Les 500 000 patients orphelins québécois qui recevront des services au moyen du guichet d’accès à la première ligne (GAP) d’ici 2023 seront retirés des listes d’attente pour avoir accès à un médecin de famille. Une situation qui inquiète certains omnipraticiens qui craignent qu’on ne prive ces patients d’une réelle prise en charge. Au contraire, ces patients « recevront des services de différents professionnels », affirment Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

La dernière entente signée entre Québec et les médecins de famille a été entérinée à 84 % par les membres de la FMOQ la semaine dernière (43 % des membres ont voté). Mais des inquiétudes demeurent chez certains.

L’entente prévoit notamment que 500 000 patients inscrits actuellement au guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) recevront des services d’ici 2023 au moyen du GAP. D’ici le 31 juillet prochain, l’objectif est que les groupes de médecins de famille de la province se soient engagés à offrir 250 000 visites aux patients orphelins grâce au GAP, explique le président de la FMOQ, le DMarc-André Amyot.

Au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, on affirme que « 250 000 Québécois qui n’ont pas de médecin de famille en ce moment seront pris en charge par un groupe de professionnels de la santé, incluant un médecin, d’ici le 31 juillet » et que « plus de la moitié de la liste d’attente sera vidée, au 31 mars 2023 », « c’est énorme ».

Distinguer une visite d’une prise en charge

Membre d’un groupe de médecins de famille de Saint-Jean-sur-Richelieu, la Dre Joëlle Bertrand-Beauvais dit appuyer le GAP, mais estime qu’il faudrait « clarifier ce qu’on entend par “prise en charge” de patients ». Selon elle, il est important de noter la différence entre une visite ponctuelle au moyen du GAP et une réelle prise en charge globale d’un patient.

En appelant au GAP, les patients orphelins pourront obtenir une consultation avec un médecin ou avec un autre professionnel de la santé comme un physiothérapeute ou une infirmière. Ces patients seront retirés du guichet d’accès à un médecin de famille, qui compte actuellement plus de 900 000 personnes en attente.

« Pourquoi on enlève la chance aux patients vus par l’entremise du GAP d’être un jour réellement pris en charge par un médecin de famille en les retirant du GAMF ? », demande la Dre Bertrand-Beauvais.

Selon elle, le risque qu’un patient avec des problèmes de santé multiples ne soit pas entièrement servi par le GAP est réel. La Dre Julie Gagnon et trois autres médecins interrogés par La Presse partagent cette inquiétude. « L’entente devrait parler de visites ponctuelles, et non pas de prise en charge. Et on ne devrait pas retirer ces patients du GAMF », dit la Dre Gagnon.

Certains médecins se demandent aussi ce qu’il adviendra des patients dans deux ans, à la fin de l’entente.

On dirait qu’on fait tout ça rapidement, comme pour vider rapidement le GAMF.

La Dre Joëlle Bertrand-Beauvais

Certains médecins, dont la Dre Gagnon, doutent aussi que les cibles de visites ajoutées soient réalistes. Elle souligne qu’il y a pénurie de médecins de famille au Québec et que ceux en pratique sont déjà débordés.

Mais selon le DAmyot, les cibles sont atteignables. Notamment parce que l’entente vient ajouter de la « pertinence » et répartir les patients entre plusieurs professionnels. Chaque nouveau patient du GAP rapportera une certaine somme aux groupes de médecins qui pourront embaucher des ressources dans leurs cliniques. D’après le DAmyot, il n’y a aucun doute que les patients vus au moyen du GAP pourront bénéficier de suivis. « L’objectif, ce n’est pas de sortir les patients des listes, c’est de leur donner des services », dit-il.

Le DAmyot précise que l’entente est un premier pas vers une rémunération par capitation, soit essentiellement pour une prise en charge de patients en groupe. « D’ici deux ans, on va négocier la capitation, dit-il […]. Est-ce que l’entente est parfaite ? Non. Mais est-ce qu’on peut lui donner une chance ? » Au cabinet du ministre Christian Dubé, on souligne que « quelques modalités [de l’entente avec la FMOQ] sont toujours en discussion » et que l’entente sera rendue publique lorsque conclue.