En pénurie grave de gastroentérologues, la région des Laurentides a parrainé il y a un an et demi la Dre Aline LeCleac’h pour que la médecin spécialiste française vienne pratiquer ici. Celle-ci a conclu et réussi un stage d’adaptation à l’automne. Et obtenu son permis de pratique du Collège des médecins. Elle attend toutefois depuis des jours qu’Immigration Canada renouvelle son permis de travail.

En attendant, la gastroentérologue se tourne les pouces dans son appartement. « On nous dit que mon dossier n’a pas encore été numérisé et traité. Le permis de travail que j’ai utilisé durant mon stage est échu depuis le 4 décembre. Donc, j’attends », dit-elle.

Gastroentérologue dans les Laurentides, la Dre Myriam Langlois explique que la région est en manque criant de médecins dans sa spécialité. Ils sont actuellement trois pour couvrir l’hôpital de Saint-Eustache. « On devrait être au moins sept […] On a peut-être la pire liste d’attente au Québec », dit la Dre Langlois.

Jeudi matin, la gastroentérologue voyait dans son bureau des patients qui n’avaient pas vu de gastroentérologue depuis deux ans.

Long parcours

La Dre LeCleac’h avait fait un fellowship en hépatologie au CHUM, entre 2014 et 2016. Elle avait adoré le Québec. Quand elle a été sondée par des collègues des Laurentides, en août 2021, la médecin spécialiste française a donc accepté de venir s’établir ici.

Après des démarches auprès du Collège des médecins, elle a fini par obtenir un stage d’adaptation qu’elle a terminé et réussi à l’hôpital Pierre-Boucher entre septembre et novembre dernier. Pour faire ce stage, elle avait obtenu un permis de travail temporaire de trois mois d’Immigration Canada. Le document est échu depuis le 4 décembre.

En cours de stage, le 22 octobre, la Dre LeCleac’h avait pourtant envoyé à l’avance par la poste sa demande de renouvellement de permis de travail à Immigration Canada, comme on le lui avait suggéré.

L’objectif était d’accélérer le traitement de sa demande lorsque son permis de pratique serait obtenu.

La Dre LeCleac’h finira par apprendre qu’Immigration Canada n’a jamais reçu les documents en question. « Où ont-ils été perdus ? On ne le sait pas. Mais depuis le 4 décembre, elle ne peut pas travailler », constate Luc Désilet, député du Bloc québécois pour la circonscription de Rivière-des-Mille-Îles. Ce dernier est impliqué depuis des semaines dans le dossier. Car la région a « cruellement besoin de gastroentérologues », dit-il.

Le 9 décembre, la Dre LeCleac’h a envoyé de nouveau l’ensemble de son dossier à Immigration Canada pour obtenir son nouveau permis de travail.

Vu l’urgence de la situation, de telles demandes sont normalement traitées en dix jours, explique-t-elle. Mais elle attend toujours.

« Tout ce que je sais, c’est que mon dossier n’a pas encore été numérisé… », dit la Dre LeCleac’h. Celle-ci se dit « inquiète ». Car si, par malheur, un document manque à son dossier de candidature, elle devra l’envoyer de nouveau, et attendre encore plus longtemps.

C’est pour ça que j’avais envoyé le dossier en octobre. Pour prendre de l’avance…

La Dre Aline LeCleac’h

Un « traitement prioritaire »

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) n’a pas voulu commenter ce dossier en particulier. Mais la porte-parole Isabelle Langlois affirme que son organisation a accordé, depuis le début de la pandémie, « la priorité aux demandes des travailleurs des professions essentielles dans le domaine des soins de santé ». « Ce traitement prioritaire reste en place », dit-elle.

Mme Langlois affirme que les délais de traitement des demandes de permis de travail se sont grandement améliorés alors que près de 700 000 de ces permis avaient été traités en date du 30 novembre 2022 contre 223 000 durant la même période en 2019.

Mme Langlois ajoute que le temps nécessaire au traitement d’une demande varie en fonction d’un certain nombre de facteurs, dont « le type de demande présentée, la qualité et la rapidité avec lesquelles les demandeurs répondent aux demandes d’IRCC de fournir des données biométriques (le cas échéant) et des renseignements supplémentaires (y compris des examens médicaux) et la facilité avec laquelle IRCC peut vérifier les renseignements fournis ».

Pour la Dre Langlois, il faut que le dossier se règle rapidement. « On a une médecin spécialiste prête à venir aider. À qui on pourrait donner des heures de clinique dès demain. Mais qui attend dans son appartement. Et pendant ce temps, on a des bris de service dans les Laurentides… Il faut que ça se règle rapidement », martèle-t-elle.

M. Désilet, qui multiplie les appels chaque jour, est d’accord pour dire que le dossier « traîne et c’est frustrant ». « Il devrait y avoir un traitement prioritaire pour ces cas. Parce qu’en attendant, cette médecin ne voit pas de patients », dit-il. Le député dit tout de même avoir « bon espoir » que le tout se règle « rapidement ».

Précision :
La Dre LeCleac'h a effectué un fellowship en hépatologie et non pas en hématologie comme il avait été mentionné dans une version antérieure de cet article. Son stage a été réalisé à l’hôpital Pierre-Boucher et non pas au CHUM. Nos excuses.