(Québec) Le gouvernement Legault assouplit quelque peu les mesures qui encadrent les visites dans les milieux de vie pour aînés, comme les CHSLD. Mais pour des familles d’usagers, qui vivent des moments de détresse, Québec doit ouvrir de façon sûre l’accès à davantage de visiteurs plus tôt que tard.

La ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a annoncé mercredi « des ajustements [qui] permettront à un plus grand nombre de personnes proches aidantes d’avoir accès, dès le 21 mai, aux différents milieux de vie pour aînés et pour clientèles ayant des besoins spécifiques ».

Plus précisément, « les milieux de vie doivent demander aux résidants, aux usagers ou à leur représentant d’identifier un maximum de quatre personnes proches aidantes pouvant avoir accès à l’intérieur du milieu de vie ». À ce jour, rappelle le gouvernement, « deux personnes [seulement] pouvaient être inscrites sur cette liste ».

Ces nouvelles mesures, qui diffèrent d’un palier d’alerte à l’autre, prévoient aussi des assouplissements pour des visites à l’extérieur (voir encadré).

Élargir les accommodements « humanitaires »

Ces nouvelles mesures ont été accueillies mercredi avec prudence par les proches aidants et les familles d’aînés vivant en milieu de vie. C’est le cas entre autres de Jocelyn Caron, dont la mère de 65 ans, souffrant d’alzheimer, a été placée en CHSLD en juin 2020. Il plaide pour une plus grande ouverture aux visites.

Le plus grand rêve de sa mère, a-t-il raconté à La Presse, était de devenir grand-mère. Son petit-fils, Arnaud, est né le 31 août dernier. La dame n’a jamais pu le voir, même si chaque jour qui passe l’éloigne un peu plus d’un état de conscience.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Jocelyn Caron et son fils Arnaud Caron, né le 31 août 2020

Comme je ne suis pas aidant naturel, parce que je n’ai pas la même disponibilité que mon père et ma tante, je n’ai jamais eu le droit d’aller la voir avec Arnaud.

Jocelyn Caron

« Ma mère est en route vers le stade ultime [de la maladie]. Elle a des moments de lucidité relatifs, mais l’alzheimer a attaqué sa vue. Faire du FaceTime, ça marche parce qu’elle entend ma voix, elle entend qu’il y a un enfant, mais ce n’est pas pareil que de la voir », a-t-il ajouté.

Évaluer le niveau de risque

M. Caron, qui est un militant actif du Parti québécois, jure que son témoignage n’est pas motivé par la politique. Son parti n’est pas au courant de ses démarches. « Je n’en ai jamais parlé avant maintenant. Je pense que si j’avais pu aller la voir une fois, je n’en parlerais pas. Mais je n’ai pas pu le faire. Arnaud a 8 mois. Il n’est plus un bébé naissant. Il y a une notion de temps qui passe et qui est irréversible », a-t-il expliqué.

En ce moment, si une personne est en fin de vie, les proches peuvent aller la voir. Ma mère n’est pas en fin de vie physiquement, mais elle est en fin de vie avec la réalité. Elle quitte notre monde présentement. Les moments qu’on a avec elle, c’est maintenant. Pas au seuil de son décès physique.

Jocelyn Caron

Les milieux de vie pour aînés, durement touchés au début de la pandémie, sont sous le couvert de mesures strictes depuis maintenant des mois, alors que les visites sont sévèrement limitées. Selon les données les plus récentes de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), un peu moins de 50 % des décès causés par la COVID-19 ont été enregistrés dans un CHSLD.

À ce jour, « la deuxième dose du vaccin contre la COVID-19 a maintenant été administrée dans les CHSLD du Québec », rappelle le gouvernement, alors que « l’administration de la deuxième dose dans les autres milieux de vie se poursuit et s’accélérera au cours des prochaines semaines ».

« Ça crée de la détresse »

Le directeur général par intérim du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU), Marc Rochefort, salue « l’étape importante » qu’a franchie le gouvernement mercredi. Mais selon lui, « il faut s’assurer d’un peu de souplesse pour favoriser l’accès des visiteurs de façon plus large ».

« C’était pensable de limiter les visites pour quelques semaines ou pour quelques mois, mais quand on connaît le profil des personnes qu’on retrouve en soins de longue durée, des aînés qui ont plusieurs enfants, la directive [sur les proches aidants] entraîne une discrimination », a-t-il déploré.

« Ça crée de la détresse, pas juste chez les usagers, mais chez les personnes proches aidantes qui ne sont pas inscrites au registre. Par exemple, si une dame a 10 enfants, mais que seulement 2 ont accès au CHSLD, les autres se sentent exclus, marginalisés. Ça crée des frictions au sein même des familles », a affirmé M. Rochefort.

Nouvelles mesures d’accès aux milieux de vie pour aînés

Dès le 21 mai, au palier d’alerte maximale (rouge) :

– Maximum d’une personne proche aidante à la fois, pour un maximum de deux personnes proches aidantes par jour, à l’intérieur du milieu de vie (chambre)

– Maximum de trois proches aidants à l’extérieur

Au palier d’alerte (orange) :

– Maximum d’une personne proche aidante à la fois, pour un maximum de trois personnes proches aidantes par jour, à l’intérieur du milieu de vie (chambre)

– Maximum de cinq visiteurs à l’extérieur

Au palier de préalerte (jaune) :

– Maximum de deux personnes proches aidantes à la fois, pour un maximum de quatre personnes proches aidantes par jour, à l’intérieur du milieu de vie (chambre)

– Maximum de cinq visiteurs à l’extérieur

Source : cabinet de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants