore en entrevue le président de l’AMGQ, le DJacques Morin.

Les personnes âgées, qui ont quand même contribué à la société, on leur dit : ‟vous prenez pas mal de place à l’urgence, vous empêchez la fluidité, on trouverait des alternatives, peut-être de vous envoyer dans une voie de service pas organisée”. Moi, ça m’inquiète.

Le DJacques Morin, président de l’AMGQ

Selon l’association, qui représente quelque 100 médecins gériatres, on gagnerait plutôt à intégrer de nouveaux services à même le réseau public de la santé dans le contexte du vieillissement de la population.

Solutions proposées par l’AMGQ

  • Mettre à la disposition des urgences du Québec les outils nécessaires afin d’appliquer les mesures du cadre de référence ministériel « Vers un service d’urgence adapté pour la personne âgée » dont l’objectif est de réduire les complications liées aux séjours aux urgences.
  • Renforcer l’application de l’approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier pour prévenir les complications et diminuer les durées de séjour et le recours à l’hébergement.
  • Améliorer l’accès, le financement et le fonctionnement des cliniques externes gériatriques publiques.
  • Désengorger les urgences en s’attaquant aux séjours prolongés des patients en attente d’un lit d’hébergement, de soutien à domicile ou de réadaptation.

« Est-ce que l’intégration de cette population à même nos services ne serait pas plus pertinente […] plutôt que de créer quelque chose en parallèle ? Ça va toujours rester que nos personnes âgées vont se retrouver à l’hôpital, en première ligne, en hospitalisation », illustre la vice-présidente de l’AMGQ, la Dre Julia Chabot.

Les deux mini-hôpitaux doivent être opérationnels en 2025. Le coût estimé pour chaque installation est de 35 millions, qui sera financé par le privé. Les services seront couverts par l’assurance maladie.

Lisez la lettre de l’AMGQ 1. Lisez « Promesse caquiste : les mini-hôpitaux privés convertis en cliniques gériatriques » 2. Lisez « Mini-hôpital privé à Lévis : Québec annoncera un autre projet pour la Capitale-Nationale »