Pour affranchir le CHUM du «raboudinage» et des rénovations aux coûts toujours difficiles à prévoir, le gouvernement Charest envisage de faire raser carrément l'hôpital Saint-Luc actuel une fois que la nouvelle aile de l'hôpital universitaire sera construite.

C'est ce qu'a confirmé, hier, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, par l'entremise de son attachée de presse, Marie-Ève Bédard. Le ministre Bolduc a demandé il y a plus d'un mois que les spécialistes du CHUM planchent sur un scénario où «Saint-Luc serait complètement reconstruit plutôt que rénové».

Une réflexion avait déjà eu cours dans l'équipe du CHUM, «mais M. Bolduc a demandé d'approfondir pour en arriver à une décision», a expliqué Mme Bédard. Les fonctionnaires «nous ont dit qu'ils seraient en mesure de soumettre un projet qui fait une démolition-reconstruction plutôt qu'une rénovation», résume-t-elle. La décision sera prise «dans les prochaines semaines».

«C'est peut-être nouveau pour le public, mais le ministre Bolduc en avait parlé au directeur exécutif, Clermont Gignac, il y a plus d'un mois». «Il y a des scénarios à l'étude, on vous fera part des décisions au moment de l'appel de propositions», se bornait à dire hier Julie Masse, porte-parole du CHUM.

Pour le Dr Bolduc, s'il y a «un petit bout supplémentaire à faire sur l'enveloppe financière, on est prêts pour se doter du meilleur projet possible», résume la porte-parole du ministre.

Ce scénario «où on reprend tout à neuf» n'a pas de simulations quant aux coûts, souligne-t-elle. Mais ce changement radical de cap ne devrait pas modifier l'échéancier; «les appels de proposition pour le PPP devraient tout de même être lancés avant les Fêtes», insiste-t-elle.

La semaine dernière, le président de la Fédération des spécialistes, Gaétan Barrette, soulignait que le problème de la rénovation était un boulet pour le projet d'hôpital universitaire. Il soutenait que le site du 1000 Saint-Denis (l'hôpital Saint-Luc actuel) pouvait être un site acceptable pour un hôpital universitaire, «à condition de raser le quadrilatère». Le projet actuel, qui prévoit une rénovation assez superficielle du bâtiment de Saint-Luc, n'était pas souhaitable, «du raboudinage», avait lancé le Dr Barrette. L'idée de la démolition d'une aile de Saint-Luc, l'aile sud, avait déjà circulé le printemps dernier, mais cela ne représente que le cinquième du bâtiment qui sera finalement rasé si Québec adopte cette voie.

Selon les sources de La Presse, le nouveau responsable du projet, nommé pour les trois prochains mois, le Dr Guy Breton, a approché plusieurs médecins et cadres du CHUM au cours des dernières heures, leur indiquant que Québec penchait désormais pour un hôpital universitaire flambant neuf, d'un mur à l'autre.

L'édifice de Saint-Luc est passablement désuet, «aux normes de 1950». Le projet sous sa forme actuelle présente une lacune importante. On sait d'avance que la partie Saint-Luc sera toujours mal adaptée à la médecine de pointe, qu'elle n'aura pas une espérance de vie de 50 ans.

La rénovation nécessiterait de véritables prouesses d'ingénierie - du dynamitage sous un édifice existant - et suppose qu'on ne peut prévoir tous les coûts. C'est pourquoi le gouvernement restait en mode «conventionnel» plutôt qu'en «partenariat public-privé» pour cette «rénovation» qui coûtait environ 75 millions, une charge marginale sur un projet de plus de 1 milliard. Québec était bien loin d'un «curetage» pour l'ancienne bâtisse, pas question de retoucher aux structures et de ne garder qu'une coquille. On allait plus loin qu'une simple couche de peinture neuve, mais la rénovation envisagée était passablement «superficielle», explique-t-on.

Aussi, avec une construction totalement neuve, les coûts grimperaient probablement à 125 ou 150 millions, mais on ferait taire bien des critiques puisqu'on pourrait augmenter sensiblement le nombre de places de stationnement et augmenter le nombre de salles d'opération.

Pour faire le choix de la construction plutôt que de la rénovation, le gouvernement n'a pas à remettre à plus tard son appel d'intérêts toutefois. Le projet se fait dans tous les cas de figure en deux phases, la première est de construire la nouvelle partie, en PPP. Elle accueillera les patients de Saint-Luc, quel que soit l'avenir du bâtiment existant.

Si on décidait de raser Saint-Luc, la fin du chantier serait reportée dans le temps, confirmera une source proche du projet. Actuellement on s'attend à ce que la partie PPP soit «livrée» fin 2013, et par la suite, on projetait de relocaliser temporairement les activités de Saint-Luc, le temps de rénover l'hôpital existant. La reconstruction nécessiterait clairement plus de temps que la simple rénovation, prévient-on.

Mais en rasant l'ancien hôpital, le gouvernement pourrait obtenir l'appui des groupes de médecins, comme les spécialistes, qui y verraient l'occasion d'avoir un édifice «à leur main» mieux adapté à leurs attentes. Aussi les milieux d'affaires seraient peut-être plus entichés, et plus intéressés à contribuer à un projet flambant neuf, plus intéressant pour leur image corporative.

Actuellement la Fondation du CHUM est encore bien loin de son objectif de contribution - 200 millions. La loterie qu'elle a lancée le printemps dernier pour susciter du financement a tout juste fait ses frais.