Selon la première étude universitaire sur le sujet, manger en suivant le nouveau Guide alimentaire canadien coûte légèrement moins cher qu'en suivant l'ancien... pour l'instant.

1,98 $. C'est la somme qu'une famille de quatre personnes peut épargner en moyenne chaque jour en suivant le nouveau Guide alimentaire canadien plutôt qu'en respectant les recommandations du guide de 2007. Voilà la conclusion d'une équipe de sept chercheurs de l'Université Dalhousie et de l'Université de Guelph, les premiers à mener une étude comparative sur le coût de l'alimentation selon qu'on suit l'une ou l'autre des moutures du guide.

Pour déterminer laquelle de ces deux manières de s'alimenter coûte le moins cher, les chercheurs ont inventé une famille fictive composée d'une femme et d'un homme âgés de moins de 50 ans, d'un adolescent ayant entre 14 et 18 ans et d'une fille ayant entre 9 et 13 ans.

Si elle voulait suivre les recommandations du Guide alimentaire canadien de 2007 aujourd'hui, cette famille imaginaire devrait débourser 28,91 $ par jour, alors que suivre celles du guide de 2019 lui coûterait quotidiennement 26,93 $. Une différence de 6,8%. Cette famille devrait en revanche cuisiner tous ses repas et éviter le gaspillage alimentaire.

«En ce moment, toutes choses étant égales, il y a des économies à faire en suivant le nouveau guide, mais il est possible que ça ne dure pas», précise Sylvain Charlebois, auteur principal de l'étude, dont les résultats seront rendus publics aujourd'hui. 

«On estime qu'en 2021 ou en 2022, les deux guides pourraient coûter à peu près la même chose, étant donné qu'il pourrait y avoir une rareté au niveau des fruits et légumes et du fait que le prix des protéines végétales pourrait augmenter. C'est le hic.»

Lancé à la fin du mois de janvier, le nouveau Guide alimentaire canadien a abandonné le fameux concept de l'arc-en-ciel qui représentait quatre groupes alimentaires : légumes et fruits, lait et substituts, viandes et substituts, produits céréaliers. Le concept des portions quotidiennes a été écarté pour faire place à celui des proportions.

Le nouvel outil visuel proposé par Santé Canada est celui d'une assiette qui montre que les fruits et légumes devraient occuper la moitié du couvert, tandis que les sources de grains entiers devraient en garnir le quart, tout comme les aliments protéinés. Exit le groupe alimentaire des produits laitiers, bonjour les protéines d'origine végétale.

À la sortie du nouveau guide, qui a fait grand bruit, plusieurs experts se sont demandé si le fait d'avoir tant de fruits et légumes dans l'assiette allait faire grimper la facture d'épicerie des Canadiens. D'autres observateurs se sont demandé si le nouveau guide excluait les familles à faibles revenus.

1000 canadiens sondés

Pour y voir plus clair, les chercheurs de Dalhousie et de Guelph ont sondé plus de 1000 Canadiens pour savoir quels aspects pourraient les empêcher de suivre les lignes directrices de Santé Canada. Près de 26,5% des répondants ont indiqué que les recommandations n'étaient pas abordables. Il s'agit du principal obstacle. Seulement 9,5 % des répondants estiment que le fait de suivre les recommandations demande trop de temps.

La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, qui a lancé le nouveau guide en grande pompe au marché Jean-Talon, à Montréal, à la fin janvier, se réjouit de constater que les recommandations qu'il contient sont aussi abordables que celles de l'ancien. C'est d'ailleurs lors d'une conversation avec la ministre, croisée à l'aéroport Montréal-Trudeau après le lancement du guide, que Sylvain Charlebois a eu l'idée de mener cette étude.

«Ce sont de bonnes nouvelles, je ne le cache pas. J'étais curieuse de connaître les résultats. Cela dit, les nutritionnistes qui ont travaillé sur le guide ont vraiment mis leurs efforts pour s'assurer qu'il y aurait une variété d'aliments qui seraient disponibles pour tout le monde.»

La révision du Guide alimentaire canadien visait avant tout à faire correspondre les recommandations nutritionnelles et les données probantes de la science. Des options plus économiques comme des légumes en conserve et des légumes surgelés ont cependant été inclus dans l'image de l'assiette qui résume le nouveau guide, souligne la ministre. (Fait à noter, à l'exception des tomates en conserve, l'étude sur le coût des guides a seulement utilisé des fruits et légumes frais.)

«On voulait être sensibles aux gens qui sont plus vulnérables pour s'assurer qu'on a un guide alimentaire qui va répondre aux besoins de tous les Canadiens, pas seulement les mieux nantis, mais ceux de toutes les classes sociales», ajoute la ministre, travailleuse sociale de formation.

Elle affirme que l'ancien guide a été téléchargé par 175 000 Canadiens. «En 2019, en seulement six semaines, 160 000 copies ont été téléchargées. C'est quand même impressionnant», souligne Mme Petitpas Taylor.

La nutritionniste Catherine Lefebvre affirme pour sa part qu'elle n'a pas été surprise par les résultats de cet exercice. «Si on mise davantage sur les protéines végétales, si on cuisine davantage et qu'on délaisse les aliments ultratransformés, inévitablement ça peut juste nous faire économiser», dit-elle.

Cette dernière a d'ailleurs déjà fait le calcul des économies qu'une famille pouvait faire en remplaçant par exemple cinq soupers qui contiennent de la viande hachée ou du poulet par des légumineuses. «Ça représentait des économies de 2400 $ par année. C'est énorme!»

MÉTHODOLOGIE

Les auteurs de l'étude l'admettent d'emblée, comparer les coûts des deux guides a été un exercice difficile à faire, tant ils sont différents. Les chercheurs ont d'abord créé une assiette selon le concept des portions du guide de 2007 pour chaque membre de la famille.

Le prix moyen des aliments a été fixé selon leur coût au mois de mai 2018. Pourquoi le mois de mai? Parce que c'est un moment où les prix des légumes connaissaient moins de volatilité. La simulation a aussi été effectuée au mois de décembre 2018, pour voir si les résultats changeaient à l'hiver. Ici aussi, manger selon le nouveau guide était légèrement moins onéreux.

Le coût moyen des aliments a été fixé selon une moyenne de prix de plusieurs produits pour un poids donné. Par exemple, le coût pour la catégorie «fruits et légumes» a été fixé selon le prix moyen des pommes, des bananes, des oranges, des oignons, des carottes, des champignons, des pommes de terre, des tomates en conserve et, pour la version du guide de 2007, du jus de pomme et du jus d'orange. (Le guide de 2019 déconseille les jus.)

Les mêmes aliments ont ensuite été redistribués dans l'assiette selon le concept des proportions du nouveau guide.

EN CHIFFRES

202,37 $ : Prix du panier d'épicerie d'une famille de quatre personnes qui suivrait le Guide alimentaire canadien de 2007

188,51 $ : Prix du panier d'épicerie d'une famille de quatre personnes qui suivrait le Guide alimentaire canadien de 2019. (Selon les prix des denrées de mai 2017)

92% des Canadiens connaissent l'existence du Guide alimentaire canadien.

74% des Canadiens savent qu'un nouveau guide vient d'être publié par Santé Canada.

30% des Canadiens ont consulté le guide au cours des 12 derniers mois afin d'obtenir des conseils pour une alimentation saine.