La pénurie de personnel est telle que le réseau de la santé n'a pas encore terminé les 1300 embauches promises il y a plus d'un an pour les centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Et le recrutement commence à peine pour trouver les 600 préposés aux bénéficiaires supplémentaires annoncés en septembre pour offrir un deuxième bain aux résidants.

Dans un cri du coeur sur Facebook la semaine dernière, l'infirmière Émilie Ricard a décrit la surcharge de travail du personnel des CHSLD. Québec a promis des renforts dans les derniers mois, mais le recrutement s'avère difficile.

En novembre 2016, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a annoncé l'ajout de 1300 travailleurs supplémentaires dans les CHSLD, surtout des préposés aux bénéficiaires, mais aussi des infirmières. Ils ne sont pas encore tous à l'oeuvre un an plus tard. Ce sont 1005 personnes qui ont été embauchées à ce jour, selon les plus récentes données du ministère de la Santé. 

En septembre, nouvelle annonce : Gaétan Barrette a promis l'embauche de 600 préposés aux bénéficiaires afin d'offrir un deuxième bain par semaine aux personnes hébergées en CHSLD. Or, le recrutement ne fait que commencer.

Selon son ministère, les établissements s'affairaient à « implanter les préalables pour l'application de cette mesure » lors de la dernière collecte d'informations réalisée en novembre. 

« Les établissements doivent évaluer l'autonomie, les besoins et désirs des résidants pour avoir un deuxième bain ou douche, assurer une disponibilité du personnel requis, s'assurer d'avoir les lieux physiques et les équipements nécessaires. Certains établissements ont planifié des travaux pour adapter les lieux ou se procurer du matériel supplémentaire », explique une porte-parole, Noémie Vanheuverzwijn. Il est donc difficile de déterminer quand les 600 préposés seront en poste. C'est sans compter les postes déjà existants, mais vacants que l'on peine à pourvoir.

« ON EST SURCHARGÉS D'OUVRAGE »

La pénurie de personnel s'explique par les conditions de travail difficiles, selon des représentants de préposés aux bénéficiaires.

« Ce n'est pas facile [de pourvoir] les postes parce que, de un, les horaires ne sont pas très attrayants. C'est souvent des horaires de 1 h à 9 h, 11 h à 7 h, 10 h à 6 h. De deux, on est surchargés d'ouvrage, et chaque fois qu'on demande des jours de congé, c'est refusé », affirme Frédéric Brisson, président du Conseil provincial des affaires sociales du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), affilié à la FTQ.

Lorsque des préposés ne se présentent pas au travail, « les établissements ne les remplacent pas », raconte Michel Lemelin, président de la Fédération des préposés aux bénéficiaires du Québec. Par conséquent, les ratios sont en hausse. Au lieu d'un préposé pour huit patients, on se retrouve à un pour douze, par exemple. 

« Il y a beaucoup de préposés qui me disent : on est débordés, on manque de monde. »

La clientèle ne cesse de s'alourdir dans les CHSLD. Les places sont réservées aux personnes qui sont en lourde perte d'autonomie et qui nécessitent au moins trois heures de soins par jour. 

Le groupe des résidants de CHSLD âgés de 90 ans et plus est celui dont la proportion a le plus augmenté au cours des dernières années, passant de 19,4 % en 2009-2010 à 23,9 % en 2016-2017, selon le dernier bulletin d'information du Commissaire à la santé et au bien-être publié en décembre. « La perception selon laquelle les résidants en CHSLD sont de plus en plus âgés et en perte d'autonomie de plus en plus sévère est donc avérée », ajoute l'organisme, qui vient d'être aboli par Gaétan Barrette.

« CIRCONSTANCIEL »

Le manque de préposés aux bénéficiaires se fait également sentir dans les hôpitaux, dénonce le syndicat qui les représente à l'Hôpital de Verdun.

« Vendredi, dans certains départements, il manquait 25 % du personnel pour l'ensemble de la journée », dénonce Alain Croteau, président du syndicat. Les préposés, comme les infirmières, sont aussi exposés à la pression de faire des heures supplémentaires obligatoires.

Selon M. Croteau, des agences de personnel regorgent de travailleurs qualifiés qui ne demandent qu'à être intégrés au réseau. Or, l'une d'elles consultée par La Presse a confirmé qu'il est difficile de trouver des préposés en raison des conditions de travail. Devant le manque de personnel disponible, des établissements ont créé une formation accélérée de préposé aux bénéficiaires pour combler rapidement les besoins.

Gaétan Barrette se trouvait hier à deux pas de l'Hôpital de Verdun, pour une conférence de presse annonçant l'octroi, au cours des prochains mois, de 6600 tablettes aux équipes qui travaillent dans les soins à domicile.

En marge de l'événement, le ministre a reconnu qu'il manque de préposés aux bénéficiaires aux quatre coins de la province. Dans une région qu'il n'a pas identifiée, « il y a 300 embauches potentielles », mais « on reçoit 40 CV », a-t-il dit.

À son avis, le problème est « circonstanciel », purement lié à « la situation de plein emploi que vit le Québec ». La difficulté de recruter du personnel, notamment des préposés aux bénéficiaires, « devient un enjeu extrêmement important » et « j'y reviendrai dans les prochaines semaines », a-t-il signalé.