Devant la hausse considérable du nombre d’enfants gravement malades en raison de la circulation de virus respiratoires, l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) s’est résigné à placer jusqu’à deux patients par chambre dans son unité de soins intensifs, une situation « inédite » pour l’établissement.

Cinq des 12 chambres de l’unité de soins intensifs pédiatriques de l’HME ont en effet été réaménagées pour accueillir deux patients au besoin, du jamais vu pour cet hôpital. En ce moment, une seule chambre abrite deux patients, précise toutefois l’établissement.

« L’HME connaît actuellement un achalandage très important, non seulement pour des consultations [aux urgences], mais aussi parce que se présente un nombre accru de cas plus sévères qui nécessitent une hospitalisation », indique une de ses porte-parole, Christine Bouthillier.

L’hôpital affirme toutefois avoir suivi « un protocole précis en matière de prévention et contrôle des infections », en s’assurant que les deux patients présents dans la même chambre doivent avoir le même virus et ne pas être intubés en même temps.

« Jamais deux patients intubés n’ont été confiés à la même infirmière. […] Les patients les plus malades requièrent deux infirmières ; autrement, le ratio est d’un patient par infirmière, particulièrement s’il est intubé », indique Christine Bouthillier.

Un hiver terrible

« Oui, il y a des risques à le faire, mais les risques sont encore plus grands de ne pas le faire », résume le directeur associé des services professionnels à l’Hôpital de Montréal pour enfants, le DRobert Barnes.

Le débordement des hôpitaux pédiatriques s’explique par le nombre sans précédent de jeunes enfants infectés par des virus respiratoires, une conséquence indirecte des mesures sanitaires adoptées durant la pandémie.

Chaque hiver, nous avons des enfants régulièrement malades, mais en ce moment, nous en avons beaucoup. C’est un hiver terrible, et ce n’est pas encore l’hiver. C’est encore plus tôt que d’habitude et beaucoup plus intense.

Le DRobert Barnes, directeur associé des services professionnels à l’Hôpital de Montréal pour enfants

Comme la situation est « inédite » au HME, « il est donc difficile de prédire combien de temps elle durera », dit l’établissement.

Devant cette situation, l’HME a dû transférer des patients adolescents vers son hôpital pour adultes partenaire, l’hôpital Royal Victoria. Les enfants dont l’état le permet sont également transférés à l’étage des soins intermédiaires, qui déborde toutefois lui aussi.

Si la situation le requiert, l’HME estime qu’il serait en mesure de « bonifier » l’étage de soins intermédiaires afin d’accueillir plus d’enfants exigeant des soins intensifs. L’ouverture d’un espace spécialement voué à ces soins ailleurs dans l’hôpital est aussi envisagée, mais comme le souligne le DRobert Barnes, des enjeux de personnel se posent.

« On n’a pas un nombre illimité non plus de soignants avec ces aptitudes pour [traiter] ces enfants les plus malades. On ne souhaite pas les diviser en deux […]. C’est pour ça qu’en ce moment, on dépasse notre douzaine [de lits en soins intensifs] au même endroit. »

D’autres hôpitaux débordés

Cette situation ne concerne pas uniquement l’HME, indique le DRobert Barnes. « C’est déjà partout au Québec, on n’est pas les seuls du tout. Toutes les unités de soins intensifs en pédiatrie sont achalandées. »

Un réseau a été mis en place à travers les quatre hôpitaux universitaires de la province (il y en a deux à Montréal, un à Québec et un autre à Sherbrooke) afin de déterminer rapidement où doit être envoyé un enfant en situation critique si l’établissement où il se rend en premier lieu est débordé.

Au Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec-Université Laval, le chef du département de pédiatrie, le DMarc-André Dugas, indique qu’on n’a pas encore été obligé de placer deux enfants dans la même chambre dans l’unité de soins intensifs, même si cela s’est déjà fait par le passé. Mais « je ne serais pas étonné que, d’ici ce soir, on soit obligés de le faire », ajoute-t-il.

« C’est un stresseur de plus pour les familles. Quand un des deux enfants va moins bien, c’est des situations qui sont loin d’être idéales », explique-t-il, en ajoutant qu’il est possible de recourir à cette solution seulement pour les poupons, car il n’y a pas suffisamment d’espace pour deux lits pour enfants.

Au CHU Sainte-Justine, où la situation semble mieux maîtrisée, l’espace disponible a permis d’aménager une nouvelle unité de soins pédiatriques temporaire de 8 lits.

L’établissement affirme aussi ne pas encore avoir eu recours au transfert de patients vers des établissements pour adultes.

À Sherbrooke, le département de pédiatrie du CIUSSS de l’Estrie-CHUS déborde lui aussi, indique son directeur le DJean Sébastien Tremblay Roy. En ce moment, il dispose de six lits de soins intensifs, mais le nombre d’enfants qui y sont traités est actuellement de sept et « on se prépare pour en avoir jusqu’à deux fois plus », avertit ce dernier.

Rappelons que la Santé publique du Québec recommande dorénavant aux citoyens de recommencer à porter un masque dans les lieux publics achalandés, dans le contexte où un « trio de virus » respiratoires qui circulent dans la province exerce déjà une pression accrue sur les hôpitaux à l’approche des Fêtes.