(Ottawa) Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a déclaré lundi que son parti était prêt à se retirer de l’« entente de soutien et de confiance » qu’il a signée avec les libéraux s’il n’y a pas de geste fédéral pour résoudre la « crise des soins de santé des enfants canadiens ».

Cette entente prévoit notamment que le Nouveau Parti démocratique (NPD) appuie le gouvernement libéral minoritaire sur des votes clés aux Communes, afin de ne pas provoquer le déclenchement d’élections d’ici 2025. En échange, les libéraux ont promis de faire des progrès sur un certain nombre de priorités néo-démocrates, dont justement les soins de santé.

Bien que certaines conditions de l’accord soient assez précises, comme les soins dentaires, les articles sur les soins de santé en général évoquent simplement des « investissements supplémentaires permanents », mais ne comportent aucun échéancier ou montant précis.

« Si nous ne voyons pas d’action sur les soins de santé, nous nous réservons absolument le droit de retirer notre soutien, a déclaré M. Singh lors d’une conférence de presse lundi à Ottawa.

« C’est une décision qu’on ne prend pas légèrement […] Maintenant, c’est le temps de continuer de mettre de la pression, parce que notre but, c’est de sauver des vies, c’est de sauver notre système de santé, c’est d’aider les travailleurs, c’est d’aider les enfants. »

Lors d’une entrevue de fin d’année avec La Presse Canadienne, plus tard lundi, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré qu’il était prêt et disposé à offrir plus d’argent aux provinces pour les soins de santé, mais il veut s’assurer que le gouvernement verra des améliorations dans le système en conséquence.

Quant à savoir si M. Singh se retirera de l’accord, il dit que la crise des soins de santé est plus importante que tout accord avec le NPD.

« Je pense que si les soins de santé continuent d’être un tel point de crise pour tant de Canadiens, un accord avec le NPD est le cadet de nos soucis », a affirmé M. Trudeau.

« Si nous n’améliorons pas notre système de soins de santé, les Canadiens commenceront à perdre confiance dans notre pays, dans nos institutions, dans notre capacité d’être là les uns pour les autres. »

M. Singh a déclaré qu’il était particulièrement préoccupé par les problèmes « croissants » dans les hôpitaux pour enfants à travers le pays. Il a demandé un débat d’urgence à la Chambre des communes, alors que les hôpitaux pédiatriques font face cet automne à un afflux d’enfants malades.

« Nous sommes à un point de rupture, a déclaré M. Singh. Nos enfants sont en danger en ce moment. »

« Parents et travailleurs désespérés »

Pas plus tard que la semaine dernière, le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, à Ottawa, a fait appel à la Croix-Rouge canadienne pour aider le personnel qui traite un nombre record de bébés et d’enfants atteints de maladies respiratoires.

Pendant ce temps, l’Hôpital pour enfants de l’Alberta, à Calgary, utilise une remorque chauffée comme salle d’attente supplémentaire.

« Au Québec, à Montréal, les travailleurs de la santé – les médecins et les infirmières – ont dit que c’était du jamais vu, la pire qu’ils aient vue dans leur vie, avec des parents et des enfants désespérés, avec des travailleurs de la santé qui sont fatigués », a soutenu M. Singh.

« Le premier ministre manque de leadership, il doit rencontrer les premiers ministres des provinces et trouver des solutions […] au lieu de blâmer les autres premiers ministres », a-t-il dit.

M. Singh a écrit au président de la Chambre pour donner un préavis de la demande de débat d’urgence du NPD, citant plusieurs développements alarmants à travers le pays.

Une note de service de la direction de l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique obtenue par La Presse Canadienne montre que l’hôpital a dû mettre deux patients dans une seule chambre en raison du nombre d’enfants qui ont besoin de soins. Des mesures similaires ont été utilisées dans le passé pendant les mauvaises saisons pour les maladies respiratoires.

M. Singh estime que l’action urgente du gouvernement devrait être éclairée par le débat des parlementaires.

Transfert en matière de santé

La Chambre a été ajournée tôt lundi en raison du décès du député de Winnipeg, Jim Carr, et le président n’a donc pas encore répondu à la demande de débat d’urgence.

M. Singh souhaite que M. Trudeau rencontre les premiers ministres provinciaux et territoriaux pour trouver une solution.

La semaine dernière, les premiers ministres provinciaux ont réitéré publiquement leur demande d’une rencontre avec le premier ministre afin de conclure une entente pour augmenter le financement de leurs systèmes de santé – une demande qu’ils font depuis plus d’un an.

Les premiers ministres ont réitéré leur désir de voir Ottawa couvrir 35 % des coûts des soins de santé à l’échelle du pays, contre 22 % actuellement, en augmentant le Transfert canadien en matière de santé.

Lors de son entrevue avec La Presse Canadienne, M. Trudeau ne s’est pas engagé à rencontrer tous les premiers ministres comme demandé. Il a dit qu’il leur parlait régulièrement des soins de santé et que ses ministres travaillaient également activement sur la question avec leurs homologues provinciaux.

« Je ne pense pas que les gens se soucient de savoir si nous nous asseyons ou non ensemble. Je pense que les gens se soucient de savoir si nous pouvons ou non commencer à réparer notre système de santé, et c’est ce sur quoi je me concentre », a-t-il fait valoir.

Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, a proposé le mois dernier d’augmenter le Transfert canadien en matière de santé aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santé en échange d’un meilleur partage des données entre les provinces et les territoires, mais aucun progrès n’a été réalisé sur la question.

Le chef néo-démocrate a expliqué lundi que les conditions imposées dans l’« entente de soutien et de confiance » sur les soins de santé sont délibérément « flexibles », mais il ne voit pas d’urgence de la part du gouvernement libéral.

« Il ne s’agit pas seulement de transferts en matière de santé : il s’agit d’une crise immédiate qui nécessite une action immédiate – et un premier ministre pour intervenir et faire preuve de leadership. »

Avec des informations d’Ashley Joannou