(Montréal) Le nombre d’hospitalisations de jeunes femmes pour des troubles alimentaires a bondi depuis le début de la pandémie, révèle un rapport rendu public jeudi par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).

Les données de l’ICIS témoignent ainsi d’une hausse de près de 60 %, depuis le mois de mars 2020, des hospitalisations de jeunes femmes âgées de 10 à 17 ans pour des troubles alimentaires.

Le nombre de ces hospitalisations par 100 000 habitants est passé d’environ 52 en 2019-2020 à 82 en 2020-2021. Au même moment, on constatait plutôt au sein du reste de la population, à l’échelle du pays, une baisse générale du nombre d’hospitalisations et de visites à l’urgence pour la plupart des autres problèmes de santé.

« Ce n’est que la pointe de l’iceberg, a prévenu Tracy Johnson, qui est directrice, Analytique du système de santé, à l’ICIS. Il y a seulement les plus malades des enfants malades qui sont admis (à l’hôpital) pour un trouble alimentaire. »

Les professionnels de la santé admettent qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour hospitaliser tous les enfants qui le seraient normalement pour un trouble alimentaire, ce qui signifie que plusieurs sont maintenant suivis à la maison, a-t-elle ajouté.

Et personne ne semble vraiment comprendre ce qui se passe, a dit Mme Johnson.

Nous avons beaucoup posé la question. Les données montrent systématiquement que tous les Canadiens, dans tous les groupes d’âge, ont affronté des difficultés de santé mentale pendant (la pandémie), et on dirait que les troubles alimentaires sont en quelque sorte un indicateur pour les enfants, mais personne ne peut nous expliquer pourquoi.

Tracy Johnson, directrice, Analytique du système de santé, à l’ICIS

Des facteurs comme l’isolement social, l’absence de programmes d’encouragement à une saine alimentation et la disparition des activités scolaires pendant la pandémie sont mis en cause, mais ce ne sont que des hypothèses.

Les jeunes femmes âgées de 15 à 17 ans étaient deux fois plus susceptibles d’être hospitalisées pour un trouble alimentaire que les jeunes hommes.

Cela s’inscrit dans le cadre de l’impact qu’a eu la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des enfants et des jeunes, a dit l’ICIS, qui estime que « la flambée des hospitalisations chez les jeunes en raison de troubles alimentaires observée durant la pandémie est frappante et préoccupante ».

Mieux nantis, moins bien nantis

Les données de l’ICIS montrent que les jeunes des quartiers défavorisés étaient plus susceptibles d’être hospitalisés et de visiter l’urgence en raison de troubles de santé mentale que ceux des quartiers mieux nantis.

À l’inverse, au chapitre des soins hospitaliers dispensés aux jeunes en raison de troubles alimentaires, le nombre d’hospitalisations chez les jeunes de quartiers plus aisés était deux fois plus élevé que celui chez les jeunes de quartiers défavorisés.

« Ce qu’on voit ici, c’est peut-être que vous avez moins accès aux soins si vous êtes moins bien nantis, a dit Mme Johnson. Ça pourrait très bien être davantage une question d’accès aux soins qu’une question de prévalence de la maladie. »

Les professionnels de la santé martèlent l’importance d’une identification la plus rapide possible, puisqu’une intervention pendant les deux premières années se traduit par un taux de succès de 90 % pour libérer les jeunes de leurs troubles alimentaires.

L’ICIS espère que la publication de ces données étalera au grand jour non seulement l’existence du problème, mais aussi son ampleur, menant à une plus grande vigilance de la part des adultes qui entourent les jeunes.

« Dépendant du type de trouble alimentaire, les jeunes peuvent le cacher, a rappelé en terminant Tracy Johnson. Mais une hypervigilance des jeunes au sujet de l’alimentation et de l’activité physique peut devenir plus évidente quand on y pense bien. »