La pandémie de grippe aviaire continue de gagner du terrain au Québec. Des cas positifs viennent d’être détectés dans deux fermes de la Montérégie. Cette région compte le plus de producteurs avicoles dans la province et les experts craignent que le virus se propage à vitesse grand V.

« Ce n’est pas une bonne nouvelle, affirme Manon Racicot, vétérinaire-épidémiologiste à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). La Montérégie, c’est la région avec la plus grande densité d’élevages au Québec. Il y a des pondeuses, des reproducteurs, des éleveurs de poulets ou de dindons. C’est très problématique », dit-elle.

Les deux fermes de volailles contaminées, l’une de poulets et l’autre de dindons, se situeraient à proximité l’une de l’autre, près de Granby, mais l’ACIA ignore s’il y a un lien entre les deux éclosions. Des enquêtes épidémiologiques sont en cours.

  • Répartition des éleveurs de poulets au Québec, en 2019

    IMAGE FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION DU QUÉBEC

    Répartition des éleveurs de poulets au Québec, en 2019

  • Répartition territoriale des producteurs d’œufs, en 2019

    IMAGE FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION DU QUÉBEC

    Répartition territoriale des producteurs d’œufs, en 2019

  • Répartition des éleveurs de dindons au Québec, en 2019

    IMAGE FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION DU QUÉBEC

    Répartition des éleveurs de dindons au Québec, en 2019

  • Répartition des éleveurs d’oiseaux fermiers (canards et oies) au Québec, en 2019

    IMAGE FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION DU QUÉBEC

    Répartition des éleveurs d’oiseaux fermiers (canards et oies) au Québec, en 2019

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L’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles s’inquiète également de la progression et de la contagiosité du virus hautement pathogène. Celui-ci est principalement transporté par les oiseaux migrateurs au printemps et à l’automne.

« C’est très préoccupant. Nos producteurs sont sur un pied d’alerte », affirme Paulin Bouchard, président de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA).

Sur les fermes contaminées, il va y avoir de l’abattage et de la décontamination. Et les producteurs aux alentours, ceux dans la zone de risque, ils auront des mesures de sécurité rehaussées pour éviter la propagation.

Paulin Bouchard, président de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles

Depuis le début de l’année, plus de trois millions d’oiseaux ont été abattus dans 94 lieux différents au Canada pour éviter la propagation du H5N1. Dans la province, ce sont plus de 300 000 oiseaux qui ont été euthanasiés. Depuis 2005, au moins 75 pays ont recensé des cas de grippe aviaire.

Éclosion dans un encan

Deux autres lieux – plus petits – ont également été contaminés au Québec dans les derniers jours : un élevage de moins de 300 oiseaux, dans Roussillon, sur la Rive-Sud de Montréal, et un autre endroit qui ne fait pas de vente d’oiseaux, d’œufs ou de viande, dans Drummond, près de Drummondville.

« Ça peut être quelqu’un qui élève un petit troupeau pour sa propre consommation ou encore un zoo, des animaux d’exposition ou un troupeau élevé pour faire de la course. Ce ne sont pas des oiseaux qui rentrent dans la chaîne alimentaire. Ils représentent un très faible risque », explique la Dre Racicot, qui doit garder le lieu confidentiel.

Selon nos informations, le propriétaire d’un de ces deux endroits a acheté des oiseaux infectés dans un encan qui a eu lieu le 24 septembre dernier, dans la municipalité d’Alfred, en Ontario. L’Association interprovinciale des éleveurs d’oiseaux, qui a organisé l’évènement, a fait parvenir une lettre à tous les exposants et aux acheteurs pour les prévenir que des oiseaux ont été contaminés par le H5N1 lors de la vente aux enchères. Elle leur demande de surveiller les symptômes de leurs animaux et de contacter l’ACIA en cas de maladie.

« Un éleveur local a apporté plusieurs oiseaux pour les vendre, mais ceux-ci étaient infectés par le virus. Le hall n’est pas un endroit très grand et le virus semble s’être propagé à tous les oiseaux qui s’y trouvaient », indique la lettre signée par l’association.

L’ACIA confirme que des fermes ont été contaminées lors de la tenue de cet encan.

On a contacté tous ceux qui avaient acheté des oiseaux à cet endroit. Ils ont été dépistés et plusieurs tests sont sortis positifs en Ontario et au Québec. C’est une situation très particulière. On n’avait jamais eu ce genre de cas précédemment.

Manon Racicot, vétérinaire-épidémiologiste à l’Agence canadienne d’inspection des aliments

À noter que la grippe aviaire se transmet rarement des oiseaux aux humains.

Vers une hausse des prix ?

Dans l’ouest du pays, qui est plus fortement frappé par la pandémie, les prix de la dinde ont déjà augmenté en raison du virus. Depuis le début de l’année, ils ont crû de 20 % en Alberta et en Colombie-Britannique comparativement à 16 % pour le reste du pays, selon le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse.

Aux États-Unis, les restaurants de déjeuners sont également affolés par la flambée des prix des œufs, qui ont augmenté de 30 % en un an, selon le département américain de l’Agriculture.

« La grippe aviaire est entrée dans des poulaillers et ç’a eu un impact majeur sur les consommateurs, explique Maurice Doyon, professeur au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval. On parle de plusieurs millions de bêtes qui ont dû être abattues. On parle aussi d’une production qui est extrêmement concentrée. Une seule entreprise aux États-Unis produit plus d’œufs que partout au Canada. »

Mais comme les fermes sont mieux réparties au Québec et que les règles de biosécurité sont strictes, le professeur doute que la grippe aviaire ait un effet sur les prix en épicerie à court terme. « En gros, ça va dépendre de l’ampleur des cas au Québec », note-t-il.

La production de volaille au Québec, en 2019

1 013 producteurs de poulets

247 producteurs de dindons

76 producteurs d’oiseaux fermiers (canards et oies)

989 producteurs d’œufs

Source : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec