Le gouvernement Harper envisage de contester la loi «Mourir dans la dignité», adoptée par l'Assemblée nationale cette semaine. Il est d'ailleurs pressé de le faire par des groupes associés à la droite morale, qui constituent une clientèle importante du Parti conservateur.

La loi permet aux malades en phase terminale d'obtenir, dans certaines circonstances, l'aide d'un médecin pour abréger leurs souffrances. Or, le Code criminel, qui relève du gouvernement fédéral, interdit l'euthanasie et le suicide assisté.

Voilà pourquoi le ministre de la Justice Peter MacKay étudie ses options.

«Comme nous le faisons avec toutes les lois, nous prendrons le temps de la réviser», a indiqué par courriel sa porte-parole, Paloma Aguilar.

Elle donne toutefois un indice quant aux intentions du ministre en rappelant qu'Ottawa a défendu la loi qui interdit l'euthanasie et le suicide assisté devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, l'an dernier. Ce tribunal lui a donné raison et l'affaire, portée par les plaignants Lee Carter et Hollis Johnson, est maintenant devant la Cour suprême.

«Le gouvernement du Canada a fourni sa position quant aux raisons pour lesquelles l'interdiction de l'euthanasie et du suicide assisté est constitutionnelle», a indiqué Mme Aguilar.

Une «pente savonneuse»

Le projet de loi 52 a été adopté jeudi au terme d'un long processus de consultation sous les gouvernements libéral et péquiste. Les débats ont été suivis de près à l'extérieur du Québec, où plusieurs groupes associés à la droite morale craignent qu'il ne s'agisse d'une manière détournée de légaliser l'euthanasie.

«Nous sommes engagés sur une pente savonneuse», estime Natalie Sonnen, directrice de l'organisme Vie Canada, établi à Ottawa.

Elle craint que le gouvernement fédéral n'ait pas la volonté d'affronter le gouvernement du Québec sur cette délicate question.

Ses membres sont donc encouragés à écrire à leur député fédéral depuis plusieurs mois. Une pétition sera bientôt lancée pour augmenter la pression sur les élus fédéraux.

«Vous commencez avec une litanie de balises et une formule qui semble très astucieuse et, au final, vous vous retrouvez avec l'euthanasie sur demande», craint Mme Sonnen.

Selon Alex Schadenberg, directeur de l'Euthanasia Prevention Coalition, la loi québécoise contourne les dispositions du Code criminel qui relèvent du gouvernement fédéral. C'est donc à Ottawa de faire respecter sa loi, dit-il.

«Si on permet que ce soit mis en place au Québec, on ouvre la porte à la légalisation de l'euthanasie partout au Canada parce que d'autres provinces pourraient suivre l'exemple du Québec», a-t-il indiqué.

Une clientèle importante

Les «conservateurs sociaux» - généralement opposés à l'avortement et à l'euthanasie - constituent une clientèle importante du Parti conservateur. Plusieurs députés conservateurs participent à des rassemblements pro-vie, une source de tension avec le cabinet de Stephen Harper, qui a toujours refusé de rouvrir le débat explosif sur l'avortement.

Mais, comme l'avortement, l'euthanasie est une question qui divise les conservateurs. Le député manitobain Steven Fletcher, tétraplégique depuis qu'il a subi un accident de la route, a récemment présenté deux projets de loi visant à légaliser la pratique, une initiative qui a reçu un accueil partagé chez ses collègues.

- Avec la collaboration d'Hugo de Grandpré