N'en déplaise à François Legault, l'étude comparative sur la rémunération des médecins spécialistes a bien débuté, a assuré Gaétan Barrette, jeudi. Et son mandat sera plus large que ce qui avait été annoncé, ce qui pourrait constituer un avantage pour les spécialistes, selon l'ex-ministre de la Santé.

Mercredi, le premier ministre a annoncé que le salaire des spécialistes sera gelé jusqu'à ce qu'une nouvelle entente soit conclue avec leur syndicat. Les sommes en question, dont le montant n'a pas été précisé, seront «mises en fiducie», a précisé M. Legault.

Il a également fait état d'une «mauvaise surprise»: une étude comparative sur la rémunération des spécialistes, annoncée par le gouvernement libéral, n'avait pas encore débuté, a-t-il dit.

L'ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a contredit cette affirmation en marge d'une réunion des députés de son parti jeudi.

«Les travaux ont toujours été en cours et ils sont en cours au moment où on se parle, a assuré M. Barrette. Je pense que des travaux préparatoires doivent être faits.»

Il a révélé de nouveaux détails sur cette étude de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS). Elle ne visera pas seulement à comparer la rémunération des spécialistes québécois avec leurs homologues ontariens, mais bien avec ceux de l'ensemble du Canada.

M. Barrette a attribué cette décision à Roberto Iglesias, que Philippe Couillard a désigné pour négocier avec les spécialistes l'an dernier.

L'ex-ministre a convenu que cette formule pourrait avantager les médecins, car les spécialistes gagnent davantage dans les provinces de l'Ouest.

«La FMSQ a toujours voulu ne pas seulement tenir compte de l'Ontario comme point de comparaison, a affirmé M. Barrette. Elle voulait inclure les provinces ou les honoraires étaient plus élevés. C'était à leur avantage.»

Au final, il ne croit pas que la formule retenue fera pencher la balance en faveur des spécialistes, car c'est en Ontario que ces médecins se trouvent en plus grand nombre.

«Au bout de la ligne, on a rajouté le Canada. Mais ça ne fait pas de différence pour ce qui est de la mécanique de l'entente», a dit M. Barrette.

Dans un communiqué diffusé mercredi soir, la FMSQ signalait que «de nombreuses rencontres se sont tenues» au sujet de l'étude «entre la FMSQ, le Conseil du trésor, le ministère de la Santé et des Services sociaux et l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), au cours des derniers mois. L'une d'elles s'est déroulée mardi et une autre est à l'agenda pour le 5 novembre prochain. Il est important de spécifier que la tenue des élections générales au Québec a ralenti le processus en cours. Il faut ajouter que l'étude comparative sur la rémunération des médecins, prévoit qu'elle portera sur l'ensemble du pays». Le premier ministre François Legault disait qu'aucun mandat n'avait encore été donné à l'ICIS, que «les libéraux n'ont pas réussi à s'entendre (avec la FMSQ) sur les devis, sur les mandats à donner à l'ICIS pour faire l'analyse comparative».

Services

Le chef par intérim du Parti libéral, Pierre Arcand, s'est inquiété du gel du salaire des spécialistes annoncé par M. Legault. Selon lui, cette stratégie pourrait mettre en péril les soins de santé en région.

Dans un communiqué publié peu après l'annonce du premier ministre, la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) a affirmé qu'aucune hausse de rémunération ne doit être versée à ses membres avant 2023. «Seules des sommes destinées à la gestion du réseau ou à des services directs aux citoyens, comme le déploiement de plans de couverture dans les spécialités de base, demeurent à être versées», a précisé le syndicat.

M. Arcand a fait écho à cet argument jeudi.

«Si le gouvernement dit qu'on va geler complètement et qu'il y a une entente qui dit que pour des services supplémentaires en région, les médecins vont recevoir quelque chose, vous comprenez qu'il y a un problème majeur», a-t-il déploré.

«Est-ce que quelqu'un qui a besoin d'un anesthésiste à La Pocatière, est-ce que ça veut dire que cette personne-là ne sera pas desservie par le gouvernement?» a-t-il demandé.

De son côté, le porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Sylvain Gaudreault, s'oppose à ce que le gouvernement Legault place les hausses de rémunération à venir dans un compte en fiducie. Cet argent doit plutôt être investi dans des services à la population selon lui.

«On est d'accord avec le gel, c'est d'ailleurs ce qu'on a dit en campagne électorale, mais ce n'était pas pour les spécialistes, c'était pour les omnipraticiens aussi», a-t-il souligné. Mais en plaçant l'argent en fiducie, «c'est comme si François Legault garde la porte ouverte à leur retourner cette hausse» éventuellement.

Le député de Jonquière juge «inutile» l'étude comparative. «À partir du moment où tu reconnais que la hausse accordée aux médecins est indécente, on n'a pas plus besoin de se comparer: on gèle et on met l'argent tout de suite dans les services aux citoyens.»

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse