Malgré ce que l’on pourrait croire, la pandémie de COVID-19 a eu un impact limité sur la santé mentale, révèle une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Université McGill. Les scientifiques ont eux-mêmes été surpris par ces résultats.

L’étude « la plus complète du monde »

Les chercheurs de l’Université McGill, avec des collègues d’autres universités canadiennes, ont étudié les symptômes de santé mentale avant et pendant la pandémie. Pour y arriver, ils ont épluché 137 études réalisées dans différentes langues et portant sur 134 cohortes de personnes du monde entier. Selon les scientifiques montréalais, la recherche publiée mercredi dans le British Medical Journal (BMJ) est ainsi la « plus complète au monde sur la santé mentale liée à la COVID-19 ».

Les femmes, un peu plus touchées

Les chercheurs n’ont pas remarqué de changements dans les symptômes de santé mentale ou d’anxiété avant et pendant la pandémie dans la population générale. Les symptômes de dépression ont toutefois empiré, mais de manière « minimale ». En regardant de plus près, les scientifiques ont remarqué que les femmes ont quant à elles vu leurs symptômes de santé mentale générale, d’anxiété et de dépression s’aggraver de manière « minime à faible ».

Pourquoi ?

Brett Thombs, auteur principal de l’étude et professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill, avance l’hypothèse que la charge mentale des femmes s’est accentuée lorsque leurs enfants ont dû rester à la maison à cause de la fermeture des écoles ou quand ils ont été malades. « Aussi, il ne faut pas oublier la crise qui a sévi dans les résidences pour aînés et dans les hôpitaux, ajoute-t-il. Les personnes qui travaillent dans ces endroits, ce sont majoritairement des femmes. Nous n’avons pas pu recueillir beaucoup de données sur les travailleuses de la santé, mais elles ont été soumises à un stress énorme pendant la pandémie », explique celui qui est aussi chercheur principal à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif.

Universitaires et minorités sexuelles

Les symptômes de dépression se sont « aggravés dans des proportions minimes à faibles » chez les adultes plus âgés, les étudiants universitaires et les personnes s’identifiant à une minorité sexuelle ou de genre, révèle également l’étude. Les symptômes de santé mentale générale et d’anxiété sont quant à eux demeurés inchangés chez les étudiants universitaires. Chez les parents, les données tendent à révéler qu’ils ont un peu plus souffert de symptômes de santé mentale générale et d’anxiété pendant la COVID-19, mais les résultats ne sont basés que sur un petit nombre de participants.

Surprise !

Ces résultats ont de quoi surprendre et ils viennent aussi contredire d’autres recherches sur la santé mentale effectuées depuis le début de la pandémie. Le professeur Thombs ne s’en cache pas : son équipe a été surprise par les conclusions de l’étude. « Tout le monde a présumé que la santé mentale avait décliné pendant la pandémie. Mais pour évaluer le changement, il faut connaître l’état de santé des participants avant la pandémie. On ne peut pas juste prendre une photo à un moment précis pendant la COVID-19. C’est le genre d’étude un peu plus compliquée parce qu’il faut traquer les gens depuis un certain temps », explique le professeur Thombs.

« Il existe toutes sortes de cas »

« Ce que ces données nous disent, c’est qu’il faut arrêter de sonner l’alarme concernant une crise en santé mentale liée à la pandémie. Il existe toutes sortes de cas. Certaines personnes ont vécu des expériences terribles durant la pandémie. Mais d’autres ont aussi vu leur qualité de vie et leur situation au travail s’améliorer. Elles ont revu leurs priorités et passent plus de temps en famille », dit M. Thombs. Il insiste tout de même pour que l’offre de services en santé mentale soit revue et améliorée, « parce qu’on faisait déjà un travail lamentable dans ce domaine bien avant la pandémie », se désole-t-il.

Et pas plus de suicides

Même si leurs résultats ont de quoi surprendre, les chercheurs de l’Université McGill affirment qu’ils concordent avec ceux de la plus grande étude sur le suicide pendant la pandémie, publiée dans The Lancet en juillet 2021. Dans ce cas, les chercheurs avaient recensé les cas de suicides dans 21 pays, dont le Canada, entre le 1er janvier 2019 et le 31 juillet 2020. Ils n’avaient trouvé aucune preuve d’une augmentation statistiquement significative, dans aucun pays. Des diminutions statistiquement significatives avaient toutefois été notées dans 12 pays ou régions.