Ils n’ont pas visité Wuhan, ni la province de Hubei ou ses environs. Ils n’ont pas été en contact avec des personnes malades et ne ressentent eux-mêmes aucun symptôme de la grippe.

Toutefois, pour être certains à 100 % de ne pas porter le coronavirus, de nombreux Québécois d’origine chinoise qui rentrent d’un séjour en Chine ont décidé, avec le soutien logistique de leur famille, de s’imposer volontairement une quarantaine de 14 jours, soit la période d’incubation du virus.

« On veut être plus sûrs que sûrs », explique Fenny Zeheng, une Québécoise qui habite Sherbrooke.

Rencontrée par La Presse mercredi midi à l’aéroport Montréal-Trudeau, Mme Zeheng attendait l’arrivée de son père, qui rentrait sur un vol d’Air China d’un séjour d’un mois et demi en Chine, dans la province côtière de Fujian.

La province de Fujian compte 341 cas d’infection au coronavirus, mais aucun décès. Plus de 38 millions de personnes y habitent.

Mon père n’a absolument aucun symptôme, mais on ne veut pas prendre de risque.

Fenny Zeheng

« Il va loger dans l’appartement de mon frère à Sherbrooke pendant deux semaines, explique Mme Zeheng. Il va avoir sa propre chambre, et nous allons lui apporter ses repas dans sa chambre. L’appartement est déjà prêt à l’accueillir. »

C’est son frère qui a eu l’idée de mettre sur pied la quarantaine improvisée, et toute la famille a accepté, dit-elle. « Mon frère travaille tout le temps et n’est pratiquement jamais là, alors on a décidé de loger mon père chez lui. On a tout nettoyé, tout est aseptisé. »

Maggie, une Montréalaise de 29 ans de l’arrondissement de Saint-Laurent, était elle aussi venue chercher son père mercredi. Son père avait séjourné à Pékin, la ville la plus peuplée de Chine après Shanghai. Pékin compte 22 millions d’habitants, et 253 cas de coronavirus y ont été rapportés, dont un mortel.

Son retour au pays ne passe pas inaperçu : tout un plan a été mis en place par sa famille et ses amis pour les deux prochaines semaines, dit-elle.

« Mon père va avoir la maison à lui tout seul, nous allons vivre temporairement chez des amis. Toute la famille s’est organisée pour lui apporter de la nourriture à tour de rôle. Il n’aura pas grand-chose à faire, il aura la télé, et nous allons lui laisser le chien pour qu’il ait de la compagnie. »

Selon elle, ces initiatives spontanées ne sont pas exceptionnelles : plusieurs personnes de son entourage font de même.

« Tous mes amis qui ont de la famille qui revient de Chine le font. On sent qu’il y a de la solidarité, que les gens s’entraident. Ce n’est pas parce qu’officiellement, il n’est pas nécessaire de faire une quarantaine que les gens ne prennent pas leurs propres initiatives. C’est la moindre des choses. »

Appel au calme

La classe politique québécoise a lancé un appel au calme, mercredi, en réaction aux gestes de racisme et d’intolérance qui se multiplient dans la province en marge de la crise du coronavirus.

Le premier ministre François Legault a rappelé que « les personnes d’origine asiatique ne sont pas plus à risque que les autres personnes » et qu’il n’y a « aucune inquiétude à y avoir envers les communautés asiatiques ». Un suivi est aussi fait auprès de ceux qui ont visité les régions de la Chine où le virus prolifère, a-t-il dit.

M. Legault a ajouté que « ça fait partie de notre responsabilité commune d’expliquer aux Québécois qu’il n’y a pas de risques à avoir, il n’y a pas plus de risques avec les personnes asiatiques qu’avec les autres personnes ».

Le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a déclaré que de tels gestes sont « inacceptables. […] Ça veut dire que ça existe, cette peur et cette ignorance, et il faut la combattre par l’éducation. » Il a aussi demandé à la population de « se fier aux informations des autorités compétentes sur cet enjeu-là ».

Le Service de police de l’agglomération de Longueuil et quelques conseils scolaires de la Rive-Sud de Montréal ont récemment envoyé aux parents une lettre les mettant en garde contre le racisme et l’intimidation alimentés par la désinformation au sujet du coronavirus.

— Avec La Presse canadienne