(Ottawa) Des experts mettent la touche finale à deux séries de normes nationales pour les foyers de soins de longue durée, et ils se demandent maintenant ce que le gouvernement fédéral entend faire une fois qu’elles seront terminées.

Ces nouvelles « Normes nationales du Canada sur les soins de longue durée » doivent refléter les besoins des résidents, de leurs proches et du personnel des foyers de soins de longue durée au Canada.

Les normes devraient être approuvées ce mois-ci par l’Organisation de normes en santé (HSO) et le Groupe CSA, anciennement l’Association canadienne de normalisation (ACNOR) ; elles seront publiées en décembre.

Le président du comité des soins de longue durée de HSO, le docteur Samir Sinha, indique qu’il a parlé aux ministres fédéraux responsables de ce dossier, qui auraient exprimé leur enthousiasme à propos du travail effectué jusqu’ici. Mais les ministres ne se seraient pas engagés à rendre obligatoires de telles normes tant qu’elles ne seront pas finalisées.

Jane Sustrik se souvient du sentiment de peur qui pesait sur elle au cours des premiers mois de la pandémie.

Des dizaines de résidents du foyer de sa mère à Edmonton sont morts de la COVID-19, alors que Mme Sustrik lisait des rapports sur les conditions épouvantables dans les centres de soins de longue durée à travers le pays et le nombre de résidents victimes du virus.

Mme Sustrik était vice-présidente de l’United Nurses of Alberta avant de quitter son emploi pour s’occuper à plein temps de sa mère dans une résidence. C’était juste avant que la COVID-19 ne frappe.

À l’époque, elle se souvient s’être dit que sa grande peur serait que nous n’apprenions rien de tout cela.

« Je sens maintenant que nous avons beaucoup appris de la COVID, mais nous n’avons rien fait avec », a raconté Mme Sustrik dans une récente entrevue.

Des équipes d’experts travaillent depuis l’année dernière pour élaborer des normes nationales de soins de longue durée afin de refléter ces leçons durement acquises en cas de pandémie et d’offrir aux Canadiens une vie meilleure et plus sûre dans des foyers collectifs.

Le Dr Samir Sinha, qui préside le groupe d’experts de la HSO sur les soins de longue durée, a parlé aux ministres fédéraux sur le dossier et indique qu’ils ont exprimé leur enthousiasme à propos du travail accompli jusqu’à présent, mais ils soutiennent qu’ils imposeront les normes seulement lorsqu’elles seront finalisées.

Les libéraux avaient promis lors de la dernière campagne électorale de légiférer sur la sécurité dans les soins de longue durée. Cette promesse fait aussi partie de l’accord conclu avec les néo-démocrates pour tenter de maintenir au pouvoir le gouvernement libéral minoritaire jusqu’aux élections générales prévues en 2025.

Bien que le gouvernement fédéral ait demandé de nouvelles normes, on ne sait toujours pas comment il compte les mettre en œuvre, puisque les soins de longue durée relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Le premier ministre François Legault, par exemple, répète que le Québec s’attend plutôt à recevoir d’Ottawa des transferts en santé récurrents et prévisibles, sans condition, et non un cahier de normes nationales.

Au cabinet du ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, on a renvoyé les questions à Santé Canada, qui n’a pas voulu préciser si le gouvernement prévoyait déposer un projet de loi à la Chambre des communes cet automne.

« Nous voulons voir des mesures immédiates à ce sujet », a mentionné le chef du Nouveau parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, lors d’une conférence de presse jeudi. « Nous devons voir cette norme de soins être légiférée et nous voulons que cela soit mis en œuvre le plus rapidement possible. »

L’accord entre les deux parties ne comprend pas de calendrier pour la nouvelle législation ni de détails sur ce qu’elle devrait contenir.

Mme Sustrik a déclaré que de meilleures normes sont nécessaires immédiatement. Elle constate que les gens sont déjà devenus complaisants à l’égard des conditions de soins de longue durée, même si les épidémies se poursuivent dans les foyers.

« Nous sommes de nouveau au point où nous étions avant, a-t-elle dit. J’ai l’impression que rien ne s’est passé ». Il est « absolument vital » d’obtenir des normes décentes dans les soins de longue durée, estime Jane Sustrik.

Le docteur Sinha et le président du comité du Groupe CSA, Alex Mihailidis, affirment que les normes seront très similaires aux ébauches publiées plus tôt cette année, avec quelques « ajustements » mineurs.

Le gouvernement a réservé trois milliards de dollars dans le budget de 2021 pour aider les provinces et les territoires à mettre en œuvre les normes lorsqu’elles seront terminées, et Santé Canada a déclaré dans un communiqué que toute législation sera conçue pour refléter la compétence des provinces sur l’industrie.

Les normes portent sur tous les aspects de la vie dans les établissements de soins de longue durée, du contrôle et de la prévention des infections aux conditions de travail du personnel, en passant par les politiques alimentaires et les visiteurs.

Le Groupe CSA a reçu 2000 commentaires sur l’ébauche du projet après sa publication au début de l’année, a fait savoir M. Mihailidis, et la plupart ont renforcé l’approche que le comité adoptait déjà. Il pense que les normes aideront à freiner la transmission de la COVID-19 et d’autres épidémies.