Après un été « essoufflant », marqué par sa gestion de la crise des incendies de forêt, la mairesse de Chapais, Isabelle Lessard, annonce sa démission en raison d’un syndrome de stress post-traumatique. La plus jeune mairesse de la province déplore d’ailleurs le manque de ressources disponibles pour les élus dans de pareilles situations.

« Les dures semaines vécues en juin dernier lors des incendies de forêt ont entraîné des répercussions non négligeables sur ma santé et je dois prendre le temps nécessaire pour guérir », écrit-elle dans sa lettre de démission rendue publique ce mercredi.

En entrevue à La Presse, elle dit vivre avec beaucoup de difficultés depuis les incendies de forêt. « Quand ça s’est arrêté, je n’ai pas réussi à passer à autre chose. Je ne dormais pas mieux, j’étais constamment stressée, j’avais peur. Je n’étais plus la même, en fait », explique-t-elle, non sans émotion.

Mme Lessard s’était fait connaître par une bonne partie du Québec cet été pour sa gestion quotidienne des incendies de forêt, alors qu’une partie importante des quelque 1500 habitants de Chapais avaient été forcés d’évacuer. « La panique s’est installée. Les gens se sont dit que le feu était en train de foncer sur nous aussi. Tout le monde était inquiet, y compris moi », avait-elle alors relaté dans nos pages.

Au plus fort de la crise, la jeune élue travaillait en moyenne 16 heures par jour. La jeune femme de 23 ans était en arrêt de travail depuis le 13 septembre, une pause qui aurait normalement dû lui permettre « de revenir en force », explique-t-elle.

Je pensais que des vacances, ça m’aiderait, mais ça n’a pas suffi. Le fait de relâcher la pression a juste laissé place à toute l’anxiété et la peur que j’avais dû enfouir.

Isabelle Lessard, mairesse de Chapais

Sa démission sera en vigueur à compter du 17 novembre. Il reste donc un peu moins de deux semaines avant la fin de son mandat, ce qui suggère qu’une élection devra être organisée à Chapais prochainement. Aux élections municipales de novembre 2021, Isabelle Lessard avait été élue sans opposition.

Un système à changer

Dans une publication sur ses réseaux sociaux, où elle évoque un « été essoufflant » et confirme avoir développé un syndrome de stress post-traumatique, Mme Lessard indique par ailleurs « qu’il serait plus que temps de normaliser » les enjeux de santé mentale en politique. « En 2023, je ne crois pas que ce soit à nous de changer, mais bien au système de le faire », illustre-t-elle.

« Comme élus, on n’a pas de ressources. Quand on arrive avec un congé de maladie, on n’a pas d’assurance-invalidité, pas d’assurance-chômage, pas de programme d’aide. On n’est pas considérés comme des travailleurs autonomes, alors qu’en fait, on n’est pas des employés non plus. C’est comme une zone grise », précise-t-elle en entrevue.

Sur le plan légal, le fait que les élus doivent respecter un délai maximal de 90 jours d’absence, « ça doit changer », considère-t-elle. « Quand on parle de maladie, de motifs familiaux ou d’autres raisons sérieuses, je pense qu’il faut que ça soit fait différemment. Avoir une date butoir au-dessus de nos têtes, ça fait qu’il faut nécessairement aller mieux en 90 jours. Mais ce n’est pas toujours la réalité. »

Si le Québec veut continuer de recruter des jeunes en politique, le gouvernement et les villes devront adopter des changements rapidement, soutient-elle. « Ça ne peut pas prendre 10 ans encore. On est plusieurs à avoir vécu ça dans les dernières années. Tout le monde doit y mettre du sien. Tout l’appareil gouvernemental doit se positionner », conclut la mairesse.

Ces derniers mois, plusieurs autres élus ont en effet fait part de leurs difficultés sur le plan de la santé mentale. À la fin du mois d’octobre, la mairesse de Sherbrooke Évelyne Beaudin avait annoncé qu’elle suspendait ses activités pour éviter « un état d’épuisement qui serait trop important et trop difficile à surmonter ».

Vers un plan d’action renouvelé ?

À Québec, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, s’est montrée mercredi empathique à la situation de Mme Lessard. « On voit quand même que les élus, parfois, c’est difficile. Et les incendies de forêt, ça a été très difficile », a souligné la ministre.

Elle a rappelé avoir mis sur pied un fonds de 2 millions de dollars avec l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) « pour mieux accompagner les élus ». Le projet de loi 49, qui a pour but de réduire l’incivilité envers les élus en imposant des sanctions à la clé, aidera aussi à assainir le quotidien des élus municipaux, selon Mme Laforest.

Le président de l’UMQ, Martin Damphousse, a de son côté fait valoir que ce dossier « nous rappelle avec gravité que les élus municipaux sont avant tout des êtres humains ».

« Les défis et crises auxquels ils font face sont de plus en plus complexes, et sont aussi révélateurs de l’importance de leur rôle », a-t-il dit, en rappelant que l’UMQ travaille à l’élaboration d’un plan pour mieux soutenir les villes et leur permettre d’étendre leur programme d’aide aux employés aux élus.

Avec Fanny Lévesque, La Presse