Contrairement aux États-Unis, le Canada n’envisage pas d’imposer des restrictions d’entrée sur son territoire aux voyageurs provenant de Chine, qui fait face à une importante vague de contaminations à la COVID-19.

« On continue d’aviser les voyageurs de prendre des précautions sanitaires spéciales et de suivre les mesures de santé publique à leurs points d’entrée », a déclaré à La Presse Mark Johnson, porte-parole de l’Agence de la santé publique du Canada.

Les États-Unis, le Japon, la Taiwan et l’Italie ont annoncé, mardi et mercredi, imposer de nouvelles restrictions d’entrée sur leur territoire aux voyageurs de Chine, tandis que plusieurs autres pays comme la France envisagent de faire de même.

Dans les dernières semaines, le nombre d’infections a explosé d’un bout à l’autre de la Chine. La politique « zéro COVID-19 » pratiquée par le pays depuis début 2020 a été rapidement démantelée. Admettant qu’il était « impossible » de suivre l’évolution de l’épidémie, le pays a cessé depuis dimanche de publier des données quotidiennes sur la situation sanitaire.

Gare aux variants

L’absence de séquençage des cas de COVID-19 en Chine, permettant d’identifier les nouveaux variants, est préoccupante pour les pays du monde entier, estime Nathalie Grandvaux, chercheuse au Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du CHUM.

Selon elle, le Canada n’a « presque pas le choix » d’imposer de nouvelles restrictions pour les voyageurs de la Chine. Elle suggère des tests obligatoires, afin d’identifier de possibles nouveaux variants.

Je crois qu’il y a une vague énorme en Chine, donc on doit mettre en place des mesures pour savoir si on a des variants qui rentrent avec des tests PCR.

Nathalie Grandvaux, chercheuse au Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du CHUM

Elle soutient qu’après bientôt trois ans de pandémie, la situation épidémiologique au Canada est arrivée « à un équilibre fragile ». « Cet équilibre tient parce qu’on ne fait face qu’à des variants descendant d’Omicron. Si on a un autre variant qui arrive et qui contourne l’immunité vaccinale qu’on a réussi à établir ici, c’est certain qu’on repart [vers une hausse] », dit-elle.

L’Agence de la santé publique du Canada assure pour sa part que le pays continue de « surveiller les signaux de risque accru ou de propagation des variants préoccupants au Canada ».

« Un petit peu hypocrite »

« Avec 1,5 milliard de personnes qui risquent de devenir infectées et de propager le virus », la situation en Chine est préoccupante, juge aussi le DDonald Vinh, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill. Par ailleurs, puisque la Chine retire ses mesures en vrac, le risque de développement de nouveaux variants augmente « de façon très exponentielle », dit-il.

Toutefois, il rappelle que l’apparition de nouveaux variants se produit régulièrement à travers le monde et que de nombreux pays n’appliquent pas de mesures aux frontières pour autant.

Au Canada, on a lentement relâché les mesures et on voit qu’on a des développements de variants ici aussi. Il faut être naïf pour penser que c’est seulement en Chine que ça peut arriver.

Le DDonald Vinh, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill

Les États-Unis ont annoncé mercredi qu’un test COVID-19 négatif sera exigé à partir du 5 janvier pour tous les voyageurs venant en avion de Chine. « On met en place des mesures contre la Chine pour combattre leurs variants, mais à ce jour, on n’a rien entendu des mesures que les États-Unis vont implanter pour combattre leurs propres variants », dit le DVinh, qualifiant leur décision d’un « petit peu hypocrite ».

De son côté, la Dre Caroline Quach, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine et professeure à l’Université de Montréal, « n’est pas convaincue » que les mesures aux frontières vont changer le portrait de la situation. « Probablement que les variants que l’on essaie de freiner sont déjà à nos portes », dit-elle.

Elle admet qu’avec la grande transmission du virus en Chine, « on est beaucoup plus à risque d’avoir un cas qui arrive dans les voyages ». Elle estime toutefois qu’au Québec, « on est relativement bien vacciné et on a une immunité hybride qui devrait nous protéger contre les maladies graves ».

Plusieurs pays envisagent des mesures

Le Japon va également rendre obligatoire le test COVID-19 négatif pour les voyageurs chinois à partir de vendredi, en plus de limiter les vols directs de Hong Kong. Le ministère des Transports de Hong Kong s’est dit « fortement déçu par cette décision hâtive des autorités japonaises pendant la haute saison touristique ».

L’île de Taiwan, que la Chine revendique comme faisant partie de son territoire, a aussi annoncé qu’elle procéderait à des contrôles du virus sur les voyageurs en provenance du continent.

L’Italie envisage des tests obligatoires pour tous les voyageurs venant de Chine, a annoncé mercredi le ministère italien de la Santé. La région de Lombardie, dans le nord du pays, a déjà instauré mercredi cette mesure qui se poursuivra au moins jusqu’au 30 janvier.

De son côté, le président de la France, Emmanuel Macron, a demandé au gouvernement « des mesures adaptées de protection ».

Avec l’Agence France-Presse

Vers une pénurie de produits pharmaceutiques ?

Frappée par une vague inattendue de COVID-19, la Chine manque de médicaments contre la fièvre. Des sociétés pharmaceutiques ont même été réquisitionnées pour répondre à la demande. En Europe, des experts craignent que cette augmentation soudaine des cas ne déséquilibre les réserves de médicaments dans leur pays. Pourrait-on manquer d’analgésiques au Québec ? C’est possible, mais pas à court terme, répond le directeur général de l’Association québécoise des distributeurs en pharmacie, Hugues Mousseau. La Chine est un grand producteur d’ingrédients pharmaceutiques actifs qui servent à la fabrication des médicaments. En cas d’une baisse de l’offre chinoise, les fabricants nord-américains ressentiraient les impacts avant les consommateurs, explique M. Mousseau. Pour l’instant, aucune rupture n’est anticipée dans l’approvisionnement aux pharmacies et aux hôpitaux dans les prochaines semaines. À plus long terme, il est toutefois difficile de prédire les contrecoups de la levée des restrictions sanitaires en Chine, mais les distributeurs surveillent de près la situation, ajoute Hugues Mousseau. Dans le pire scénario, certains produits pourraient être plus difficiles à trouver sur les rayons. « Les distributeurs ont des stratégies d’approvisionnement qui sont éprouvées pour éviter un impact sur les consommateurs », assure M. Mousseau.

Léa Carrier, La Presse