(Lévis) L’Union des producteurs agricoles (UPA) entend se battre pour réintégrer dans le giron agricole jusqu’au dernier hectare des terres de Rabaska, que Lévis et le Port de Québec veulent transformer en zone industrialo-portuaire.

« Ce qu’on fait aujourd’hui, la bataille pour les 272 hectares, on fait ça pour nos jeunes. Parce que si on ne protège pas cet outil-là, on met à risque notre garde-manger pour demain », a lancé vendredi le président de l’UPA, Martin Caron.

Une poignée d’agriculteurs et d’environnementalistes se sont réunis en matinée à la lisière des terres de Rabaska. Cette parcelle de 272 hectares a été arrachée au territoire agricole en 2007 pour la construction d’un port méthanier et d’un gazoduc.

Le projet n’a jamais été réalisé. Le gouvernement du Québec veut maintenant racheter ces terres situées dans l’est de Lévis pour un développement industriel et portuaire. Lévis et le Port de Québec sont intéressés par le projet.

Jeudi, le maire de Lévis a semblé tendre la main aux agriculteurs. Gilles Lehouillier a indiqué qu’une partie du site pourrait être réservée à l’agriculture. Il mentionnait son désir de rencontrer l’UPA la semaine prochaine. La sortie de M. Lehouillier n’a pas été particulièrement bien reçue.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Gilles Lehouillier, maire de Lévis

« J’ai regardé mes courriels pour voir si on avait reçu une invitation. Mais non », a ironisé M. Caron.

« C’est vraiment spécial qu’on ait cette affirmation-là juste avant notre conférence de presse, a renchéri le président de l’UPA. C’est comme si on voulait nous diviser. Mais aujourd’hui, on est clairs : ce sont les 272 hectares qu’on veut réinclure. »

Le dirigeant local de l’UPA a utilisé une image bien sentie pour qualifier l’offre du maire. Maintenir un territoire agricole entre un éventuel port en eau profonde et une future zone industrielle n’est pas viable, croit James Allen, président de la Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches. « C’est comme un sandwich, et un sandwich, ça finit tout le temps par se faire manger. »

L’UPA a d’ailleurs saisi les tribunaux. Elle fait valoir la clause d’un contrat avec l’entreprise Rabaska selon laquelle des démarches seraient entamées pour redonner le zonage agricole aux terres si le projet de terminal méthanier achoppait, ce qui est manifestement advenu.

Dans le giron de la CPTAQ

Les agriculteurs demandent donc que ces terres reviennent dans le giron de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). « S’ils veulent faire quelque chose avec ces terres-là, ils repasseront par la CPTAQ », lance James Allen.

La conférence de presse avait lieu chez Marie-Hélène Samson. Sa famille occupe ces terres depuis sept générations. « Au temps de ma grand-mère, c’étaient des fermes tout autour », dit-elle avec un geste de la main vers les champs de bungalows au loin.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Marie-Hélène Samson, ancienne productrice laitière, craint l’arrivée d’une zone industrialo-portuaire à côté de chez elle.

Elle est persuadée que si le projet industrialo-portuaire qu’envisagent le gouvernement du Québec, Lévis et le Port de Québec va de l’avant, « on va être grugés tranquillement pas vite » par le développement.

Selon l’UPA, les 272 hectares des terres de Rabaska comprennent 73 hectares cultivables, 43 hectares d’érablières et 60 hectares de milieux humides.

« Le dézonage de 272 hectares de terres agricoles en 2007 était une erreur grotesque », a indiqué Pierre-Paul Sénéchal, président du GIRAM, un organisme lévisien de défense du patrimoine bâti et de l’environnement.

« Une erreur aussi grossière, ça ne se corrige pas à moitié, ça se corrige en totalité, dit-il. Ce sont les 272 hectares qui doivent revenir auprès du monde agricole. »

La Ville de Lévis veut utiliser les terres de Rabaska pour développer le parc industriel Lévis-Est. « Le parc industriel est localisé à un endroit stratégique dans la grande région métropolitaine de Québec. En effet, il offre une des dernières opportunités pour l’aménagement d’un quai en eau profonde (plus de 15 mètres de profondeur) sur la côte est américaine », peut-on lire dans le schéma d’aménagement de la municipalité.

Le Port de Québec avait un projet de quai en eau profonde de l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, dans le secteur de Beauport. Ottawa a toutefois abandonné le projet Laurentia.