Une nouvelle étude met en garde contre les « algues Klamath », contenues dans certains suppléments alimentaires.

Les suppléments alimentaires à base d’« algues Klamath » peuvent poser un risque important pour la santé, prévient une nouvelle étude menée par un chercheur québécois.

« Ce n’est pas parce que c’est naturel que c’est inoffensif », souligne le chercheur en chimie environnementale à l’Université de Montréal Sébastien Sauvé, auteur de l’étude parue il y a quelques jours dans la revue Algal Research.

Les capsules d’algues Klamath sont composées d’algues bleu-vert. Il existe toute une gamme de différents suppléments alimentaires à base d’algues bleu-vert sur le marché. La plus connue, la spiruline, est abondamment ajoutée aux smoothies et aux boules d’énergie.

Ces suppléments sont largement consommés en raison de leur haute teneur en protéines, en acides aminés, en vitamines et en minéraux.

Contrairement à la croyance populaire, les cyanobactéries, aussi appelées algues bleues ou algues bleu-vert, ne sont pas des algues. Ce sont plutôt des bactéries qui contiennent de la chlorophylle, d’où leur coloration verte. Les mêmes bactéries qui forment des fleurs d’eau dans les lacs et qui causent bien des désagréments aux plaisanciers et aux baigneurs durant la saison estivale.

PHOTO FOURNIE PAR LAURENT MCCOMBER, ARCHIVES LA PRESSE

Photo du lac Sainte-Marie datant de 2015, au moment d’une prolifération excessive de cyanobactéries

« Il est connu, depuis quelques années, que les suppléments alimentaires à base de cyanobactéries peuvent contenir des cyanotoxines », explique le chercheur, qui a voulu confirmer cette hypothèse.

Les cyanotoxines sont des toxines produites par certaines espèces de cyanobactéries qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaine en cas d’ingestion. Parmi ces effets, on compte notamment des douleurs abdominales, des maux de tête, des diarrhées et des vomissements. Dans les cas plus sévères, on peut observer des hémorragies au niveau du foie qui peuvent s’avérer mortelles.

L’équipe de Sébastien Sauvé a évalué la présence de plusieurs toxines dans 37 types de suppléments alimentaires vendus en Amérique du Nord en 2021. Ces produits ont été achetés principalement sur les sites canadien et américain d’Amazon.

La majorité de ces produits, y compris la spiruline, contiennent peu ou pas de cyanotoxines. Mais la grande coupable, selon l’étude, c’est Aphanizomenon flos-aquae, aussi appelée « algue Klamath ».

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Suppléments alimentaires à base d’algues Klamath

La différence entre les deux, c’est que l’algue Klamath est récoltée directement dans le lac Klamath, en Oregon, alors que la spiruline est cultivée dans des bassins artificiels à des fins de commercialisation.

« C’est plus difficile d’exercer un contrôle de qualité lorsqu’on ramasse des algues bleu-vert en milieu naturel », précise Sébastien Sauvé. La probabilité de récolter accidentellement d’autres espèces, dont des espèces qui produisent des cyanotoxines, est plus élevée.

C’est la dose qui fait le poison

Les cyanotoxines les plus souvent détectées dans les milieux naturels sont appelées microcystines.

Sans surprise, le supplément qui contenait le plus de microcystines était un produit à base d’algue Klamath. Et la presque totalité des suppléments contaminés était composée de cette dernière.

Premier hic : deux des produits analysés par Sébastien Sauvé dépassaient les critères de qualité pour l’eau potable en matière de microcystines de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le second problème, c’est que la réglementation des suppléments naturels flotte dans une zone grise. « La mise en marché des suppléments alimentaires est permise, mais il n’y a pas de processus systématique d’approbation », déplore Sébastien Sauvé.

En d’autres termes, Santé Canada ne procède pas à l’homologation de tous les suppléments alimentaires. Ceux qui sont homologués comportent un numéro de produit naturel (NPN) de huit chiffres sur l’étiquette. Dans le cas des suppléments à base de cyanobactéries, l’innocuité des produits tient compte de la concentration en cyanotoxines.

Parallèlement, chaque entreprise est responsable d’effectuer les analyses de contrôle de qualité nécessaires. « Est-ce que les fournisseurs ont bien fait leurs devoirs pour s’assurer que tout est conforme ? » C’est cette question qui a motivé Sébastien Sauvé à procéder à la détection des cyanotoxines dans les suppléments alimentaires.

À mon sens, il faudrait au moins s’assurer que les critères pour l’eau potable sont respectés.

Sébastien Sauvé, chercheur en chimie environnementale

Santé Canada a préféré ne pas se prononcer sur les résultats de l’étude de Sébastien Sauvé.

En as-tu vraiment besoin ?

Mais est-ce vraiment pertinent de consommer des suppléments alimentaires à base d’algues bleu-vert ? « Non, il n’est pas nécessaire d’en prendre, selon Vanessa Daigle, nutritionniste-diététiste. Il est beaucoup plus approprié de bien manger au quotidien, de s’assurer d’avoir une alimentation riche en végétaux. »

Si on veut absolument en consommer, mieux vaut préconiser les produits à base de spiruline ou de chlorelle, lesquelles sont cultivées en milieu contrôlé, selon Sébastien Sauvé. « Il faut faire attention aux suppléments qui proviennent du lac Klamath », précise-t-il.